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Tenter de définir l’impérialisme aujourd’hui

L’impérialisme est un terme qui revêt diverses notions. Il définit communément la domination (ou volonté de domination, sous toutes formes (militaire, culturelle, politique, économique...) d’un État ou d’un groupe d’États sur un autre État ou groupe d’États. A un certain stade de son développement, le capitalisme devient impérialiste. Dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), Lénine a soumis cette question à une analyse approfondie. Il part de ce que Marx avait souligné dès le Manifeste du Parti Communiste : au fur et à mesure que le capitalisme se développe et que le Capital se concentre, la « libre concurrence » aboutit à son contraire, c’est-à-dire aux monopoles, et finalement à la domination de l’économie par un petit nombre d’entreprises gigantesques. Lénine relève une caractéristique fondamentale de l’impérialisme : la « fusion du capital bancaire et du capital industriel » et « la création, sur la base de ce capital « financier », d’une oligarchie financière ». Il en dégage cinq traits économiques fondamentaux de l’impérialisme : 1) les monopoles ou la concentration de la production et du capital. 2) la fusion du capital bancaire et du capital industriel ce qu’on nomme le capital financier. 3) L’exportation et la circulation des capitaux. 4) le partage du monde entre unions internationales monopolistes, ce que l’on appelle les multinationales. 5) le partage achevé du monde entre grandes puissances. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la décolonisation a changé la forme politique de cette domination, mais celle-ci demeure. Elle s’est même renforcée à travers les mécanismes de la dette et du commerce mondial. L’imposition dans les années 1970 du dollar comme monnaie internationale à la place de l’or a été également un puissant facteur de victoire de l’impérialisme.

Au début du capitalisme, les banques ne jouaient qu’un rôle d’intermédiaire dans les paiements. Au stade impérialiste, par contre, d’énormes banques dominent l’économie. Elles ont fusionné avec le capital industriel et tirent toutes les ficelles. En 2013, parmi les 2 000 plus grandes entreprises au monde, il y avait 469 banques et institutions financières. L’impérialisme se distingue aussi par le rôle central qu’y joue l’exportation de capitaux (et non plus seulement de marchandises). Chaque jour, dans le monde, des milliards de dollars de capitaux sont exportés. Et les grands groupes financiers, bien sûr, contrôlent cette activité. On retrouve entre Etat-nations des relations d’exploitation et de domination, il y a les Etats-impériaux qui jettent leur dévolu sur un territoire et ses ressources. C’est un rapport d’asservissement qui a de multiples dimensions : économique, politiques, culturel et militaire. Cela dit la nature de la relation entre le capital et le travail dans la production et celle du pays dominant sur un territoire est de même nature. On peut dire sans se tromper que le capital du pays dominant est le principal bénéficiaire du système et que les classes exploitées des pays dominés en sont les ultimes victimes.

Enfin il nous faut encore éclairer le nouveau stade impérialiste, celui que l’on désigne sous le terme de mondialisation néolibérale. La mondialisation est un phénomène co-substantiel du capitalisme. Le néo-libéralisme est actuel, c’est un nouvel ordre social et organisationnel au profit d’une classe capitaliste très concentrée dont les institutions financières sont les agents du pouvoir et de la domination. Le néo-libéralisme qui est souvent montré comme un processus sauvage de dérèglementation est en fait « une discipline » parfaitement réfléchit qui a été imposée aux travailleurs ainsi qu’aux managers au plan national comme au plan international. Il s’agissait en profitant de l’effondrement de l’URSS et de l’alternative socialiste de transformer en profondeur les « disciplines » de travail comme de gestion, cela concerne les conditions de travail avec la pression sur le temps mais aussi les formes d’individualisation, l’isolement, cela concerne les conditions d’emploi avec la précarité, de licenciement, de rémunération et de protections sociales.

Il faut également voir qu’à ces modifications en matière d’exploitation du travail correspondent des modifications du droit des nations sur leurs ressources, une pression constante des multinationales pour imposer l’ouverture des frontières commerciales et financières, pour substituer à la souveraineté des nations un autre droit celui de la propriété des investisseurs, des multinationales, celui des créanciers de la dette et donc les sociétés transnationales se substituant aux Etats-nations. L’exploitation capitaliste et l’impérialisme ne sont pas indépendants, hier comme aujourd’hui l’exploitation des travailleurs au sein des pays dominés va de pair avec l’impérialisme. Les multinationales obtiennent l’ouverture des frontières pour les marchandises comme pour les investissements financiers et cela a deux résultats : un, la mise en concurrence du travail à l’échelle mondiale et deux l’importation des biens de consommation à bas prix.

La mise en concurrence va permettre de renforcer l’exploitation du salariat des pays développés, non seulement en limitant les salaires, en augmentant le temps de travail, mais en lui imposant de nouvelles « disciplines » en matière de précarité, de conditions de travail et de protection sociales. En ce qui concerne le bas coût des importations ce sont essentiellement les capitalistes qui en retirent les bénéfices. L’afflux de produits importés moins cher, permet une certaine stagnation des salaires et du pouvoir d’achat. Ensuite, le système préfère favoriser l’endettement des salariés, par l’entremise du système financier qu’il contrôle, plutôt que de payer les salaires à leur juste valeur.

Si le capital n’a pas de patrie, il a d’abord un bras armé, les Etats-Unis dont les dépenses militaires sont l’équivalent du reste du monde réuni mais aussi que les Etasuniens concentrent 40% de la richesse mondiale (sans parler de ce qui est caché dans les paradis fiscaux). Tout cela ne repose que sur la manière dont les Etats-Unis n’ont cessé d’activer la planche à billet. La croissance du déficit extérieur commercial des Etats-Unis oblige à une réorganisation des flux financiers destinés à financer l’économie des Etats-Unis. Résultat, le monde détient actuellement sur les Etats-Unis le double de créance que ce pays détient sur le reste du monde. Les principaux créanciers étant le japon et la Chine. Les Etats-Unis ont jusqu’ici réussi à maintenir un système qui leur est favorable : ils font payer le double les intérêts de leurs créances de ce qu’ils payent aux pays dont ils sont les créanciers. Pour que le système fonctionne, il faut organiser un investissement systématique des classes capitalistes étrangères dans l’économie étasunienne et dans sa monnaie, le dollar, ce qui a bien fonctionné pour le moment.

Est-ce que la domination impériale des Etats-Unis sur le reste du monde va encore durer longtemps ? Nul ne le sait, même si les événements (Ukraine, Taiwan, gaza, émancipation du « sud global ») s’enchainent. « Abolir l’exploitation de l’homme par l’homme c’est abolir l’exploitation d’une nation par une autre nation », cette citation d’Engels nous montre que pour combattre l’impérialisme, il faut avant tout combattre le capitalisme !

Sources :
https://lavantgarde.fr/definition-imperialisme
https://www.marxiste.org/theorie/comment-ca-marx/2645-qu-est-ce-que-l-imperialisme
https://fr.internationalism.org/ri372/imperialisme.html
https://socio13.wordpress.com/2008/03/24/un-detour-theorique-sur-les-conditions-de-limperialisme-aujourdhui/

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Jean BRICMONT
Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié « Impostures intellectuelles », avec Alan Sokal, (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et « A l’ombre des Lumières », avec Régis Debray, (Odile Jacob, 2003). Présentation de l’ouvrage Une des caractéristiques du discours politique, de la droite à la gauche, est qu’il est aujourd’hui entièrement dominé par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence. Nous sommes constamment (…)
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