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Zähmung et Züchtung dans la battologie constitutionnelle de Si Ahmed

Je recommande à Si Ahmed de bien réviser le cours de Montesquieu « Chaque type de gouvernement forme une totalité nature-principe : c'est la raison de l'unification des lois d'un gouvernement donné. La corruption d'un gouvernement commence d'abord par la corruption du principe propre au gouvernement (lorsque les dirigeants perdent leur vertu par exemple) » avant de réviser la constitution. A sa fin, Si Ahmed regrettera de ne pas avoir révisé le refrain de la chanson du peuple « Quand un mauvais seigneur quitte, le Peuple crachera sur sa tombe »

Je commence ce texte par la théorie de stabilité des systèmes. En physique, la stabilité a ses lois. La position du centre de masse est le paramètre qui contrôle l’équilibre des systèmes. Les lois naturelles s’appliquent en politique. Quand le centre de gravité du pouvoir se déplace vers une région donnée, la nouvelle configuration du pouvoir met en exergue l’instabilité d’un pays et sème la peur du futur.

J’illustre cette idée par un exemple. Mongomo, la ville du président de Guinée équatoriale et fief du clan Obiang. Ce clan contrôle et réglemente. Le régime Obiang est l’un des plus fermés et des plus corrompus au monde. Dans ce coin d’Afrique, la crainte d’instabilité ne donne plus le petit espoir de vivre un lendemain calme et prospère.

Je continue et je raconte une histoire de l’ancienne Grèce « Battus était un berger de Pylos au service de Nélée. Un jour, Battus vit Mercure dérober les troupeaux d’Apollon. Moyennant le don de la plus belle des vaches volées, il s’engagea par serment à ne pas trahir le voleur. Cependant, le dieu Mercure, ne se fiant pas à la discrétion de Battus, revint sous la forme d’un paysan. Pour le tenter, il lui offrit un bœuf et une vache s’il voulait lui dire ce qu’était devenu le troupeau dérobé. Battus céda à l’attrait de la récompense, et dit tout ce qu’il savait ».

Le jeu politique dans le monde simule le comportement de Battus et les actes de Mercure. Hélas ! L’article 35 de la Constitution française enseigne à l’humanité une bonne morale. « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». Mais quand un Africain essaye d’appliquer cette morale sur sa propre terre, on le taxe de terroriste.

Dans Le Guide des Elections américaines, ed. Tempus) on trouve ceci : « L’élection présidentielle américaine se déroule tous les quatre ans à date fixe : le mardi suivant le premier lundi de novembre ». À l’origine, parce qu’à cette époque les moissons sont finies et l’hiver pas encore trop rude ; quant au mardi, il laissait le temps aux électeurs de se rendre aux urnes après le jour du Seigneur. Différence entre le Seigneur en Amérique et le Seigneur en Afrique.

Nous sommes en Février. Novembre est un peu loin. Novembre est un symbole pour les Algériens comme leur pays est l’image du plus vaste pays africain. En Afrique, les choses se passent autrement. Tous les jours sont pareils et les mois se ressemblent. Les calendriers servent de décor et les montres sont des parures. Le seigneur est un humain et le commun des autres humains n’est qu’un esclave de ce seigneur. Chez le seigneur l’amitié est non linéaire et son humeur est imprédictible. Aujourd’hui, il vous félicite ; demain, il n’hésite pas à vous foutre en prison jusqu’à sa grâce prochaine. Les lois de gouvernance sont conformes à ses souhaits.

En 2014, Mugabe avait accusé d’incompétence, de corruption et de complot d’assassinat sur sa personne, Joice Mujuru, celle qui a longtemps été considérée comme son héritière probable. Dans une partie de cet espace africain, le césarisme est devenu une soumission intrinsèque. Dans d’autres parties de ce continent, la magie et la sorcellerie symbolisent l’obéissance reculée.

C’est bien dommage. Si le ridicule tuait, le nombre de députés qui lèvent la main pour satisfaire le seigneur et afficher aux yeux du monde un oui massif serait réduit à zéro.

En effet, de nombreux élus affirment avoir levé la main pour voter des lois du seigneur que leur conscience blâme en privé. La séparation entre la conscience et la réalité de la main levée est le signe de la bouffée délirante qui devance la schizophrénie politique. Cette maladie est activée par le sommeil profond de nos députés quand une loi est votée. Cette maladie est la cause des troubles moraux qui touchent la société avant tout amendement d’une constitution sur mesure. Le statu quo de la main levée ne se programme pas en Afrique. C’est un mode de vie et un signe de progrès stationnaire.

Dans cet espace appelé Afrique, les décisions politiques sont encore sous la dominance des anciens maîtres blancs. Si un âne blanc éternue en France tout le monde animal d’Afrique crie à ses souhaits. Un général sénégalais, de formation ‘sincère ou Saint-Cyr, que j’ai connu en Chine ne dit pas le contraire. Ce mode de vie veut que l’absolutisme soit un péril pour Afrique. Robert Mugabe, âgé de 91 ans, à la tête du Zimbabwe depuis 35 ans, est un exemple concret de l’état des lieux chez nous Africains, disait un autre ami Ethiopien.

En Afrique, c’est le vent de la modification des constitutions. Ce vent violent ravage les restes de l’espoir d’une démocratie souhaitée. La dernière annonce du passage de ce vent remonte au 22 septembre 2015 à Brazzaville. La météo politique annonce ce vent. Il soufflera sur l’Algérie.

