Dessin : Christian Pigeon
La sociale, dimanche 21 octobre 2007.
La conférence de Lisbonne de l’UE vient de sceller l’accord des 27 pays sur le « traité simplifié » qui doit prendre la relève de feu le TCE, rejeté par les peuples français et hollandais en mai 2005. Le nouveau traité devrait être signé officiellement en décembre puis ratifié par les différents États de l’UE, selon la procédure parlementaire puisque cette fois, pour éviter tout accident, les élites dirigeantes se sont mis d’accord pour écarter toute intrusion des peuples dans le processus de la décision politique. A certains égards, cette conférence de Lisbonne pourrait être d’ailleurs considérée comme l’acte de décès officiel de la démocratie en Europe et l’avènement légal de l’oligarchie.
En ce qui concerne la nature de ce nouveau traité dit « simplifié » par antiphrase, nous nous contenterons de renvoyer nos lecteurs à la littérature sérieuse, notamment au site « Respectez notre non » ou aux appréciations des connaisseurs (Giscard, Bourlanges, et la plupart des dirigeants européens) qui disent reconnaître dans le nouveau traité l’intégralité de feu le TCE. (N.d.l.r. Voir les réactions de quelques dirigeants européens [1])
Comment les choses doivent-elles se passer en France ?
On se souvient que pouvoir soumettre à ratification le TCE, il avait fallu préalablement modifier la constitution, ce que le « congrès » avait fait à Versailles en fin janvier 2005, avec l’approbation tacite des socialistes abstentionnistes - seul Marc Dolez votant non. Le TCE ayant été rejeté le 29 mai, cette modification de la constitution est obsolète. Et il faut donc modifier une nouvelle fois la constitution pour permettre la ratification du nouveau traité dit « simplifié ». Ce devra être fait par le congrès à la majorité des 3/5. Si la gauche fait bloc en votant « non » à cette révision constitutionnelle et en comptant sur l’apport de quelques députés souverainistes de droite, cette modification constitutionnelle peut être rejetée - voir les explications détaillées sur le blog de Jean-Luc Mélenchon. Dans ce cas, Sarkozy sera contraint d’utiliser la voie référendaire en posant la double question de la modification de la constitution et de la ratification du traité. Inversement, si Sarkozy obtient cette majorité des 3/5, alors il peut faire ratifier le nouveau traité par la voie parlementaire normale (vote à la majorité dans les deux chambres), ce qui ne lui posera aucun problème, compte tenu du rapport des forces parlementaires.
La question centrale se trouve donc maintenant bien déterminée. C’est celle de l’attitude des parlementaires socialistes. En bonne logique, les « nonistes » de 2005 devraient sans hésitation voter non à la réforme préalable à la ratification. Mais les partisans socialistes du « oui » devraient en faire autant puisque, à l’unanimité, les socialistes s’étaient engagés à ce que le peuple soit consulté pour la ratification d’un nouveau traité et que cela figurait en bonne place dans les engagements de campagne de Mme Royal. Autrement dit, parce qu’ils veulent un référendum, parce qu’ils ne veulent pas d’une Europe sans les peuples, les socialistes favorables au nouveau traité devraient aussi agir en vue de contraindre le président de la république à utiliser la voie du référendum populaire. Ce qu’on vient de dire des socialistes vaut d’ailleurs pour les députés Verts ou pour les députés du Modem.
Par conséquent, quiconque est attaché à l’article 3 de la déclaration des droits de 1789 [2] devrait exiger de son député qu’il refuse la ratification par la voie parlementaire et contraigne le président à faire ce qu’il devrait faire s’il était soucieux de la démocratie, c’est-à -dire renvoyer l’affaire devant le peuple tout entier.
Cependant, les « grands » ont décidé d’agir autrement. Toute la droite, parce qu’elle est sarkozyste et parce qu’elle considère fondamentalement que le peuple, qu’on peut exciter sur les questions de sécurité, est trop stupide pour trancher en des matières si complexes que l’Europe, toute la droite, donc, va faire bloc pour ratifier le traité au plus vite et par la voie parlementaire. Mais voilà qu’on apprend que les socialistes, divisés sur le traité lui-même, se mettraient d’accord pour s’abstenir lors du vote de la modification constitutionnelle. Si cela devait être la position finale du PS et si les « nonistes » devaient s’y rallier, ce serait une nouvelle démonstration que ce parti est tombé au dernier degré de l’abjection.
En effet, s’abstenir revient à soutenir Sarkozy, c’est-à -dire à lui permettre de faire passer son projet sans encombre (puisqu’il faut 2/5 de vote « contre » pour repousser la modification de la constitution) sans même avoir le courage de dire qu’on le soutient. S’abstenir pour les européistes et les royalistes signifierait qu’ils piétinent allégrement tous leurs engagements antérieurs et font leur le célèbre mot de Charles Pasqua, « les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient ». S’abstenir pour les « nonistes » et les « antiroyalistes », cela signifierait qu’ils se condamnent eux-mêmes et jettent au fossé toutes leurs prétentions à incarner un renouveau d’une vraie gauche, d’une gauche « décomplexée » comme on le dit à « Gauche avenir ». L’abstention des parlementaires socialistes démontreraient que Bockel et Kouchner ne sont ni des « traitres », ni des transfuges débauchés par Sarkozy, mais bien les représentants de la véritable opinion « socialiste ». Il faudrait alors en tirer toutes les conclusions politiques.
Denis Collin
– Source : La sociale www.la-sociale.net
Le Parti Socialiste se rallie à Nicolas Sarkozy, par Denis Collin.
Pourquoi il faut dire non au nouveau traité européen, par Jean-Luc Mélenchon.