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Une gauche, ... ou deux gauches ? Dominique Strauss-Kahn, le "Chicago boy" du FMI venu de Sarcelle nous donne la réponse.



Photo : Christian (licence Creative Commons).






Photo : S.De Sakutin (AFP).










15 décembre 2007.


Lorsque Dominique Strauss-Kahn a été coopté par les dirigeants de la finance mondiale avec les soutiens étatiques pour diriger (depuis le premier novembre 2007) le Fond Monétaire International (FMI), chacun a pu s’interroger sur la cause et les effets prévisibles de cette promotion de l’ex-député et ex-ministre, également ex-présidentiable du Parti Socialiste.



La question :

Le réformiste social libéral allait-il infléchir la politique de l’institution vers une plus grande prise en compte des attentes sociales ? DSK serait-il une "taupe " de la pensée de JAURES parvenue au coeur de la "gouvernance " économique mondiale ?

Assurément notre président Nicolas S ne craignait pas ce scénario lorsqu’il apporta un soutien sans ambiguïté à cette nomination. Seuls les naïfs n’y ont vu qu’une habile manoeuvre pour écarter le possible rival de la prochaine échéance présidentielle en 2012 ; les mêmes sans doute qui croyaient que la nomination d’un autre socialiste, Pascal Lamy, à la tête de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) serait le début d’un "autre monde possible "...



La réponse :

Les derniers doutes sont levés à la lecture du RAPPORT de la mission du FMI sur les "Perspectives de l’économie mondiale" qui comporte un chapitre consacré à la "Politique économique française" et comportant des "préconisations" du "fond", dirigé désormais par la tendance Rose des "Chicago-Boys" qui ont été à l’origine de tous les ravages de l’ultra libéralisme dans les deux dernières décennies, sur l’ensemble de la planète. Les préconisations destinées à la France sont accablantes pour le leader de cette gauche défaite chez nous dans les urnes, mais qui n’a pas renoncé à une future alternance si "le peuple de gauche " tout entier lui apportait son soutien... Là est bien la question, que la lecture du rapport éclaire sur quelques points fondamentaux :

1/ Parlons-nous désormais avec une "gouvernance de gauche " à la tête du FMI d’une économie mise au service du progrès social ? Non, le seul objectif reste la "croissancee soutenue " :

"L’élection d’un nouveau président et la nomination d’un gouvernement ouvertement réformateur offrant l’occasion de renouer avec une croissance soutenue ".


2/ Parlons-nous des causes structurelles de l’actuelle crise monétaire aux incidences sociales majeures résultant de la crise des "subprimes " dont les effets atteignent désormais l’Europe sans épargner la France ? Parlons-nous de la détérioration de la situation sociale ? Non, les seules recettes défendues sont celles du libéralisme pur et dur, confirmant que :

" Les priorités et la méthode du gouvernement, en matière de réformes...(sont) appropriées " Il est même recommandé d’agir vite pour "tout réformer en même temps ".

Tous ceux qui perçoivent les ravages sociaux aux conséquences prévisibles du démantèlement de la protection sociale, du système de retraite, du code du travail, de l’éducation nationale, de l’accès à une justice équitable et indépendante ; tous ceux là peuvent replier leurs banderoles et écouter l’ex présidentiable du PS nous dire "toutes ces mesures sont appropriées " !


3/ Peut-on au moins imaginer que "l’homme de Sarcelle ", commune populaire qui lui renouvela si longtemps sa confiance, soit au moins sensible à la situation sociale des plus démunis ? Non, là aussi l’aveu est cinglant, du même ton que celui de Ségolène Royal avouant après son échec qu’elle n’avait jamais approuvé l’idée d’une augmentation du SMIC à 1500 euros par mois. Le rapport en effet :

Se félicite de "la décision de ne pas accorder de coup de pouce au SMIC en 2007 ", il va même plus loin car il suggère que cette décision "soit pérennisée "...!

Le déni de la diminution du pouvoir d’achat s’inscrit dans ce rapport qui note même :

" Une progression substantiellement plus élevée en France que chez ses partenaires de la zone euro depuis 2000 ".

