Lénine, hier, aujourd’hui, demain
Le 21 janvier 1924, il y a juste 90 ans, s’éteignait Lénine, usé prématurément par son combat acharné pour la Révolution prolétarienne, pour la construction de la nouvelle Russie ouvrière et paysanne et pour la mise en place de l’Internationale communiste. Peu d’années plus tôt, Lénine avait été grièvement blessé par une « socialiste-révolutionnaire », réincarnation russe de Charlotte Corday, la contre-révolutionnaire pseudo-républicaine qui assassina le grand Marat. Ainsi s’éteignait un authentique génie politique, un théoricien non moins clairvoyant que Marx et Engels, un militant désintéressé du prolétariat, un homme dur à l’ennemi mais foncièrement humain et incapable de la moindre « saloperie » contre qui que ce soit. Mais plutôt que de se lancer dans un énième éloge académique de Lénine, plutôt que de lui élever de nouvelles et fragiles statues de bronze, le plus simple est de lui rendre la parole et d’appeler à le LIRE en confrontant ses écrits à son époque et à la nôtre. Pour cela, nous choisissons de citer quelques textes oubliés qui montrent à quel point il est absurde de présenter Lénine comme un dogmatique et le léninisme comme un catéchisme sectaire.
Nous commençons par
Ce n’est pas le travail qui « coûte » au capital, c’est le prolétaire qui nourrit gratuitement les parasites capitalistes !
« On a souvent l’occasion d’entendre dire que les propriétaires fonciers et les fabricants « donnent du travail » au peuple, « donnent » un gagne-pain aux pauvres. On dit par exemple que la fabrique voisine ou le domaine voisin « nourrit » les paysans de l’endroit. Or en réalité, par leur travail, les ouvriers se nourrissent eux-mêmes et nourrissent tous ceux qui ne travaillent pas. Mais pour avoir le droit de travailler sur la terre du propriétaire foncier, à la fabrique ou au chemin de fer, l’ouvrier donne gratuitement au propriétaire tout ce qu’il produit, recevant juste de quoi ne pas mourir de faim. En réalité donc, ce ne sont pas les propriétaires fonciers ou les marchands qui donnent du travail aux ouvriers, mais les ouvriers qui par leur travail entretiennent tout le monde, donnant gratuitement une grande partie de leur labeur ». Lénine, Œuvres complètes, T. 6, p. 385
Commentaire G.Gastaud : ce rappel de Lénine aux fondamentaux marxistes est fort utile à notre époque alors que certains « syndicalistes » se laissent entraîner dans une négociation scandaleuse sur la « réduction du coût du travail », que réclame à cor et à cri le grand patronat parasitaire. En réalité, que ce soit sous le capitalisme, sous la féodalité ou sous l’esclavage, le travailleur se nourrit lui-même et nourrit EN SUS son exploiteur en lui cédant la plus-value, c’est-à-dire la différence entre ce qui est nécessaire pour reproduire la force de travail (manger, boire, se vêtir, se loger, le tout a minima), et la valeur de ce qui est produit par le travailleur exploité. Si cette exploitation de l’homme par l’homme est possible, c’est fondamentalement parce que la propriété des moyens de production appartient à la classe des maîtres ou des capitalistes qui ont la « bonté » d’embaucher sur les chaînes, ou de faire travailler sur « leurs » grands domaines, l’ouvrier et le paysan, bien obligés de courber la tête pour satisfaire plus ou moins chichement leurs besoins.
En fait, le travail n’est pas un COÛT à réduire, c’est la source de toute richesse économique. En socialisant les moyens de production et d’échange, en exerçant le pouvoir politique au profit de leur classe (socialisme), les travailleurs salariés – autrement dit, les prolétaires – peuvent se réapproprier la plus-value pour édifier une société conforme aux besoins humains et non à l’accumulation sans fin du capital dans les mains de quelques-uns. Ils cessent alors peu à peu d’être des salariés, travaillant pour un autre et courbant l’échine devant lui, pour devenir les « producteurs associés » de la société sans classes (Marx) ou les « coopérateurs civilisés » du communisme.
Les communistes ne disent pas systématiquement « élections, piège à cons », mais ils doivent aussi parfois boycotter une élection.
A propos du mot d’ordre bolchevik de boycott des élections à la Douma d’Etat, élection instituée par le tsar pour « calmer » les masses révolutionnaires russes après la Révolution de 1905 :
« … le boycottage est le moyen de lutte le plus décisif qui s’attaque, non pas à des formes d’une institution donnée, mais à son existence même. Le boycottage est une déclaration de guerre directe à l’ancien régime, une attaque directe contre lui ». O.C., T. 13, p. 20.
