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Auteur : Rosa LLORENS

Apocalypse, une expo “ light ” à l’américaine.

Rosa LLORENS
L’expo “ Apocalypse. Hier et demain ” reflète bien l’appauvrissement de notre monde culturel. Elle est pauvre en matériel iconographique, en commentaires sur ce matériau, en présentation des diverses sections, en organisation, mais, surtout, en réflexion sur son sujet. Mais le problème, c’est, justement, le choix du sujet, qui laisse pressentir une inspiration étasunienne et même hollywoodienne : la fascination morbide pour la catastrophe, et une vision simpliste et irrationnelle de l’Histoire. Bien sûr, on précise d’emblée (tarte à la crème rituelle) qu’« apocalypse » veut dire en grec « révélation ». Mais l’effort critique s’arrête là : l’expo se limite à la description du sujet, sans aucun approfondissement, aucune discussion. Pourtant, ce texte est éminemment discutable, et n’a été en effet admis dans le canon du Nouveau Testament qu’après de longues discussions (il ne l’est souvent pas dans les églises orientales). Certes, il part de paroles du Christ, annonçant (par exemple (…) Lire la suite »

Thucydide a-t-il vraiment condamné (par avance) Trump ?

Rosa LLORENS
Le Point a publié, sous la plume de Christophe Ono-Dit-Biot (ODB par la suite) un article intitulé : “ L’administration Trump et la « liberté d’expression » : la mise en garde de Thucydide. ” Il convient de rester circonspect devant ces audacieux rapprochements qui sautent par-dessus les millénaires. Non qu’on ne puisse tirer des leçons de l’Histoire, mais à condition de remettre les références antiques dans leur contexte, sinon, il est facile de se lancer dans des contre-sens. Ce sera aussi l’occasion de parler du fameux « piège de Thucydide ». ODB commence ainsi son article : « Il faut relire le génial historien grec Thucydide ». On sent bien que s’il affirme ainsi, d’emblée, son génie, c’est qu’il l’a enrôlé dans son camp, celui des Européens pour la guerre. Il réagit en effet au discours de J. D. Vance à Munich, s’indignant qu’il donne des leçons de liberté d’expression aux Européens. Certes, mettre en avant le premier amendement de la Constitution des EU a toujours relevé de (…) Lire la suite »
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Arsenic, vieilles dentelles et canal de Panama

Rosa LLORENS
Arsenic et vieilles dentelles (1944), de Frank Capra, est un chef d’œuvre du cinéma comique (Arsenic and Old Lace). C’est une farce macabre et désopilante à la mode Halloween, avec un Cary Grant déchaîné en meneur de revue. Mais le film rejoint aujourd’hui l’actualité brûlante, grâce à un personnage qui se prend pour le Président Theodore Roosevelt, promoteur du canal de Panama, et qu’on pourrait présenter comme l’inspirateur de Trump. Le film est situé dans un contexte historique précis. Il nous introduit d’abord dans une ambiance hollandaise, loin du présent : la maison des deux gentilles empoisonneuses se trouve près d’un cimetière ouvert en 1654, avec des stèles portant des noms néerlandais (New York s’est d’abord appelée la Nouvelle Angoulême en 1524, puis la Nouvelle Amsterdam en 1660 et n’a été conquise par les Anglais qu’en 1664). Mais on va bientôt revenir à un passé plus proche, avec le personnage de Teddy, le frère des deux vieilles dames, qui nous offre un condensé de (…) Lire la suite »

“ No other land ” : une caméra est-elle une arme efficace contre l’armée israélienne ?

Rosa LLORENS
No other land relance, un peu plus de 10 ans après, le problème soulevé par le film 5 caméras brisées (2011), qu’il semble réécrire : quel sens y a-t-il à promouvoir la lutte pacifique, caméra à la main, contre la puissance de la machine israélienne et de son armée ? Dans 5 Caméras, Emad Burnat filmait la résistance des villageois de Bil’in, situé près de Ramallah, en Cisjordanie, au Nord de Jérusalem ; dans No other land, Basel Adra filme la résistance des villageois de Masafer Yatta (ensemble de 12 villages), situé au Sud d’Hébron, en Cisjordanie, au Sud de Jérusalem. Dans le premier cas, c’est le Mur qui était en question, et l’installation d’une colonie juive ; dans le deuxième, un décret interdisant d’habiter dans une zone, déclarée militaire, destinée à l’entraînement de l’armée, et décidant donc l’expulsion des habitants palestiniens (par contre, on a construit dans cette même zone une colonie juive). On voit bien que l’étau israélien se resserre autour de tous les (…) Lire la suite »

Elisée, les enfants et les ours et la justification de l’extermination dans la Bible.

Rosa LLORENS
Les « droits » des Israéliens sur la Palestine reposent sur le don de la Terre Promise par Jahvé. Curieux que même dans ce pays radicalement laïque qu’est la France on prenne cette revendication au sérieux. Mais nous sommes habitués à considérer la Bible comme une référence sacrée, et sans doute y a-t-il encore beaucoup de gens qui croient que c’est le texte le plus ancien de l’humanité, alors qu’elle est plus récente que l’Iliade, et qu’elle reprend nombre de mythes racontés dans des textes akkadiens (comme l’histoire d’Uta-Napišti, devenu Noé) antérieurs de deux millénaires ! Mais, surtout, il est maintenant établi que la Bible, à côté des mythes empruntés, est un ensemble de textes propagandistes visant à justifier les entreprises impérialistes des Hébreux et à consolider l’État (antique, mais maintenant moderne) d’Israel, autour de la croyance au dieu unique et tribal Jahvé. Il n’est donc pas étonnant que la Bible soit imprégnée d’un esprit guerrier barbare, où l’Autre est (…) Lire la suite »