Il en résulte logiquement que c’est :

" Cette augmentation du pouvoir d’achat qui a contribué à aggraver le déficit de croissance " (!) et aussi la "baisse de la compétitivité ".

Il est même précisé que :

" Mettre l’accent sur la hausse du pouvoir d’achat...détourne l’attention du véritable problème et suscite des attentes irréalistes " (!)


4/ Oserait-on penser au moins que DSK infléchirait le FMI pour lui faire entendre que le respect des "droits sociaux " n’était pas négociable ? Non, au contraire, il est préconisé à propos du Code du Travail :

" Une véritable rupture avec le passé...(et) d’amender les dispositions juridiques régissant actuellement le licenciement économique ...(pour) faciliter les ajustements de main d’oeuvre sans passer par la solution, coûteuse, du licenciement économique " (! ! !)

Nicolas Sarkozy et Laurence Parisot, la présidente du MEDEF ne disent pas autre chose !

Sur la réforme des retraites, l’allongement de la durée des cotisations et "l’assouplissement " des 35 heures, le gouvernement est même encouragé à faire preuve "de fermeté ".

Les "franchises " sont également soutenues en matière de protection sociale, avec encouragement à leur "extension " !

Au-delà même du sarkozysme il est préconisé de renoncer à la "cinquième branche dépendance " de la protection sociale. Non pas pour la conserver dans le régime général et éviter que soit défini un "panier de soin pour vieux ou handicapé " dont on pourrait craindre l’insuffisance ; mais pour promouvoir que :

" Les mécanismes d’assurance individuelle privée...jouent ici le premier rôle " (!)



Quel éclairage !

En conclusion de cette désespérante constatation s’éclaircit singulièrement la réponse à un questionnement périodiquement renouvelé et utilisé pour délégitimer les critiques du social libéralisme. Ce débat est au coeur du devenir de "la " gauche :

Qui peut croire que le parti socialiste est encore un parti de gauche, lorsque celui que beaucoup désignaient comme " le meilleur d’entre nous " (pour paraphraser l’appréciation de Jacques Chirac envers Alain Juppé) cautionne un tel rapport ? Il est vrai que le salaire du fonctionnaire international le mieux payé de la planète lui permet sans doute d’oublier un peu la vraie vie de "ceux de Sarcelle " (420.000 dollars par an, plus dotation de 75.000 dollars non imposables...)

Qui peut encore écarter l’affirmation selon laquelle il existe "deux gauches " ?

La première qui fut longtemps "de gouvernement " qui est une gauche de reniement et d’accompagnement du capitalisme ; représentée par les sociolibéraux, ceux qui nous invitaient à approuver le traité constitutionnel européen (TCE) et affichaient pour leur campagne "l’Europe sociale passe par le OUI ", ceux là n’agissaient que pour rendre irréversibles les prétentions du capitalisme triomphant en leur donnant une valeur "constitutionnelle ".

La seconde gauche, la gauche véritable, est actuellement sinistrée pour une part d’ente elle de n’avoir pas plus tôt analysé le péril des alliances mortiféres avec un PS qui a abattu désormais ses derniers masques ; pour une autre part cette gauche peine à démontrer sa crédibilité concernant son aptitude à transformer sa critique radicale en projet de société et en aptitude à gouverner.

Mais qui peut croire qu’un tel questionnement ne soit qu’anecdotique dans la confusion du moment ? Qui ne voit que la victoire idéologique de la droite dépasse ses propres rangs et ne contamine pas seulement ceux qui se sont ouvertement ralliés à "l’ouverture " proposée par nos pires adversaires ? Qui ne voit que ce ralliement n’est pas même un acte tactique, mais un acte de conviction ? Qui ne voit que le désenchantement du peuple trompé si longtemps est lourd du péril de renforcement de la droite extrême ? Qui ne voit que la droite désormais totalement décomplexée n’hésitera plus à s’attaquer à nos dernières libertés pour conserver son pouvoir ?



Est-il encore possible de poser la question "Que faire" ?

