Kaïs Saïed nous a plongés dans l’abîme des tourments dont on a cru s’être débarrassé
Après que les foules révolutionnaires du 14 janvier, d’une seule voix, eurent crié
« La khawf baaâd al yaoum ! », « Plus jamais peur, à l’avenir ! », car, en son régime, la peur, il a restaurée
Après une décennie d’éclaircies où nous nous sommes sentis libres dans l’exercice de notre pensée
Où l’intérêt pour la chose publique et l’engagement pour le bien commun furent vivifiés
Où nous exprimions nos opinions, sans aucune crainte, sur la politique et plein d’autres sujets
Un climat de peur s’est installé avec l’impression d’être surveillés, à tout moment, menacés
Par la machine judiciaro-policière, grâce au décret liberticide 54, prête à nous écraser
À tel point que beaucoup d’entre nous s’interrogent sur la possibilité de retrouver, un jour, notre liberté
D’autant plus que l’approche de la répression sécuritaire et de l’oppression semble être pleinement adoptée
Un climat de plus en plus lourd, de mémoire d’octogénaire, jamais vécu par le passé
Et ce, que ce soit sous le protectorat, sous Bourguiba ou sous Ben Ali, au grand jamais
Un climat de verrouillage de l’espace public où, fréquemment, sont poursuivis, voire emprisonnés
Des politiques, des acteurs de la société civile, des journalistes, des facebookeurs, des syndiqués,...
Où, d’après le CRLDHT, les prisons se sont transformées en outil de vengeance et de cruauté [1]
En vertu d’un « usage abusif » de la détention préventive, par Amnesty international, dénoncé
Un climat inédit caractérisé par des pressions de plus en plus croissantes sur la civile société
Où la répression contre les associations et les militants des droits humains ne fait que s’ intensifier
Militants qui se retrouvent incarcérés, en réalité, en raison de leur associative activité
Et de leur engagement civique, mais, officiellement, pour suspicion de financement occulte, étranger
« Les impliquant, [selon Kaïs Saïed], dans un complot visant » les citoyennes et étatique sécurités
Et cela, même si « les fonds reçus par l’association provenaient d’organisations, à l’ONU, affiliées »
Ces « accusations sont [généralement] accompagnées de campagnes médiatiques visant à discréditer
Les défenseurs des droits humains » soulevant « de graves inquiétudes quant au respect du droit à un équitable procès »
Et, presque toujours, ces accusés, à l’issue de leur interrogatoire, en prison, sont transférés [2]
Ces événements s’inscrivent dans un contexte préoccupant de criminalisation de la solidarité [3]
Et de diabolisation de la société civile critique envers le régime du coup d’État du 25 juillet [2]
Un climat marqué par la reprise en main, par le pouvoir en place, des médias publics et certains médias privés
Leur faisant perdre la crédibilité qu’ils ont acquise après la révolution du 14 janvier
Nous ramenant à la funeste période qui l’a précédée, mettant en péril notre droit de nous informer
Librement, nous privant de pouvoir accéder à des médias exerçant en toute indépendance leurs activités
Conduisant au dévoiement de notre démocratie naissante par le développement d’une presse orientée
Les mêmes pratiques d’hier ont été reprises, sous des apparences trompeuses et drapées, par le régime du 25 juillet
On a eu peur pour nos libertés du temps des islamistes, aujourd’hui, elles sont réellement détériorées
Ils n’ont emprisonné personne pour ses opinions ; ce qu’ils n’ont pas osé faire, le régime du 25 juillet l’a fait
À cause d’un post, d’un commentaire, d’un graffiti, d’une opinion exprimée, on peut, en prison, se retrouver
Une certaine mélancolie, liée à cette ambiance inquisitoire, se lit, sur les visages des militants, désormais
Dans leurs réunions, rassemblements et manifestations, et aussi sur ceux des déçus du 25 juillet
Les citoyens, de moins en moins, participent au débat politique et sont, dans la vie publique, moins impliqués
Mais, où est donc passée cette euphorie qui a alimenté notre combat pour nos droits et libertés
Support de rêves collectifs, de discours portant sur l’avenir, de projets ambitieux, de novatrices idées
Où l’on parlait de l’égalité femme-homme devant l’héritage, de la justice sociale, de la laïcité
De la lutte contre l’islamisme, de la liberté de pensée, de la mainmise du Qatar sur notre destinée
De la séparation des pouvoirs, de l’indépendance de la justice et du parquet, de notre tunisianité
Mouvement d’une ampleur sans précédent dans toute l’histoire de notre pays qui, acteurs, nous a propulsés
Sur le devant de la scène, accompagné d’un authentique vent de liberté qui, partout, a soufflé
Mouvement que nous avons cru capable de tourner la page, de nous permettre, de l’avant, aller