Commentaire G.Gastaud : les bolcheviks ne disent ni « élections piège à cons ! », comme les gauchistes qui « mettent toutes les élections dans le même sac », ni « voter est un devoir républicain sacré », comme le croient sincèrement ceux qui n’ont pas compris la fonction des élections dans une démocratie bourgeoise. Des prolétaires conscients, des communistes, de vrais républicains ne doivent participer à une élection que si elle permet aux travailleurs, soit d’exercer réellement la souveraineté populaire, comme c’est le cas dans une vraie république sociale et populaire (par exemple la Commune de Paris), soit au minimum de peser, d’intervenir d’une manière réellement autonome et indépendamment des partis bourgeois. C’est pourquoi par ex. le PRCF, en bon léniniste, appelle à participer aux municipales prochaines soit pour y soutenir une liste franchement républicaine (et notamment : opposée aux métropoles), soit à voter blanc ou nul si aucune liste ne porte de vrai projet progressiste : une abstention massive aux municipales aiderait sans nul doute la droite et le PS à liquider les communes et à promouvoir les « métropoles ».
En revanche, le PRCF appellera à boycotter activement, de manière militante, les « élections » européennes supranationales de mai prochain : car leur objet n’est nullement de construire on ne sait quelle « alternative » entre la droite et la social-démocratie, ni même de soutenir une liste de gauche clairement anti-U.E. (toutes les listes annoncées à gauche, PS, Verts, Front de gauche, N.P.A., L.O., reposent sur le mensonge d’une « Europe sociale » et d’un introuvable « euro au service des peuples »). Si l’on veut attaquer « non pas les formes, mais l’existence même d’une institution » (Lénine) – ici l’U.E. supranationale, dictatoriale, impérialiste, fascisante, anticommuniste et antipopulaire -, il faut la délégitimer radicalement. Le vote blanc ne suffira pas et le vote rouge restera totalement invisible politiquement. En réalité, ces deux votes signifieraient seulement que l’on refuse l’ensemble des candidats et non pas l’institution elle-même – le pseudo-parlement européen, cache-sexe « démocratique » de la prison européenne des peuples. Au contraire, il est plus que temps de « déclarer la guerre » à cette Europe supranationale qui mène chaque jour contre nous, travailleurs et peuples d’Europe, une cruelle guerre non déclarée (contre nos salaires, nos retraites, notre Sécu sociale, nos statuts, nos services publics, etc.). Si demain 60/70% des électeurs européens DELEGITIMENT la farce électorale européenne, ce sera un rude camouflet pour l’eurodroite, pour la social-eurocratie et pour le front PSEUDO-national : car celui-ci critique l’U.E. mais il se goberge au parlement européen en palpant, comme les autres, les indécentes indemnités parlementaires accordées par l’U.E. à tous ceux qui la créditent. Car les Merkel, Gattaz, Hollande, Copé et Cie n’ont que secondairement cure de savoir si le parlement de Strasbourg, cette potiche coûteuse, sera un peu plus « bleue » ou un peu plus « rose » au soir de l’élection : que leur importe que le « chat » soit blanc, brun ou rose, voire rose vif, pourvu qu’il rabatte les souris que nous sommes vers la sacro-sainte « construction européenne ». A l’inverse, si A l’APPEL. DES FRANCS COMMUNISTES ET PROGRESSISTES, 70, voire 75% des citoyens français, classe ouvrière et jeunesse en tête, refusent la mascarade, non seulement l’U.E. sera encore plus délégitimée, non seulement les partis euro-constructifs qui nous trahissent au quotidien seront placés devant leurs contradictions, mais une masse de travailleurs de France et d’ailleurs sera mieux disposée à entendre pour du bon le message que les syndicalistes rouges du PAME avait hissé sur l’Acropole : « peuples d’Europe, insurgez-vous ». Bref, les léninistes ne « boycottent » pas systématiquement les élections, mais quand une institution bourgeoise branlante, entièrement au service d’une visée réactionnaire, est en crise, ils ne courent pas à son secours en la créditant de leur vote au nom du « vote, principe sacré ».