Le sursaut nécessaire ne peut se fonder sur la moindre ambiguïté d’une compromission, même "tactique ", avec un social-libéralisme "fmisé " et "sarkoisé ".

La gauche n’a pas un, mais deux adversaires : Ses ennemis de toujours et ses faux amis qui contribuent à son extinction. Si une différence existe encore, entre ces deux courants défenseurs du capitalisme mondialisé, elle ne porte pas sur l’ordre de l’économique et du social. Peut-être que cette différence existe encore dans le champ des libertés publiques et de l’ordre sécuritaire ? Pouvant justifier ou excuser parfois le choix d’un moindre mal qui ne sera jamais un choix d’adhésion, mais seulement le choix de l’adversaire qu’il nous restera toujours à combattre, si notre ambition reste de promouvoir une société humaine, solidaire, émancipée et libre de toute exploitation.



Un espoir ?

Dans ce contexte un regard porté sur le seul champ hexagonal serait désespérant, pourtant la planète tout entière est ébranlée par un frémissement de fond. L’Empire US lui-même est ébranlé en son sein par une crise sociale profonde et contesté de l’extérieur dans ses prétentions hégémoniques chaque jour plus criminelles. Surtout un monde "multipolaire " est en train de naître qui voit émerger des puissances régionales bien décidées à s’affranchir de la dépendance des institutions internationales prédatrices de leurs ressources et de leur destin.

Le socialisme se "réinvente " autrement que par la reproduction des modèles anciens, intégrant les aspirations légitimes des peuples désormais "instruits " et bien décidés à ne plus se laisser "déposséder " de leurs droits et de leur avenir.

Une "Banque du Sud " vient de naître dont l’ambition est bien de s’affranchir de la "machine FMI " évoquée ci dessus L’Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Paraguay, Uruguay, Vénézuela réunis élaborent autour du siège à Caracas un avenir économique continental auquel ils espèrent associer un jour Chili, Pérou et Colombie. Auparavant le Brésil et l’Argentine ont quitté le FMI après avoir soldé leur "dette ". Ils espèrent parvenir à s’émanciper du dollar lui-même pour promouvoir le pesos et le Brésil envisage, comme la Chine, de se doter d’un "fond souverain ". Cette entreprise n’est pas en elle-même une garantie de politique sociale, mais elle comporte au moins l’acquisition d’une indépendance au regard de certains " bolchéviques du marché " comme les qualifiait le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz.

Peut-être demain autour de l’organisation de coopération de Shangaï naitra une même contestation de l’hégémonie du FMI

Il est sur que la crise du FMI ne fait que commencer, certains le voient déjà moribond, mais ce ne sont pas les seuls pays émergents qui doivent contribuer à cette contestation d’une gouvernance économique mondiale devenue inacceptable


La prise de conscience de ces données fournit un véritable bain de jouvence pour " l’hypothèse socialiste ", qui reste la seule permettant d’éviter l’extension de l’exploitation de la misère et de la guerre ; mais elle ne peut-être celle d’un socialisme de compromission, ni DSK-compatible, ni Ségo-compatible ; elle se doit de retrouver les fondements permettant à tous les " dépossédés " de maîtriser enfin leur destin.

Jacques Richaud


 Source : Changement de société
http://socio13.wordpress.com




France : Dominique Strauss Kahn dans le texte, par René Naba.


Avant le FMI : Dominique Strauss-Kahn et le « socialisme du réel », par Jean-Jacques Chavigné et Gérard Filoche.



Traité européen simplifié : abstention des socialistes = trahison ! par Denis Collin.


Politique et mouvement social (il n’y a plus une minute à perdre), par Denis Collin.






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C’est très dur d’être libre lorsqu’on est acheté et vendu sur le marché. Bien sûr, ne leur dites jamais qu’ils ne sont pas libres, parce qu’alors ils vont se mettre à tuer et estropier pour prouver qu’ils le sont. Pour sûr, ils vont vous parler, et parler, et parler encore de droits individuels. Mais lorsqu’ils voient un individu libre, ça leur fout les jetons.

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