Mais, où sont donc passés ces débats libres et contradictoires qui avaient envahi radios et télés
Traitant, sans langue de bois, sans faux-fuyants, ni tabous, plein de sujets divers de publique utilité
N’hésitant pas à critiquer sévèrement nos gouvernants, de tous grades, à moquer, à invectiver
Et ces manifestations permanentes, dont le Sit-in du départ qui, toutes les générations, avaient rassemblées
Réunions-forums, refaisant le monde, qui ont maillé le pays, villes et villages les plus reculés
Sit-in qui, du pouvoir islamiste et de sa constitution islamistisée nous a débarrassés [4]
Et cette Tunisie qui avait brisé les chaînes d’une dictature bien installée, où est-t-elle donc passée
Qui avait inventé le slogan « Dégage ! », devenu slogan universel pour tous les révoltés
Qui se retrouve, aujourd’hui, sous la coupe d’un autocrate qui, à sa Révolution, n’a point participé [5]
D’un régime où conservatisme, totalitarisme, populisme et islamisme y sont conjugués [5], [6]
Résistance-résilience-engagement sont les maîtres-mots de notre salut, de sortie de l’abîme, leurs mots-clés
Et je me battrai jusqu’à ce que le jasmin refleurisse, jusqu’à ce que l’on retrouve nos libertés
Comme je l’ai fait, ma vie durant, quand j’ai combattu pour mes principes et valeurs, depuis mes années Lycée [7]
Le chemin est long, même si son système, via les taux de participation aux scrutins qu’il a organisés
Pour le mettre sur pied, à chaque fois, par une majorité écrasante d’électeurs, a été rejeté
Je me battrai sans relâche pour reconquérir nos droits spoliés, dont le premier : le droit de pouvoir s’exprimer
Librement, le plus important acquis de notre Révolution, droit qu’il faut absolument restaurer
Je me battrai jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun prisonnier politique, aucun prisonnier pour ses idées
Je reste un citoyen engagé qui, jusqu’à son dernier souffle, se battra, sans relâche, pour les droits et les libertés
Que nous avons acquis de haute lutte, pendant des années, et qui, par le régime actuel, nous ont été volés
Pour que la Tunisie, de l’islamisme, du populisme, de l’autocratisme soit, à jamais, débarrassée
Taire ma voix, baisser les bras, je ne peux l’imaginer ; même si le combat paraît bien difficile et trop risqué
Dans la défense des libertés, le silence est lâcheté et complicité ; chaque action compte, soit-elle isolée
« La Révolution nous appelle, la liberté guide nos pas », comme l’aurait dit le poète Marie-Joseph Chénier [8]
Salah HORCHANI
[1] https://www.facebook.com/photo/?fbid=1837084050397649&set=a.120896128683125
[2] https://www.businessnews.com.tn/pressions-croissantes-sur-la-societe-civile--le-cas-de-saloua-ghrissa,520,144181,3
https://www.businessnews.com.tn/la-militante-saloua-ghrissa-adresse-un-message-depuis-sa-prison,520,144140,3
https://www.businessnews.com.tn/diabolisation-de-la-societe-civile--gare-a-la-derive,519,142550,3
[3] https://www.ldh-france.org/tunisie-non-a-la-criminalisation-de-la-solidarite-avec-les-migrants-appel-a-la-solidarite-avec-abdallah-said/
https://kapitalis.com/tunisie/2024/12/19/tunisie-des-ong-defendent-les-droits-des-migrants/
[4] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/091015/prix-nobel-de-la-paix-2015-une-petite-pensee-pour-le-sit-du-depart
[5] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/220919/tunisie-mais-qui-est-kais-saied-favori-de-la-course-au-palais-de-carthage
[6] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/080921/tunisie-monsieur-le-president-kais-saied-de-votre-systeme-n-en-veut-pas
[7] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/220521/genese-de-mon-engagement-politique-accompagnee-de-quelques-temoignages-et-souvenirs
https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/060820/arrive-au-crepuscule-de-ma-vie-je-dois-avouer
https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/010717/un-sizain-resumant-mon-combat-contre-les-islamistescause-de-mon-ejection-de-facebook
https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/111117/tgi-de-paris-non-lieu-dans-le-proces-intente-par-ghannouchi-rached-mon-encontre
Que le temps passe vite ! Le lien ci-dessous contient une photo, capture d’écran, prise lors de ma participation au double-rassemblement [Islamisto-fasciste VS Moderno-progressiste], qui a eu lieu le 19 Avril 2012, devant le Tribunal de première instance à Tunis, pendant le procès de la chaîne Nessma TV , poursuivie pour avoir diffusé le film Persepolis en octobre 2011. Depuis, mes cheveux n’ont plus guère blanchi !
https://www.facebook.com/photo/?fbid=1283378299101563&set=a.117719242334147
[8] Extrait de la référence ci-dessous, augmenté substantiellement.
https://www.legrandsoir.info/tunisie-liberte-pour-les-prisonniers-d-opinion-victimes-du-regime-du-25-juillet.html