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Après le sommet européen du 21 mars, le Royaume-Uni partira le 22 mai, peut-être même d’ici le 12 avril

Après trois ans d’un incroyable feuilleton dont l’issue était en réalité certaine, les parlementaires britanniques vont choisir dans les prochains jours si le Royaume-Uni quitte l’UE avec ou sans accord.

Depuis le 23 juin 2016 et le choix majoritaire du peuple britannique, l’issue finale était certaine : le Royaume-Uni sortirait bel et bien de l’Union européenne. Ce qui vient de s’éclaircir avec le sommet des Vingt-sept du 21 mars, ce sont le chemin, les modalités et les échéances. Certes, outre de toujours possibles ultimes rebondissements, il reste encore une incertitude importante : Londres partira-t-il le 22 mai moyennant l’accord de divorce signé en novembre dernier et assorti des garanties juridiques négociées en mi-mars ? Ou y aura-t-il une sortie « sans accord » le 12 avril ? La réponse sera fournie d’ici peu par les parlementaires britanniques.

Il y avait deux manières d’aborder ce qui s’est passé depuis près de trois ans. La première était de suivre au jour les jours les événements, sans prendre aucun recul. Et il faut bien reconnaître que l’incroyable suite de surprises, de rebondissements, de retournements, de coups de théâtre, d’affrontements internes et externes, de pièges, de chausse-trapes a dépassé tout ce qu’aurait pu concevoir le plus fou des scénaristes. Jusqu’au dernier moment, d’innombrables dirigeants politiques et commentateurs, des deux côtés de la Manche ont espéré que le résultat du référendum pourrait être inversé, ignoré ou gelé pour l’éternité.

La seconde approche supposait, au contraire, de comprendre les mouvements politiques de fond, et notamment deux d’entre eux. D’une part, le choix de juin 2016 n’était nullement une foucade conjoncturelle des Anglais, mais s’inscrivait dans une tendance longue, marquée par un délitement de l’intégration européenne. Que celle-ci se soit d’abord concrétisée en Grande-Bretagne n’étonnera que ceux qui ignorent ou méprisent l’Histoire (et la géographie qui la détermine).

D’autre part, l’époque n’est plus où les dirigeants européens pouvaient tranquillement exiger que le résultat d’un référendum soit à nouveau soumis au vote jusqu’à ce que les électeurs donnent enfin la « bonne réponse », ou soit purement et simplement inversé. C’est ce qu’ont subi les Danois en 1992 (traité de Maastricht), les Irlandais en 2001 (traité de Nice) et 2008 (traité de Lisbonne), ainsi bien sûr que les Français et les Néerlandais en 2005 (traité constitutionnel). Les temps ont changé, et les peuples supportent de moins en moins cette arrogance.

Beaucoup de partisans de l’intégration européenne auraient pu s’éviter trois ans de faux espoirs et de vaines illusions s’ils avaient simplement mesuré la détermination de Theresa May. Arrivant au pouvoir dans la foulée du référendum, en juillet 2016, celle qui avait pourtant elle-même voté pour rester dans l’UE avait affirmé : je suis ici pour remplir le mandat que les citoyens m’ont donné, et je le ferai.

Sans doute ne mesurait-elle pas elle-même l’incroyable déchaînement d’obstacles qu’allaient ériger ses innombrables détracteurs – bien sûr les Vingt-sept et la Commission européenne, de même que sa propre opposition parlementaire, ce qui est somme toute logique ; mais aussi ses adversaires parmi ses propres députés, ceux qui militaient pour une sortie sans accord, comme ceux – nombreux – qui espéraient que le pays resterait au sein de l’UE ; et jusqu’au sein de son propre gouvernement, y compris son numéro deux ainsi que le chancelier de l’Echiquier, et même son propre chef de cabinet !... A des degrés divers, les uns et les autres ont tenté de faire dérailler le processus, ou de le dénaturer. Et l’on ne compte pas les quolibets quotidiens, moquant les « humiliations », les « gifles », les « revers », les « défaites » subies par le premier ministre, et pronostiquant régulièrement (depuis trois ans) sa démission. Encore aujourd’hui, certains poussent le grotesque jusqu’à espérer cette issue comme arme pour un ultime retournement.

Quoi qu’on pense par ailleurs des orientations politiques de Theresa May, force est de le constater : jamais un autre dirigeant européen n’aura tenu tête à ses pairs d’une telle manière.

