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Venezuela. L’aide humanitaire qui troue la viande humaine

Vous connaissez l’histoire de ce contrebandier qui passe un sac de montres en or à la frontière franco-suisse ? Le douanier lui demande ce que contient son sac. De la nourriture pour mes lapins, répond le menteur.
Le douanier fait vider le sac et s’écrie : Ils mangent ça, vos lapins ? Et le contrebandier : Et alors ? S’ils ne veulent pas ça, ils n’auront rien d’autre !

La même histoire (mais en vrai) vient de se passer au Venezuela.

Les USA, la Colombie, le Brésil (je veux dire leurs présidents) piaffent d’impatience pour acheminer sans contrôle une aide humanitaire au Venezuela (1).
Paula Vasquez, anthropologue vénézuélienne au CNRS : « Une aide humanitaire est rarement seulement humanitaire si elle est dispensée par des États ou l’ONU... Cela peut se transformer en occupation militaire, les armées étant les seules à disposer de la compétence logistique pour apporter cette aide. »

Nicolas Maduro connaît l’histoire du cheval de Troie. Et il sait que l’impérialisme n’est jamais généreux et désintéressé. Il a ironisé : « Le Venezuela n’a pas besoin de demander l’aumône. S’ils veulent aider, qu’ils mettent fin au blocus et aux sanctions ». Il a averti qu’il ne permettrait pas qu’on « humilie » son pays avec un « show d’aide humanitaire ».
De dictateur il passe à affameur.

Lucide, le président vénézuélien a dit aussi : « Quel est le casus belli de Donald Trump contre le Venezuela ? Le casus belli est le pétrole du Venezuela, les richesses du Venezuela, son or, son gaz, son fer, ses diamants et d’autres richesses matérielles. »

Lundi 4 février 2018, j’ai repéré sur Internet une photo d’une palette d’aide humanitaire prête à être envoyée au Venezuela. Car, ce peuple a faim : il suffit de voir les photos d’enfants décharnés. Ah non ! je confonds avec le Yémen, petit pays sans importance et sans trop de pétrole où des enfants, squelettes ambulants, reçoivent des bombes, humainement expédiées depuis des avions de chasse. Mais ce n’est pas le sujet. Vous le comprenez si vous suivez l’actualité et les préoccupations de la Macronie politico-médiatique.

Revenons donc au Venezuelâââââ et à cette palette qui a fait hausser mes sourcils de complotistes-confusionnistes. En effet, les colis qu’elle portait étaient tous étiquetés USAID (US Agency for International Development = Agence américaine pour le développement).

Or, l’USAID a été créée par Pax America dans le but de couvrir (de camoufler) les agents de la CIA déguisés en transporteur d’aide humanitaire.

Je voulais parler de ça aux téléspectateurs de Russia Today où j’étais convié lundi pour une interview sur le Venezuela en direct dans le JT de 20 heures. Hélas, le lundi, j’anime une émission de radio à Toulouse vers la fin de l’après-midi et le temps m’a manqué pour préparer mon intervention, et même pour rédiger trois mots sur un pense-bête à coller discrètement sous la webcam de Skype : Colis, USAID, CIA.

Et c’est ainsi que je n’ai pu annoncer en avant-première que les colis de l’USAID étaient bourrés d’aide « INhumanitaire ».

Endes Palencia Ortiz, « vice-ministre de Prévention et Sécurité citoyenne », a annoncé le mercredi 6 février, que les militaires vénézuéliens viennent de saisir une cargaion d’armes -texte en anglais) en provenance de Miami.
Voir aussi ici, en espagnol.

Prémonition ? Omniscience de ma part ?
Non, simple certitude, fruit d’une enquête que j’avais effectuée il y a plus de 10 ans au sujet de Reporters sans frontières et où je m’appuyais sur plusieurs sources. Ainsi, la journaliste états-unienne Diana Barahona révélait que l’avocate des Droits de l’Homme, Eva Golinger (qui a la double nationalité Etatsunienne/Vénézuélienne et que j’ai eu l’occasion de rencontrer) «  a découvert que plus de 20 millions de dollars ont été versés par la NED et USAID aux groupes d’opposition et médias privés du Venezuela, dont beaucoup avaient participé au coup d’Etat » [Le coup d’Etat du mois d’avril 2002 contre Chavez].

La NED ? J’ai souvent écrit ici (trop ?) sur cet autre paravent de la CIA. La National Endowment for Democracy (Fondation nationale pour la démocratie), sponsor, entre autres, de Reporters sans Frontières.

