On aurait tort de sous-estimer l’importance de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier, officiellement signé le 21 par quatre organisations syndicales sur cinq (CFDT, CFTC, CGC et FO, seule la CGT ne l’ayant pas signé) avec le MEDEF, la CGPME et l’UPA, après une négociation de quelques mois ouverte sur injonction présidentielle avec des objectifs définis par une feuille de route gouvernementale.
Cet accord fait en effet droit à d’importantes revendications patronales. En lieu et place de l’instauration du « contrat unique de travail » agité lors de la présidentielle par Nicolas Sarkozy, il réussit le tour de force de conserver l’ensemble des différents types de contrats précaires existants, d’en créer de nouveaux, comme le CDD de mission, et de porter atteinte au caractère protecteur du contrat à durée indéterminée. Il s’agissait là de l’objectif central du gouvernement et du patronat et il a été atteint, notamment par l’introduction de la nouvelle procédure de rupture conventionnelle. Mais ce sont bien d’autres reculs que cet accord entérine ou prépare par exemple en ce qui concerne les droits des chômeurs. Les concessions faites par les syndicats signataires ont aussi pour conséquence de limiter certains droits démocratiques comme le droit à l’entière réparation du préjudice, le principe constitutionnel d’accès à la justice, le droit à la motivation du licenciement par une cause réelle et sérieuse.
En échange, les contreparties octroyées par le patronat sont soit dérisoires, soit factices. Seule avancée à noter, la suppression du Contrat Nouvelles Embauches (CNE) n’est nullement un acquis de la négociation interprofessionnelle mais résulte de la mobilisation contre le CPE combinée avec la guérilla judiciaire devant les conseils de prud’hommes. Depuis un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 juillet 2007, et surtout la condamnation par l’organisation internationale du travail le 16 novembre 2007, le CNE était en sursis.
Loin d’être compensée par une plus grande sécurité pour les salariés, la flexibilité est accrue de manière considérable sans contrepoids sérieux. Comment s’en étonner dès lors que, malgré la proximité de la mobilisation de masse contre le CPE, cette négociation s’est déroulée sans que les organisations syndicales ne créent un rapport de force capable de s’imposer à un patronat qui avait déjà obtenu une garantie de satisfaction de ses revendications par la menace d’une loi en cas d’échec des négociations ?
Les occasions de pouvoir peser sur le processus en cours ne vont toutefois pas manquer : l’accord ne peut s’appliquer tel quel. Une transposition législative est nécessaire, l’édiction de plusieurs décrets et de l’arrêté d’extension de l’accord, l’ouverture des nombreuses négociations prévues par l’accord lui-même vont constituer autant de fenêtres de tir pour débattre et se mobiliser.
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