(Ajoutons que non seulement le fait de voter aux européennes ne contribuerait pas à défendre le suffrage universel, mais qu’il contribuerait à l’enterrer : car l’U.E. actuelle repose sur le Traité de Lisbonne, copie conforme de la Constitution européenne que nous avons rejetée à 55% et que le PS et l’UMP nous ont fourguée de force en BAFOUANT LE SUFFRAGE UNIVERSEL du peuple français)… En réalité, voter aux européennes alors que se prépare le « saut fédéral européen » et le passage de la France aux Länder à l’allemande (suppression des départements, réduction à 15 des euro-régions, officialisation rampante des langues régionales et de l’anglais patonal), ce sera aider involontairement le MEDEF à DESTITUER LA France et à INSTITUER le nouvel Empire euro-atlantique. Brisons les routines, tenons compte concrètement des réalités de classes, faisons en léniniste une « analyse concrète de la situation concrète »…
La lutte contre le national-impérialisme ne signifie nullement le nihilisme national
« Le capitalisme se sent désormais à l’étroit dans les vieux États nationaux sans la formation desquels il n’aurait pu renverser le régime féodal. Le capitalisme a développé la concentration au point que les industries entières ont été accaparées par des syndicats patronaux, les trusts, les associations de capitalistes milliardaires, et que presque tout le globe a été partagé entre ces « potentats du capital », sous forme de colonies ou en enserrant les pays étrangers dans les filets de l’exploitation financière (…). De libérateur des nations que fut le capitalisme dans la lutte contre le régime féodal, le capitalisme impérialiste est devenu le plus grand oppresseur des nations ». O.C., T. 21, pp. 311-312.
Ou aussi, à l’adresse de ceux qui, n’ayant pas lu Lénine, et parce qu’il a combattu le pseudo-patriotisme des impérialistes et de leurs relais sociaux-démocrates, s’imaginent que Lénine était étranger à tout patriotisme :
« Le sentiment de la fierté nationale nous est-il étranger, à nous, prolétaires grands-russes conscients ? Bien sûr que non ! Nous aimons notre langue et notre patrie ; ce à quoi nous travaillons le plus, c’est à élever ses masses laborieuses (c’est-à-dire les neuf dixièmes de sa population) à une vie consciente de démocrates et de socialistes (…). Nous sommes pénétrés d’un sentiment de fierté nationale, et c’est pourquoi nous nourrissons une haine toute particulière envers notre passé d’esclaves (…). Les Grands-Russes ne peuvent « défendre la patrie autrement qu’en souhaitant la défaite du tsarisme dans toute guerre comme un moindre mal pour les 9/10èmes de la population, car non seulement le tsarisme opprime économiquement et politiquement ces 9/10èmes de la population, mais il la démoralise, l’avilit, la déshonore, la prostitue en l’accoutumant à opprimer les autres peuples, en l’accoutumant à voiler sa honte sous des phrases hypocrites pseudo-patriotiques ».
Commentaire de G.G : alors que le MEDEF détruit la France en la prenant en tenailles entre l’U.E. et la « reconfiguration » antirépublicaine des territoires (eurorégions, métropoles, mais aussi substitution ultra-rapide du Business-Globish au français dans les grandes entreprises et à l’université), il est lamentable que tant de gens qui se croient « de gauche » et même « résistants sociaux », rejettent toute forme de patriotisme, assimilent le patriotisme au nationalisme raciste des fascistes, ACCOMPAGNENT DE GAUCHE en un mot la « construction européenne » (avec l’idée d’un « bon » euro, d’une « bonne » UE), confondent le patriotisme républicain, frère de lait de l’internationalisme prolétarien, avec le nationalisme impérialiste et avec le mondialisme capitaliste. Lénine ne confond pas le défaitisme révolutionnaire, c’est-à-dire la lutte résolue contre l’impérialisme et le colonialisme des « grandes » nations capitalistes, avec le patriotisme populaire qui consiste à attaquer l’impérialisme, y compris celui de son propre pays, non seulement parce que cet impérialisme détruit les pays étrangers mais parce qu’il déshonore les peuples des grands pays en les rendant complices des exploiteurs. A notre époque, il est impératif d’associer plus que jamais le patriotisme républicain et le défaitisme révolutionnaire anti-impérialiste. Non pas en clamant partout que « la France » exploite et écrase les peuples africains ou proche-orientaux – ce qui revient à assimiler le peuple français à l’impérialisme du grand capital – mais en montrant que l’impérialisme français, qui proclame son « besoin d’aire » (manifeste du MEDEF, décembre 2011) DETRUIT LA NATION pour se faire une place au soleil dans le concert de la mondialisation capitaliste. Ce n’est pas seulement parce qu’il détruit la Centrafrique ou la Syrie que l’impérialisme français doit être battu, c’est parce qu’il démolit la nation. Toute défaite de l’impérialisme français est une victoire pour la nation. Toute défense populaire, républicaine, progressiste, antifasciste, de la nation, sur la base des idées du CNR, sur la base de la rupture avec l’U.E., avec l’Union transatlantique, avec l’OTAN, porte des coups à l’impérialisme français. JE pense avoir expliqué tout cela en détail dans mon livre Patriotisme et internationalisme. Bref, cessons d’opposer l’internationalisme au patriotisme en général, partons des contenus de classes. Souvenons-nous qu’à l’époque de l’impérialisme, la devise de l’Internationale communiste n’était plus seulement « Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! », mais – à la demande de Lénine : « prolétaires de tous les pays, peuples opprimés du monde, unissez-vous ».
