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Lettre ouverte à Canal + (émission l’effet papillon sur les Cinq Cubains)

Monsieur le Directeur de Canal+

Le 17 février 2008, canal+ a parlé de l’histoire des cinq cubains emprisonnés depuis près de dix ans aux Etats-Unis,dans l’ émission « l’effet papillon ».

C’est une grande première. Jusque-là , pas une chaîne de télévision en France n’avait parlé d’eux. On pouvait quand même s’attendre à autre chose que la caricature qui nous a été présentée de ce sujet.

Je m’en tiendrai pour ne pas faire trop long à deux points.

Les cinq Cubains sont-ils des espions ?

« Les espions venus du chaud » : titre à la James Bond certes, mais n’empêche, tout au long de l’émission, Canal+ a pris pour axiome de base le fait que les cinq Cubains seraient des espions.

Si l’on s’en tient au point de vue juridique, l’espionnage consiste à percer des secrets d’état liés au gouvernement d’une puissance étrangère ou ennemie.

Les cinq ont infiltré des organisations non gouvernementales et, de surcroît, lourdement impliquées dans le terrorisme international.

Ils n’ont d’ailleurs pas été inculpés pour espionnage mais pour « conspiration dans le but d’espionner ».

Au cours du procès, plusieurs personnalités ont réfuté le fait qu’il s’agissait d’espions. Citons :

- Le Général Edward Atkeson, ancien vice chef de l’état-major de l’armée pour le renseignement.

- Le Général James R. Chaper, ancien chef de l’Agence de renseignements du département de la défense.

- L’Amiral Eugène Carrol, ancien vice chef des opérations navales. Ce dernier a d’ailleurs affirmé qu’en lisant des revues spécialisées telles que « Janes’s Defense weekly », on pourrait obtenir bien plus de renseignements que n’en possédaient les cinq.

Les avions abattus.

Une bonne partie de l’émission a été consacrée à cet événement, sous-entendant qu’il était l’oeuvre des cinq.

Deux petits avions de « Brothers to the rescue » ont été abattus le 24 février 1996. D’après votre émission, ils étaient dans l’espace aérien international. Or comme la Federal Aviation Agency l’ a confirmé lors du procès à Miami,ces deux avions volaient bel et bien dans l’espace aérien cubain ; un troisième, piloté par Jose Basulto, est resté, lui, dans l’espace international. Sept sommations ont été faites à Basulto, mais les deux autres pilotes n’en ont tenu aucun compte, à moins que Basulto ait négligé de leur répercuter ces sommations. De plus, Cuba avait officiellement averti antérieurement que de telles incursions dans son espace aérien ne seraient plus tolérées.

Quant à mêler les cinq à cette histoire, il y a un pas que vous avez franchi allègrement. C’est Gerardo Hernà ndez qui infiltrait « Brothers of the Rescue » et il se trouvait à Miami quand ces faits se sont produits. Le Ministère Public lui-même a reconnu, qu il ne pouvait retenir cette charge contre Gerardo Hernandez, faute de preuves, et a demandé qu’elle soit retirée. La juge Lénard a passé outre cette demande, et les jurés ont déclaré G. Hernandez coupable, dans le climat délétère de ce procès. Procès jugé, au cours d’un premier appel, « non équitable » par les trois juges unanimes de la cour d’Atlanta le 9 août 2005.

A écouter votre émission, l’organisation « Brothers of the Rescue » se limitait à envoyer quelques tracts de propagande sur le territoire cubain. Une investigation un peu plus poussée aurait permis à vos journalistes de savoir que cette organisation était à l’origine de nombreux actes de terrorisme : mitraillages, bombardements, dissémination de substances chimiques et bactériologiques, brouillage de fréquences radio des tours de contrôle avec tous les risques que cela comporte etc.

Il est vrai que l’interlocuteur choisi par vos enquêteurs n’était autre que Jose Basulto, le chef de cette organisation. Quand on connaît le passé de ce terroriste, on ne peut que relativiser son témoignage ! Il est arrivé aux Etats-Unis dès la chute de la dictature de Battista. On le retrouve très vite dans la brigade 2 506 créée par la C.I.A. dans le but d’envahir Cuba avec son ami Rodriguez Mendigutia, celui-là même qui s’est rendu célèbre pour avoir le 9 octobre 1967 donné l’ordre d’exécution de Che Guevara.

Le 24 décembre 1962, c’est ce même Basulto qui tentait de tuer Fidel Castro en attaquant un édifice de La Havane avec un canon de 22mm depuis son bateau situé à 200m. de la côte.

Le 20 mai 1963, on retrouve Basulto dans l’opération 40 de la CIA, avec 50 vétérans de la « Baie des cochons ».

Pendant toute durée de la dictature de la junte militaire en Argentine, Basulto est dans ce pays où il a prêté (ou plutôt vendu) main forte aux généraux. N’oublions pas que 30 000 opposants à ce régime ont été « éliminés » durant la dictature.

Il n’a guère été question dans votre émission d’essayer de comprendre pourquoi les cinq Cubains infiltraient les milieux terroristes. Pas un mot des attentats qui ont commencé après la création, le 1er janvier 1960, d’une force spéciale de subversion contre Cuba par Allan Dulles, directeur de la C.I.A. de l’époque.

L’attentat le 4 mars 1960 contre le navire français « Le Coubre » faisant 75 morts, et celui du 6 octobre 1976 contre un avion de la « Cubana », faisant 73 morts auraient pu retenir votre attention.

Votre émission aurait pu être passionnante sans ce parti pris qui vous amène à noircir tout ce qui vient de Cuba.

Dommage, vous êtes passé à côté de l’essentiel à un moment où la solidarité envers les cinq Cubains grandit dans le monde entier, et en particulier aux Etats-Unis.

Jacqueline Roussie
à xxxxxx
le 21 février 2008.

Lettre ouverte à  :
CANAL+/CANALSAT
Service Clients
62976 ARRAS CEDEX 9

Pour en savoir plus sur les Cinq :
http://www.freeforfive.org/fr/index.html

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/spip.php?rubrique17


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(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

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