Un mot pourtant à l’intention de nos nouveaux lecteurs. Un ancien agent de la CIA spécialisé dans l’Amérique latine, Philip Agee, a révélé dans une interview au journaliste canadien Jonah Gindin, le 22 mars 2005, que la NED est une des nombreuses organisations écrans dont la CIA se sert pour intervenir dans les affaires intérieures des pays : « Le Congrès donne des millions de dollars à la NED qui passe ensuite l’argent à ce qu’ils nomment les fondations noyaux. » (des relais de la NED).

Le premier président de la NED, Carl Gershman, avouait en 1986 « Il serait terrible pour les groupes démocratiques du monde entier d’être vus comme subventionnés par la CIA [….]. C’est parce que nous n’avons pas pu continuer à le faire que la fondation (la NED) a été créée ».

Allen Weinstein, qui a travaillé à la rédaction des statuts de la NED, déclarait en 1991 : « Beaucoup de ce que nous faisons maintenant a été fait en secret par la CIA il y a 25 ans ».

La plupart des figures historiques de la CIA ont siégé un jour ou l’autre au Conseil d’administration ou à la direction de la NED, dont John Negroponte (nommé ensuite big chief de tous les services de renseignements US).

Le financement de la NED est voté par le congrès dans le cadre de l’argent versé à l’US Agency for International Development (USAID).

Voilà, la boucle est bouclée. La démonstration est faite que Juan Guaido est une marionnette, un traître à sa patrie. Les USA en sont à l’étape de l’aide politique, médiatique et militaire par délégation. Mais Ils n’envoient pas leurs troupes (pour le moment), ils envoient les armes pour les factieux qui se moquent de la démocratie (si chère à leurs soutiens, comme Macron).
Trump pèse le pour et le contre, ainsi que nous l’explique ici Théophraste.
Les mises en garde de la Russie l’incitent, pour l’instant, à résister à ses pulsions bellicistes et aux poussées du va-t-en-guerre de l’Elysée.

A suivre.

Maxime VIVAS

Note (1), empruntée à Thierry Deronne : Contrairement à ce qu’affirment les grands médias, les Etats-Unis et la Commissaire Européenne sont de plus en plus isolés. La communauté internationale ne suit pas Trump. La grande majorité des pays de l’ONU, à savoir 158 pays contre 35 (plus le Conseil de Sécurité) dont les principales puissances du monde actuel que sont la Russie, la Chine, l’Inde.. ou un pays-clef comme le Mexique, ou la majorité des pays du Caricom (Caraïbes) ou les pays de l’Union Africaine au complet, etc… reconnaissent la légitimité du président Nicolas Maduro

 https://mirastnews.net/2019/02/06/le-venezuela-sempare-dune-cargaison-darmes-des-etats-unis-damerique-au-moment-ou-trump-sengage-a-soutenir-une-noble-quete-de-la-liberte/
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COMMENTAIRES  

07/02/2019 23:04 par alain harrison

Donc si je comprends bien, le contenu des boîtes d’aide humanitaire était des armes et autres objets servant à renverser le Chavisme ?
Est-je bien compris.
Merci pour me mettre les points sur les i.

08/02/2019 00:38 par Bruno

A la lecture, je me demandais ce que pouvait bien attendre M. Edward Snowden pour s’autoproclamer " Président légitime des USA " à la place de Donald Trump même si j’ai bien conscience qu’il y a un biais grossier à comparer un honnête homme avec une marionnette venezuelienne cynique, corrompue et mégalomaniaque. Mais bon, si jamais l’envie prenait un jour M.Snowden de s’autoproclamer POTUS a la place de POTUS ( Président Of The United States ) et à nous débarrasser de M.Trump, nul doute qu’il serait soutenu ici en fanfare par nos " chers éditorialistes " puisque son but premier serait de nous débarrasser une bonne fois pour toute d’un énergumène débilitant qui menace la paix mondiale chaque semaine ; sans compter aussi qu’il nous débarrasserait concomitamment de la quintessence grotesque faite homme et le reflet parfait de la nature ploutocratique du régime criminel des USA. Son geste libérateur serait comme un coup de tonnerre soudain dans un ciel bleu. M.Snowden une fois président US par intérim et largement reconnu par les trois quart des chancelleries de la planète serait le seul à pouvoir - par sa connaissance profonde du mal militaro-numérico-technocratique - à pouvoir nous débarrasser du vaste système policier qui s’y rattache, via toutes sortes de maillages de surveillance sophistiquée et totale des populations d’Amérique du nord et plus précisément des citoyennes et des citoyens des Etats-Unis d’Amérique.

Allô,M.Snowden ?
GOOD LUCK !