Los Delincuentes ou : les bobos dans la pampa

Rosa LLORENS
La presse mainstream s’est trouvé un nouveau chouchou : le cinéma argentin et, en l’occurrence, Los Delincuentes de Rodrigo Moreno : elle se délecte de sa sensibilité anarchiste, ou, tout au moins, « anar » et libertaire. Mais que mettent Le Figaro ou Les Inrocks sous le terme d’anarchisme, et qu’ont-ils en fait apprécié dans ce film ? Pour Le Monde, il exprime un « refus de la routine productiviste et de la rente existentielle » (curieuse expression qui semble désigner, avec quel mépris, le travail salarial). Les Inrocks y voient un « trésor libertaire », et Francetvinfo la recherche de « la liberté à tout prix ». Voilà bien le problème de cette pseudo-utopie : il n’y est question que de liberté abstraite. Et Radio-France a beau y déceler une réaction à la politique de Javier Milei, en réalité, le film et le nouveau président argentin se rejoignent sur l’essentiel : l’individualisme ultra-libéral. Personne, à aucun moment, ne semble soupçonner qu’il y a une voie collective vers (…) Lire la suite »

La ferme des Bertrand : entre émotion et perplexité

Rosa LLORENS
La sortie de La ferme des Bertrand, de Gilles Perret, semble arriver au moment le plus opportun : elle constitue un hommage à un groupe d’agriculteurs et à leur travail à l’heure où les paysans sont obligés de défendre leur outil de travail contre Macron, Bruxelles et l’Empire étasunien. Mais, malgré la force d’émotion du film, on peut se demander s’il éclaire vraiment la situation actuelle. Le film reprend des images d’un premier documentaire, en noir et blanc, de Marcel Trillat, en 1972, d’un premier documentaire de Gilles Perret, de 1997, « Trois frères pour une vie », dont La ferme des Bertrand prend la suite. On suit donc, sur 50 ans, une famille d’éleveurs de Quincy, en Haute Savoie (près de Genève), remarquable en ce qu’elle a réussi à préserver son exploitation à travers trois transmissions : trois frères ont d’abord repris la ferme de leurs parents, puis un de leurs neveux, avec sa femme Hélène, et maintenant un fils et un gendre d’Hélène. Le héros du film, c’est André, (…) Lire la suite »

La défaite de l’Occident : Emmanuel Todd lance une bombe

Rosa LLORENS
Tout le monde parle du dernier ouvrage d’Emmanuel Todd et, dans l’univers médiatique mainstream, pour le vilipender. Cela prouve à la fois que cet intellectuel français est incontournable, et que ses thèses sont un véritable brûlot, dangereux pour l’establishment. Il ne se contente pas d’annoncer la défaite de l’Occident, il passe en revue les faits qui la rendent inéluctable et irréversible, marquant une spectaculaire évolution par rapport à La lutte des classes en France au XXIe siècle (2020) : s’il y réaffirmait sa fidélité profonde aux Etats-Unis, il présente aujourd’hui ceux-ci comme un véritable Empire du Mal, la menace principale pour la planète, un trou noir qui aspire avant tout ses alliés ou plutôt ses vassaux. On pense à Fenrir, le grand loup de la mythologie nordico-germanique, qui doit un jour ouvrir sa large gueule pour avaler hommes et dieux, et amener la fin du Monde. La défaite de l’Occident est un grand livre à bien des titres : d’abord, Todd apporte sa (…) Lire la suite »
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Les Colons : au Chili aussi, le génocide à l’origine de l’Etat

Rosa LLORENS
Les Colons, de Felipe Galvez Haberle, est un film qui, avec une sobriété remarquable, ouvre des perspectives éclairantes sur toute l’Histoire du Chili moderne. Il raconte l’entreprise d’extermination des Indiens Selk’nam, perpétrée des années 1880 jusqu’au début du XXe siècle, sur l’initiative du grand propriétaire José Menéndez, qui voulait faire de la Terre de Feu, argentine comme chilienne, un immense pâturage pour ses troupeaux de moutons, et pour qui la présence de quelques milliers d’Indiens était un obstacle au « progrès ». Pour cela, il charge deux hommes de main, l’Ecossais MacLennan et le yankee Bill, tueur de Comanches, d’éliminer les Indiens, avec l’aide d’un guide métis, Segundo, à travers les yeux duquel nous suivrons l’opération. Le film s’ouvre sur la construction d’une palissade qui doit enclore les troupeaux de moutons qui, avec leur « or blanc », feront la fortune de Menéndez. La citation mise en exergue du film : « Les troupeaux innombrables de moutons sont (…) Lire la suite »

“ Un détail mineur ”, d’Adania Shibli : destruction et résistance de la Palestine

Rosa LLORENS
Le 23 novembre dernier, Le Point titrait : « Le viol, arme de guerre du Hamas », employant ce procédé permanent des sionistes, l’inversion des charges. Le livre d’Adania Shibli vient donc à point : Un détail mineur, publié en 2016 à Beyrouth, et publié par Actes Sud en 2020, a fait parler de lui à l’occasion de la dernière Foire du Livre de Francfort, lorsque les responsables ont décidé d’annuler (ou suspendre sine die) son Prix à la suite de l’opération palestinienne du 7 octobre ; ils ont voulu, ont-ils dit, condamner cette attaque et rendre plus audible la voix des auteurs israéliens (comme si elle risquait d’être étouffée !). Le sujet du livre était en effet d'actualité : le massacre de chameliers bédouins et de leurs quelques bêtes, et le viol et l’assassinat d’une jeune fille, dans le désert du Néguev, en 1949, par un détachement militaire israélien. Le récit est divisé en deux parties : la première suit, dans sa routine quotidienne, le commandant de ce détachement qui a (…) Lire la suite »