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Viva la libertà ou la vacance du pouvoir.

Viva la libertà, de Roberto Andò, n’est pas un film abouti, mais c’est, comme Habemus Papam en 2011, un signal d’alarme, le symptôme d’une société déboussolée, et même orpheline. Ce n’est plus : Le Roi est nu, mais : Le trône est vide, titre du roman dont l’auteur, Andò, a fait un film (avec un titre beaucoup plus léger).

En Italie, la renonciation de Benoît XVI, l’an dernier, a coïncidé avec une crise ministérielle, cependant que le Président, Giorgio Napolitano (depuis réélu) était en fin de mandat. Cette situation se généralise : la Belgique est restée près d’un an sans gouvernement, l’Allemagne plusieurs mois, et les gouvernements d’alliance qui se mettent en place, réunissant les principaux partis, rendent de toute façon les élections inutiles ; plus encore, on constate que ce sont les gouvernements qui sont inutiles. L’espace politique est aujourd’hui en déshérence ; certes, en coulisse, agit "l’actionnaire principal", selon l’image de Petros Markaris dans son polar Publicité mensongère, pour désigner le pouvoir financier, mais un pouvoir caché ne peut qu’accroître le malaise.

Si l’Italie est particulièrement touchée par ce phénomène, c’est aussi le pays où les réactions sont le plus lucides, celui qui garde la classe intellectuelle (au sens intellectuel et non médiatique) la plus forte, et où le cinéma engagé, ou du moins citoyen, est le plus actif. Il donne des oeuvres fortes (comme Piazza Fontana, de Marco Tullio Giordana), parfois un chef-d’oeuvre (Il Divo, de Sorrentino), et en tout cas des films qui reflètent la réalité politique et sociale, et aident à réfléchir sur elle.

Après le Pape de Moretti qui renonçait à sa charge sitôt élu, c’est Enrico Oliveri, chef du "principal parti d’opposition", (en Italie, cette définition renvoie à l’ex-parti communiste), qui, ne pouvant plus lui-même croire aux discours creux qu’il débite, déprime et fait une fugue, à la veille d’une réunion de la Gauche européenne (expression qui par elle-même invite à se rouler par terre de rire ou à pleurer de rage). Pris au dépourvu, son parti ne trouve pas d’autre solution que de faire jouer son rôle par son frère jumeau, Giovanni. La ficelle est un peu grosse et, à partir de là, les clichés vont s’accumuler.

En effet, Enrico va rejoindre à Paris un amour de jeunesse, Danielle, rencontrée à Cannes, qui a épousé un cinéaste chinois, idole des foules cinéphiles (et sans doute double d’Andò lui-même !), et qui travaille elle-même sur un tournage ; Enrico va l’accompagner, et surmonter sa crise en travaillant dur sur le plateau, enfonçant des clous, et déplaçant de lourd pianos. Quant à Danielle, c’est Valeria Bruni-Tedeschi, belle-soeur de qui vous savez, qui a représenté la France à Cannes avec un pitoyable Château en Italie, et qui continue donc ses ravages, devant et derrière la caméra (Roberto Andò a fait plusieurs films en France, et semble prendre plaisir à exploiter son carnet d’adresses). La partie française du scénario est d’une grande faiblesse, et la faiblesse des acteurs français contamine même le grand Toni Servillo : deux rôles à la fois, c’était trop, et son jeu est monotone et sans subtilité ; si les situations sont drôles, elles ne sont jamais troublantes : qu’on ait affaire à Enrico ou Giovanni, on n’oublie pas un moment que c’est un seul et même acteur (par contre, son assistant, Bottini, tire son épingle du jeu : le rôle est joué tout en finesse et sobriété par un Valerio Mastandrea déjà rencontré dans Piazza Fontana où il incarnait le policier honnête).

A Rome, par contre, Enrico se révèle beaucoup plus charismatique que son frère, mettant en évidence tout ce qui manque aux politiciens occidentaux (sincérité, contact avec le réel, passion, culture, fantaisie) et surtout l’état dans lequel se trouve leur public, nous, électeurs ou abstentionnistes, moroses et sans illusions, mais qui, cependant, ne demanderions qu’à y croire, pour peu qu’un leader enthousiaste nous réveillât ! Mais les leaders charismatiques réels sont ailleurs, en Amérique du Sud, où Hugo Chavez a pris place parmi les saints martyrs laïcs aux côtés d’Allende, ou en Russie, avec Poutine, qui a ébloui le monde avec la si belle et puissante cérémonie d’ouverture à Sotchi (on aimerait pouvoir être fiers de notre drapeau, comme les Russes ont dû l’être en le voyant s’élever à la face du monde comme un symbole et un espoir de paix, en Syrie et ailleurs).

Pendant ce temps, Hollande réunit ses ministres pour leur demander de faire des économies, tremblant de voir une agence privée dégrader la note de la France et inscrire sur son bulletin : "ne doit pas relâcher ses efforts". Mais, si le film pointe du doigt ce qui nous manque, il est moins pertinent sur les moyens de combler ce manque : Giovanni fait des mots d’esprit, joue à cache cache avec le Président dans la salle des mappemondes,déclare que la passion est un mot fondamental, cite un haïku, déclame, en guise de discours électoral, un beau poème de Brecht ("L’obscurité s’étend..."), mais ne prononce jamais aucun mot concret qui fâche (euro, BCE, traité transatlantique...).

Le plus stimulant, dans ce film, se trouve peut-être dans les idées qu’éveille la juxtaposition des deux titres : Le trône est vide, vive la liberté : ne nous trouverions-nous pas dans une situation potentiellement révolutionnaire ? Mais Andò ne tire aucune conclusion de la vacance du pouvoir, et la fin ne fait que ramener à la situation de départ.

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La Guerre d’Espagne - Révolution et contre-révolution (1934-1939)
Burnett Bolloten
« La révolution espagnole fut la plus singulière des révolutions collectivistes du XXe siècle. C’est la seule révolution radicale et violente qui se soit produite dans un pays d’Europe de l’Ouest et la seule qui ait été, malgré l’hégémonie communiste croissante, véritablement pluraliste, animée par une multitude de forces, souvent concurrentes et hostiles. Incapable de s’opposer ouvertement à la révolution, la bourgeoisie s’adapta au nouveau régime dans l’espoir que le cours des événements (…)
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Si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d’y penser.

Blaise PASCAL

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