UNE CRITIQUE SOCIALISTE DE LA CONTRIBUTION DE Lucien SEVE SUR LE COMMUNISME
Le 7 novembre 2007 Lucien SEVE, intellectuel organique du PCF, en quelques sorte le Bensaïd du PCF, a produit dans l’Humanité une Contribution personnelle à la préparation de l’Assemblée extraordinaire des 8 et 9 décembre 2007 intitulée « Le communisme » est mort, vive le communisme !
http://www.humanite.fr/Le-communisme-est-mort-vive-le-communisme
On aurait tort de penser qu’elle n’intéresse que les membres du PCF qui en discutent en vu de leur congrès. D’abord il distingue le communisme comme mouvement historique réel, différent en cela des systèmes qui ont pu prendre ce nom dans l’histoire, du parti communiste. L’un peut exister sans l’autre. Discutons donc de ce communisme comme mouvement.
Par honnêteté j’annonce que je ne suis pas sûr de croire possible le "communisme" compris comme but, comme société totalement harmonisée et pacifiée du mouvement mais que je défends néanmoins l’idée d’un néosocialime (1) comme configuration post-capitaliste. Ce faisant je pense faire un bon bout de chemin avec le mouvement communiste réel dans sa diversité.
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La première tâche entreprise par L Sève est de lever la "terrible équivoque" de la formule « le communisme a été essayé, et il a radicalement échoué ». On aurait pu dire aussi " le socialisme a été essayé, et il a radicalement échoué". De fait les régimes dit par extension au-delà de l’URSS staliniens n’ont pas plus connu le communisme que le socialisme. Ce n’est pas franchement nouveau puisque certains marxistes crièrent "Champagne !" en 1991 (Filoche par exemple). Il importe de toujours le rappeler. Certes des éléments de socialisme figuraient dans les sociétés post-capitalistes du XX ème siècle mais ils étaient recouverts et totalement pervertis par la dictature du parti et de la bureaucratie. On ne pouvait donc appeler "communisme" ou "socialisme" une telle dégénérescence de ce que Marx espérait pour le prolétariat mondial . Même Lénine et Trotsky, malgré leur erreurs ne se sont jamais satisfait de l’existant et se sont par exemple démarqués vigoureusement des pratiques politiques mises en place par Staline en URSS. Pas suffisamment. Là encore, tout cela est su.
Mouvement, état.
Retour à Marx dit L Sève : Le communisme n’a à peu près rien à voir avec « le communisme », c’est même sur nombre de points plutôt le contraire. Avant tout, le communisme n’est ni un état social à instaurer ni un idéal à réciter mais le « mouvement réel qui dépasse l’état de choses existant ». Le communisme ne serait pas le nom de la société future mais juste le nom du mouvement ou de la dynamique . On trouvait jadis les deux définitions sous le terme communisme : le mouvement et le but . Et moult débats sur les variations historiques. Fini cela : Sève n’a pas à se poser les questions des socialistes critiques qui sont apparus dans tous les pays du "socialisme" de parti unique et autoritaire . Pour parler en terme d’état social ou de configuration sociétale il faudrait pourtant évoquer un nouveau socialisme du XXI ème siècle (1 ). Ce que ne fait pas L Sève sauf précisément pour rabattre sous ce terme ce qu’il dégage de "sale" du mot communisme. Sa contribution opère en quelque sorte un transfert des horreurs staliniennes du mot communisme vers le mot socialisme. Du coup le socialisme ne saurait plus représenter pour lui la configuration intermédiaire assez repérable de ce qui advient une fois le "dépassement" du capitalisme opéré. Voilà le premier point critique que l’on peut faire de sa contribution. Ce n’est pas le seul.
Dépassement ou rupture ou les deux.