La tornade de ce vent est bien décrite par le professeur Belinga Zambo, enseignant de sciences politiques à l’Université de Montpellier : « Si les textes fondamentaux avaient été des personnes humaines, elles auraient avalé de l’arsenic pour s’épargner des souffrances interminables. Ces constitutions présentent une face défigurée, caricaturée, dénaturée, démolie ; elles subissent une chirurgie dramatique perpétuelle, comme pour mieux les adapter aux souhaits de ceux qu’elles servent. Si les constitutions ont officiellement tué le monopartisme, elles ont en revanche institué une technique, celle de la conservation du pouvoir. Préoccupé par l’accroissement d’un pouvoir personnel toujours plus fort, les dirigeants de la sous-région ont utilisé la constitution, non comme un frein aux tendances vers l’arbitraire de leurs gouvernements, mais plutôt pour faciliter et légitimer leurs pouvoirs de domination sur les populations de leurs pays ».

L’odeur du poisson d’avril n’enchante ni les cœurs ni les âmes des Algériens quand le vent constitutionnel provient d’une bouche qui reconnaît qu’elle n’était pas assez intelligente politiquement.

Le rien politique est devenu le mode d’emploi qui explique le vide des valeurs. Dans la battologie à trois dimensions tout se confond. Vide de sens. Vide d’objectifs. Vide de vision d’avenir. L’image à trois dimensions nous permet de faire la distinction entre le rien et le vide dans la politique africaine. Le rien politique veut dire l’état de « no event » chez les Anglais. Le pouvoir vide veut dire « le seigneur règne mais ne gouverne pas » chez les Vikings de Normandie.

Dans le repère cartésien, la battologie à trois dimensions diminue la valeur de la démocratie et accélère la crainte de l’absolutisme. Dans ce même repère, la concentration du médiocre transporte une certaine instabilité dans les esprits des citoyens. L’expérience démontre qu’un esprit instable ou perturbé ne peut ni revenir à son état normal ni allez vers la stabilité recherchée. L’esprit tourmenté n’a jamais été créatif d’idées nouvelles !

Pour être fidèle à mon éducation et juste envers l’histoire, je rappelle aux lecteurs de ce texte le courage du président Liamine Zeroual qui a introduit le principe de la limitation des mandats lors de la réforme constitutionnelle adoptée en 1996. A cette époque, Si Ahmed était Premier ministre (1995 à 1998) et travaillait sous les ordres du président Liamine. 20 ans plus tôt, grâce à la sincérité de Zeroual, l’Algérie fut le premier pays dans le monde arabe et musulman à adopter une loi constitutionnelle qui instaure l’alternance au pouvoir. Mais la battologie politique et le radotage de l’absurde ont fait revenir notre cher pays au rang des pays des grandes dictatures où le pouvoir n’a ni limite ni fin.

Le titre de ce texte introduit des notions peu connues : Battologie, Zähmung et Züchtung. Battologie vient de Battus qui veut dire bègue. Le bègue, au sens politique, répète la même chose dans le temps et l’espace. Zähmung et Züchtung ne sont pas des marques d’objets électroniques chinois au souk du Hamiz mais deux notions empruntées à la zoologie qui nous rappellent la dimension animale de l’homme et s’opposent en tant que principes de formation des individus. La Zähmung désigne le dressage, l’apprivoisement d’une bête sauvage. La Züchtung est un processus radicalement différent. Empruntée au vocabulaire de la sélection agricole ou compétitive (faire pousser une plante à l’aide d’un tuteur), elle a pour but de favoriser l’apparition et le maintien d’un type précis d’individus, sélectionnés selon des caractères spécifiques au système. Pour mieux comprendre cette théorie, je conseille aux lecteurs de lire le résumé de la thèse de doctorat de Peggy Sastre, « Généalogies de la morale : perspectives nietzschéenne et darwinienne sur l’origine des comportements et des sentiments moraux », soutenue en 2011 à l’Université de Reims).

Si Ahmed joue au tuteur quand le hasard politique veut qu’il soit toujours présent au moment où une révision constitutionnelle est adoptée. En juin 2008, Si Ahmed retourne comme chef de gouvernement. Il replace Si Abdelaziz. En Novembre 2008 le projet de révision constitutionnelle a été adopté. La longue expérience de Si Ahmed lui permet de jouer très bien le rôle de Battus. Par contre, Si Amar, le grand expert du radotage de l’absurde au sein du FLN joue très bien son rôle de souffleur des houilles. Entre la battologie politique et le radotage du souffleur, l’Algérie affiche sa position démocratique dans le monde contemporain.

En conclusion, je ne peux pas dire mieux qu’Aimé Ndaya N’Damaya Fulbob de Université de Kinshasa. Les révisions constitutionnelles en Afrique ne sont pas favorables au constitutionnalisme, moins encore à l’éclosion de la démocratie. Elles sont mêmes contraires au principe du constitutionnalisme. Elles essayent de dissiper, d’une manière indirecte, l’alternance démocratique constitutionnelle à travers la pratique de la suppression du nombre et de la durée des mandats présidentiels dans la constitution. Par conséquent, les constitutions africaines pour la grande majorité sont en elles-mêmes désacralisées et banalisées, la démocratie prise en piège par le pouvoir en place, et qui finalement se débouchent par des coups d’Etat, par des révolutions, des tensions politiques. De la même manière, je recommande à Si Ahmed de bien réviser le cours de Montesquieu « Chaque type de gouvernement forme une totalité nature-principe : c’est la raison de l’unification des lois d’un gouvernement donné. La corruption d’un gouvernement commence d’abord par la corruption du principe propre au gouvernement (lorsque les dirigeants perdent leur vertu par exemple) » avant de réviser la constitution. A sa fin, Si Ahmed regrettera de ne pas avoir révisé le refrain de la chanson du peuple « Quand un mauvais seigneur quitte, le Peuple crachera sur sa tombe »

»» http://www.lequotidien-oran.com/?news=5224559
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Thierry Deronne, mars 2014

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