Je suis un fidèle de la série Cold Case, programmée depuis plusieurs années par Canal+ en VO et par France2 en VF. Je la regarde plutôt en anglais, un certain idiome philadelphien assaisonné d’un vocabulaire technique policier qui nécessitent pour moi l’aide des sous-titres en français.
Cette série est intéressante à plus d’un titre. Outre qu’elle est très bien faite et fort bien jouée, elle repose sur le principe de la non prescriptibilité des crimes dans l’Etat de Pensylvanie. Un pépé de 90 ans peut se voir jeter au trou si, 70 ans plus tôt, il a commis un crime ou a été complice d’un crime. L’équipe policière de la série reprend, après la découverte d’un nouvel indice, une affaire qui n’avait pas trouvé de solution. Elle la résoud et la classe.
Cela permet des reconstitutions, plutôt fidèles, d’époques antérieures (la musique joue alors un grand rôle) et d’apprécier des vies, des destins mis en perspectives. Le plus souvent, nous sommes plongés dans des quartiers de Philadelphie assez peu riants. Les problèmes conjoncturels et structurels de la société étasunienne sont clairement évoqués lorsque le scénario l’exige.
Un récent épisode, assez banal, soulevait un problème intéressant. Un ado placé dans un foyer pour délinquants s’était mortellement blessé en glissant. Quelques années plus tard, un indice permettait tout naturellement de lancer l’équipe à la recherche d’un crime. Aux deux-tiers de l’épisode, on découvrait que le foyer pour délinquants, placé sous l’autorité du ministère de la Justice, était en fait une institution privée. Les murs appartenaient à des actionnaires et le personnel était de statut privé. L’histoire avançait d’un coup lorsque l’équipe comprenait que le juge du coin n’était autre que le frère de la principal actionnaire d’une chaîne de foyers. Sa politique était donc d’emplir les foyers au maximum et de refuser toute libération conditionnelle.
Le héros malheureux de l’épisode aurait dû, normalement, recouvrer la liberté. Il avait en fait été tué accidentellement par le directeur du foyer qui lui avait flanqué une rouste un peu appuyée, sans intention de tuer.
Par ailleurs, un officier supérieur de la police obligeait l’équipe, au nom de restructions budgétaires, à se délester d’un de ses membres, contraint de rejoindre un commissariat de banlieue.
Bien sûr, on retrouve dans cette série, comme dans tout le cinéma d’outre-Atlantique la croyance dogmatique bien connue de la supériorité de l’individu sur le groupe. A Philadelphie comme ailleurs, des hommes intègres et efficaces finissent toujours par vaincre une machine corrompue actionnée par des incompétents. Mais l’imperfection du système n’est jamais problématisée.
Avec ses limites, cette série nous dit ce qu’est, depuis un bon moment déjà , la justice étatsunienne et ce que sera la justice dans la France de Sarkozy ou d’un de ses clones : une entreprise, au sens étymologique du terme, fonctionnant selon des critères de rentabilité indépendants des problèmes sociaux et sociétaux à résoudre.