Dépassement laisse entendre que l’on change en douceur et sans ruptures franches. Or si tout n’est pas dans la rupture révolutionnaire", rien ne permet de penser qu’un dépassement est possible sans saut qualitatif conséquent issu d’un vaste rapport de force. Faire cette économie n’est pas sans conséquences. En fait, Lucien SEVE fait faire un grand bond au "dépassement" puisque l’on passe directement du capitalisme à la société sans classe. Là c’est de la croyance. Et je crois que ce dépassement-là n’adviendra jamais. Je n’y crois plus véritablement. C’est juste une utopie mobilisatrice qui ne doit pas empêcher de penser les transitions. Or pour L Sève, le communisme comme dynamique semble empêcher de repérer théoriquement et pratiquement des "phases" des configurations sociétales. On se demande pourquoi ? Reste alors une explication : Le dépassement - pour qui veut bien lire entre les lignes- a une double fonction réformiste, d’une part il évite de prévoir une rupture franche, au sein d’un processus long (combiner Gramsci et Lénine au lieu de les opposer pour dire vite ici) d’autre part il pose un débouché maximal qui n’arrivera certainement pas demain (comme le néo socialisme) et qui donc autorise ici et maintenant un programme minimum des "petits pas". Du coup oeuvrer pour un néo-socilisme du XXI ème siècle peut déboucher sur des pratiques politique bien différente d’un communisme à petits pieds, un communisme d’accomodements. Le "dépérissement de l’Etat" n’est-il pas la justification de l’abandon des nationalisations à l’appropriation privée ? Evidemment il est plus difficile de penser que l’Etat n’aura pas disparu sous le néo-socialisme et même qu’il va nécessairement perduer quoi qu’autrement. Il est également plus facile d’écrire que "le communisme est le mouvement réel dépassant toutes les grandes aliénations historiques de l’humanité" ou que " le communisme est désaliénation universelle" ce qui permet au passage d’évacuer non les conflits de classes mais l’idée d’un sujet collectif face aux forces sociales qui portent les aliénations. Je me permet d’avancer l’idée d’un peuple-classe (2) porteur d’un projet altermondialiste.
Communiste tendance socialiste !
Je termine par un accord sur la visée communiste proposée par L Sève car finalement il y en une, (une visée qui n’est pas un état ou un idéal, qui n’a pas de nom ?) : "au ravage de l’universelle mise en privé, il s’agit d’opposer le processus où se met en commun la maîtrise de toutes les grandes activités sociales" Mise en commun, voilà qui mérite déclinaisons. Mais si l’Etat, pas plus que les classes sociales ou une certaines divisions du travail n’ont pas miraculeusement disparus même si de grandes transformations sont intervenues qui bousculent ces données issues du capitalisme et que l’alterdémocratie est en place - critère important- et que le(s) marché(s) sont bien circonscrits dans la société civile alors, pour le dire ici trop brièvement, j’appelle cela socialisme, mais pas communisme.
Beaucoup peuvent alors se dire communiste comme on peut se dire autogestionnaire ou démocrate puisqu’il s’agit du mouvement. Il y a moins à se dire socialiste. Disons alors que c’est un complément . Il en va de même de la démocratie : beaucoup peuvent se dire démocrate puisqu’il s’agit de participer à une dynamique historique. Mais là aussi on peut marquer des configurations démocratiques. Certains plaide pour une démocratie modeste, ou pour la démocratie libérale améliorée mais pas au-delà . Il s’agit de conserver le démocratie représentative améliorée et d’y ajouter la "démocratie participative". Quid de la participation aux grands choix d’investissement via la planification socialiste ? Quid de la démocratie dans l’entreprise ? Envisager de pareilles extensions c’est changer "d’état", de configuration sociétale, c’est l’alterdémocratie ( 3)
Christian Delarue
Militant altermondialiste
1) Néo-socialisme
Vers un néosocialisme vert : Etendre le marché ou le circonscrire ? - C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article354
En finir avec ce capitalisme, ouvrir des perspectives vers le socialisme - C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article434
2) Pour une approche du peuple-classe - Christian Delarue
http://www.france.attac.org/spip.php?article9082
3) Alterdémocratie / autre démocratie : le trajet et le but
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article115