Enfin, le chemin de croix qui lui a été imposé avait un autre objectif : convaincre les peuples du Vieux continent que sortir de l’UE est un cauchemar, une catastrophe, une torture sans fin. Et à l’exaspération – ô combien compréhensible – des Britanniques eux-mêmes face à un dénouement toujours reculé, s’est ajouté le sentiment instillé aux Allemands, aux Français et à bien d’autres que, décidément, quitter le club est une impasse insupportable.

D’ici quelques semaines ou quelques mois, chacun pourra enfin le constater : le Royaume-Uni n’aura ni sombré ni subi on ne sait quelle infernale catastrophe économique.

Au contraire.

Pierre Lévy,
rédacteur en chef du mensuel Ruptures
(informations et abonnements : https://ruptures-presse.fr/abonnement/)

 https://ruptures-presse.fr/actu/brexit-may-sommet-issue/

COMMENTAIRES  

24/03/2019 20:47 par Chris

"D’ici quelques semaines ou quelques mois, chacun pourra enfin le constater : le Royaume-Uni n’aura ni sombré ni subi on ne sait quelle infernale catastrophe économique.
Au contraire.
"

Certainement. Les Anglais vont sortir de l’UE et vont pouvoir retrouver leur souveraineté.
Sans doute vont-ils utiliser celle-ci pour accentuer leur penchant pour des politiques libérales et les salariés de GB n’auront rien à espérer de mieux. Mais au moins cela sera la résultat de leur choix et de leur démocratie retrouvée.

A quand le FREXIT pour nous ?

24/03/2019 21:41 par irae

Les dirigeants et élus brittons vont-ils s’asseoir tel un sarko et un congrès unanime en 2005 sur le vote du peuple souverain ? Juncker aura-t-il le fin mot "il n’y a pas de démocratie contre les traités ?" et la belle UE ultra-libérale un piège dont il est impossible de sorti ?
Wait and see !

25/03/2019 09:36 par Assimbonanga

Dedans ou dehors, la Grande-Bretagne conservera son charme conservateur. Ces 40 dernières années , le gouvernement britannique a petit à petit privatisé ses logements sociaux. Les résultats sont désastreux ( 320 000 personnes sont sans domicile fixe , dont la moitié à Londres) et fort de cela, c’est sans doute pourquoi Macron (la droite) veut en faire autant en France. Pour ceux qui n’ont plus la télé, un petit reportage du JT de 20 h de France 2, comme un brin de nostalgie : https://www.francetvinfo.fr/monde/royaume-uni/royaume-uni-des-maisons-construites-en-24-heures_3248257.html
Observez comment on loge les pauvres dans des boîtes en plastique+bois+COV ! C’est charmant. Et c’est l’avenir.

25/03/2019 12:30 par Xiao Pignouf

17 millions pour le Leave
16 millions pour le Remain
32 millions d’abstention

On peut pas vraiment appeler ça « un choix majoritaire » du peuple britannique.

25/03/2019 12:54 par Xiao Pignouf

le Royaume-Uni n’aura ni sombré ni subi on ne sait quelle infernale catastrophe économique.

M. Levy, il faudrait étayer vos propos. Ce n’est pas parce que vous l’affirmez que c’est une réalité.

Faire accroire que tout se passera bien est une vue de l’esprit, surtout quand on est bien installé dans son canapé... de l’autre côté de la Manche.

Je hais l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, mais...

L’Angleterre, comme tout pays européen, est liée à une myriade d’accords commerciaux eux-mêmes liés à des pans entiers de l’économie qui n’auront du jour au lendemain plus lieu d’être et qu’il faudra one by one renégocier sans l’avantage du nombre que fourni l’Europe... ça prendra des années avant de retrouver un semblant de normalité...

Mes amis anglais, eux, pensent que c’est une catastrophe qui s’annonce (que l’UE semble vouloir aggraver d’ailleurs) et quand ils donnent des exemples de conséquences concrètes sur le quotidien des gens, on leur rétorque "Project Fear !" qu’on pourrait traduire par "Rabat-joie !"... et les Leavers espèrent que le gouvernement veillera à trouver des solutions...

Un tas de trucs vont merder, et ça aura un impact immédiat sur la vie des gens et sur leur portefeuille (pénuries, hausses des prix, émigration des entreprises, hausse du chômage, avions cloués au sol...) ...et l’Angleterre pourra mettre 10 ans à se relever. Encore une fois, ne me prenez pas pour un eurobéat, si ça chie dans le ventilo, c’est l’Europe qui est responsable. Mais le Brexit va foutre l’Angle à terre, et si je me trompe, alors je voterai Asselineau.