Oui, la rupture organisationnelle avec les courants réformistes !
« Ce serait une illusion nuisible que d’espérer la restauration d’une Internationale réellement socialiste sans une rupture complète, sur le plan de l’organisation, avec les opportunistes ». 1914, T. 21
Commentaire de G.Gastaud : Quand nous avons formé la Coordination communiste du PCF en 1991, nous avons voulu éviter deux écueils politiques : le premier, opportuniste, eût consisté à penser que le PCF pouvait tel quel être reconquis du dedans, « remis sur les rails de la lutte des classes », comme le disent encore de manière totalement irréaliste certains camarades qui mettent une muraille de Chine entre les militants « de l’intérieur » et ceux qui se sont organisés à l’extérieur du PCF muté et archi-muté. La seconde erreur, sectaire, était de croire qu’il fallait à quelques centaines, « autoproclamer » un « parti communiste » tout neuf, sans se soucier de l’avis de la masse des communistes, des ouvriers, du Mouvement communiste international dans sa totalité. Il fallait bien évidemment accumuler des forces au sein du parti et à l’extérieur pour, le moment venu, non pas « gagner la bataille du congrès » (comme si les opportunistes ne savaient pas verrouiller un appareil !), mais mettre en route la « séparation organisationnelle », quelle qu’en soit la forme à venir. C’est-à-dire regrouper tous les vrais communistes sur la base de l’unité d’action, sur la base des conceptions révolutionnaires, qu’ils soient à l’intérieur ou pas du PCF, et les séparer des éléments incurablement social-démocratisés, incurablement européistes, incurablement antisoviétiques, incurablement liés par mille privilèges à l’Etat bourgeois et à ses dépendances social-démocrates. La tâche n’a pas changé. Le PRCF ne se prend pas pour un parti mais pour un « pôle », il propose l’unité d’action de tous les vrais communistes indépendamment de la direction nationale mutée du PCF-PGE, il regarde avec respect ceux qui, comme lui, se sont organisés en dehors du PCF parce qu’ils ont constaté que celui-ci avait trop dérivé pour être « redressé du dedans », mais aussi ceux qui, à la faveur de circonstances locales plus favorables, se sont organisés à l’intérieur. Pourvu que tous ces militants franchement communistes AGISSENT ENSEMBLE, créent les conditions de l’intervention commune permanente en direction de la classe ouvrière, du débat politique, de la formation théorique, de l’analyse commune : alors les débats scolastiques sur la manière de recréer le parti cesseront : les vrais communistes se retrouveront dans la même organisation SANS LES NAUFRAGEURS MUTANTS et « refondateurs ». Personne ne sait quelles formes prendra la « séparation organisationnelle », mais comme à Tours, les vrais communistes se retrouveront sous le drapeau de la révolution socialiste, et les contrefacteurs seront priés de rallier leur camp naturel – comme l’ont déjà fait Fiterman ou Robert Hue : le parti « socialiste ». EN UN MOT, c’est dialectiquement la même tâche, quelles qu’en soient les formes et les rythmes que personne ne peut prédire, que de « divorcer » des dirigeants euro-mutants et que de fédérer les militants qui veulent continuer le congrès de Tours dans les conditions d’aujourd’hui. C’est pourquoi, tout en s’organisant d’une manière démocratique, strictement indépendante du PCF actuel (sans cela nous n’aurions pas pu développer pleinement depuis les années 90 une politique de lutte contre la criminalisation du socialisme et contre l’euro-fascisation, de défense et d’actualisation du marxisme-léninisme, de rupture avec l’euro, l’UE, l’OTAN et le capitalisme, de Front populaire et patriotique, de soutien militant à Cuba socialiste, d’unité des deux drapeaux révolutionnaires du peuple français, de défense des acquis du CNR dans la perspective du socialisme, etc.), le PRCF admet en son sein, sans aucun apartheid, des militants membres du PCF et d’autres, majoritaires il est vrai, qui n’en sont plus. En s’organisant à l’extérieur du PCF, le PRCF « fait signe » en permanence vers la nécessaire « rupture organisationnelle » : c’est l’aspect principal, stratégique. Mais en même temps, il tend la main à tous les CAMARADES qui sont dans le PCF ou dans les JC. C’est ensemble, à la porte des boîtes, qu’il faut se retrouver en permanence pour qu’avec l’aide de la classe ouvrière, arrachée au désespoir par le retour auprès d’elle des vrais communistes UNIS, se créent, non pas en rêve mais dans la réalité, non pas en chambre mais dans la défense du peuple de France, les conditions de la renaissance du véritable PCF.