08/02/2019 09:48 par legrandsoir

@ Alain Harrison
Sauf les aides humanitaires demandées par un pays qui en contrôle l’arrivée sur son territoire et la distribution, on a toujours affaire à des armées étrangères qui poussent leurs pions au-delà de la mission officiellement assignée.
Et il n’est pas nécessaire que ces armées soient ennemies. Après la défaite de l’Allemagne nazie, nos amis Etats-uniens ont laissé en France et jusqu’en 1967, 12 bases militaires. Ils disposaient au total de "187 complexes " (Wikipedia).
Dans l’exemple cité de découvertes d’armes, il semblerait que, tandis que le Venezuela surveille et bloque ses frontières pour refouler ses chevaux de Troie, au moins un avion chargé d’armes, en provenance de Miami a atterri dans un aéroport du centre. Comme vous le devinez, les autorités Etats-uniennes n’étaient au courant de rien...

08/02/2019 11:44 par Danael

Qu’ils commencent par distribuer de l’aide humanitaire dans leurs propres pays qui en ont bien besoin.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pauvret%C3%A9_aux_%C3%89tats-Unis

08/02/2019 14:45 par act

Personne ne sera dupe ici, forcément mais comme le fait remarquer M Vivas ci-dessus : "de dictateur il passe à affameur".
Le pire étant que cela fonctionne auprès du téléspectateur lambda, "plus c’est gros"...Imposer un blocus à un pays pour ensuite lui imposer une "aide humanitaire", il fallait oser ("c’est même à ça qu’on les reconnait").
Cette tentative de coup d’état et/ou d’intervention spectaculaire, dans le sens situationniste du terme, ressemble aussi et toujours plus, à l’essai en condition réelle d’un scénario qui pourrait bientôt viser le Nicaragua et surtout Cuba.
Certains, comme LGS, en font déjà beaucoup, pourtant il nous faudra en faire bien plus encore si nous voulons êtres capables de contrer la propagande du système et ses guerres contre toute alternative, particulièrement socialiste.
Sommes-nous actuellement en mesure de mobiliser* pour le Venezuela ? Le serions-nous si l’empire s’en prenait ainsi à Cuba ?
(*mobiliser dans le monde réel, celui du rapport de force)

09/02/2019 01:31 par juan

ça fonctionne bien chez les gauchard de Sud Solidaire , Sud a choisi en clair l’arrivée des étatsunis c’est à dire le colonialisme et l’impérialisme pour mettre de l’ordre , d’autre part qui a mis le feu dans des hôpitaux , des écoles au Venezuela , qui a tué froidement durant les manifestations ? ce sont des jeunes payés par les états unis , Sud qui ne connaît rien à peine la guerre des boutons cri avec les loups fachistes
je viens d’aller sur leur site , une littérature anticommuniste , rien que des mensonges
on est mal barré en France ,à lire cette pauvre littérature Macron n’a plus qu’a se frotter les mains , certains qui croyaient que Sud était révolutionnaire !
Sud ne condamne même pas Gaido le pantin qui lèche le cul du maître Trump , qui s’autoproclame président
imaginons la même chose en France , un gilet jaune qui s’autoproclamerait président , je suis persuader que Sud serait contre et irait manifester , proclamer que se serait anticonstitutionnel !
je crois qu’il reste encore CFDTISTES malheureusement , ceux la qui allaient en Pologne apporter des colis pour aider Walesa à renverser le pouvoir communiste
Vive Maduro , vive le peuple révolutionnaire vénézuélien !

05/05/2019 01:38 par Marie Colin

Si j’en crois ma petite* expérience de l’Amérique latine depuis quelques décennies, et mes multiples contacts de tous bords là bas, la seule chose qui ait changé depuis Allende, c’est que les zuniens hésitent à installer directement une dictature ouvertement sanglante dans les pays où ils interviennent. Peut-être l’affaire Letellier en est-elle une des causes ?

Mais, bon, le résultat n’est pas fondamentalement différent, que ce soit au Honduras (mais qui s’en soucie ?), en Équateur où le successeur de Correia ("que faire ?") s’est laissé acheter pour une poignée de dollars du FMI, et autres crypto-dictateurs Chiliens, Argentins etc. ramenant leurs populations aux abîmes des chicago boys** des années 1970/80 !

Le noeud du problème me semble-t-il, au-delà de toute autre considération, est de redonner à la presse la place qui devrait être la sienne : informer, informer, informer !

Peut-être que la bonne nouvelle est que la Russie a été échaudée par l’affaire libyenne ? et que les Chinois n’ont pas trop apprécié les moulinets de Trump ?

Pour laisser un peu de place à l’optimisme, constatons que le balancier est déjà allé très loin dans le sens des criminels, et qu’il pourrait repartir aussi vite dans l’autre sens. C’est ce que je nous souhaite ainsi qu’à nos amis latino-américains et autres...

* par rapport à vos intervenants
** on a le même à la maison...

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