25/03/2019 14:46 par Assimbonanga

Asselineau... Comment dire ? En tant que commère décervelée, je le vois avec l’intuition féminine : un vieux barbon atteint administrativophilie (le contraire de phobie) . Le mec obsédé par les contrats de papiers. Et qui en fait profiter tout le monde. Mais j’avoue que c’est un jugement sans preuves, une prévention purement gratuite, une impression. Mais très forte !

25/03/2019 19:35 par robess73

les anglais ont voté.a eux de faire respecter ce vote..mais ils ne sont pas encore sortis.quand a xiao pignouf le pseudo parle tout seul...

25/03/2019 20:33 par Xiao Pignouf

quand a xiao pignouf le pseudo parle tout seul...

On me la fait facilement celle-là, c’est pas une preuve d’intelligence, loin de là. Robess73, je peux savoir ce qui me vaut cette remarque, ou bien tu as déjà oublié ?

25/03/2019 20:37 par Xiao Pignouf

@Assim, ceux qui lisent mes commentaires savent très bien ce que je pense d’Asselineau.

25/03/2019 20:52 par Xiao Pignouf

Et je redemande à l’auteur de bien vouloir daigner à expliquer dans quelle mesure il pense pouvoir affirmer que le Brexit n’aura pas d’impact négatif sur la vie des Anglais, au contraire dit-il ? Strictement aucun élément de cet article ne permet une telle conclusion.

26/03/2019 06:36 par Xiao Pignouf

Elève Pignouf, au piquet ! A moins de faire voter les nouveaux nés britanniques, un peu trop tard je me rends compte de l’erreur de mon premier com. Je n’ai même pas d’excuse, si ce n’est une discussion avinée avec les amis mentionnés plus haut, et un constat : boire ou traduire, il faut choisir. Ce commentaire est caduque, et je m’en excuse.

Cela étant, en commentant ainsi, mon but n’était pas de montrer l’invalidité du vote britannique. Je pense d’ailleurs que l’une des stratégies de l’Europe est de pousser à un nouveau référendum, et ce n’est pas parce que ça conviendrait à mes potes que je l’approuverais.

26/03/2019 10:55 par Assimbonanga

@Xiao, c’était juste pour mettre mon grain de sel. Rien de plus !

30/03/2019 08:56 par bostephbesac

Xiao Pignouf, les Anglais ont déjà repassé des accord commerciaux avec d’ autres pays - USA, Japon, Suisse, Chine . Ils ont déjà contourné "cette difficulté" du commerce mondial ; commerce qui est d’ ailleurs déjà régie par des règles internationales (!), donc le "brexit dur" ne le sera pas autant que les eurobéats voudraient nous le faire croire . D’ ailleurs, simple remarque : si en cas de brexit dur, du jour au lendemain nous nous mettions a bloquer aux frontières des produits Anglais que nous acceptions avant, que croyez vous qu’ il se passera (?) :

1) Comment expliquera t’ on que telle ou telle produit "made in Britain" est - subitement - devenu non grata sur nos marchés UE ? Aucune crédibilité pour toute personne censée.

2) Croyez vous que nos chers amis Anglais resteraient les bras croisés, sans réagir ? Evidement non.

En fait, j’ ai surtout l’ impression que ces chers politicards, qu’ ils soient Anglais (et à la sauce UE (Corbyn m’ a d’ ailleurs beaucoup déçu en exigeant un nouveau référendum)) ou, encore mieux (!), nos chers eurocrates, font beaucoup de bruits pour nous faire peur...............et essayer ainsi de discréditer le vote des électeurs . En quelque sorte, la même recette que contre notre vote de 2005.

30/03/2019 18:28 par Xiao Pignouf

Ils ont déjà contourné "cette difficulté" du commerce

Je veux bien vous croire Bosteph, mais il me faut des sources.

Croyez vous que nos chers amis Anglais resteraient les bras croisés, sans réagir ?

Ben, apparemment, la panade dans laquelle ils sont en ce moment viendrait du fait que justement durant les 3 ans qu’ils avaient pour organiser le bouzin, ils n’ont rien fait. Du coup, ils feraient tout dans la précipitation. Source anglaise...https://www.youtube.com/watch?v=-IL2XwSkFJQ

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