"Toute et tous étaient des étrangers antifascistes et communistes, venus d’Europe centrale pour la plupart : polonais, arméniens, juifs, mais aussi italiens et espagnols.
Toute et tous luttaient pour un monde enfin débarrassé du nazisme, du fascisme, un monde meilleur dont aujourd’hui nous savons que les peuples des colonies étaient les grands oubliés...
Aujourd’hui, en Europe et partout dans le monde, le fascisme et le suprématisme blanc sont à nouveau à l’œuvre comme en atteste la récente tuerie à Hanau en Allemagne.
Il ne s’agit pas d’un acte isolé mais, le dernier en date d’une longue série d’attentats et de meurtres qui, tous, touchent la communauté musulmane principalement, les demandeurs d’asile venus du Moyen-Orient, transformé en un vaste champ de ruines, les migrants noirs venus de l’Afrique sub-saharienne et les Rroms.
Toutes et tous sont les victimes des discours racistes véhiculés par la glorification du nazisme, du néo-nazisme et de toutes les autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui lui est associée.
Mais nous ne devons pas oublier que le 21 novembre 2014, lors du vote du projet de Résolution L56 de l’Assemblée Générale de l’ONU, qui s’inquiétait – à juste titre – de la renaissance de ces idéologies criminelles, l’ensemble des pays européens – dont l’Allemagne et la France – s’étaient abstenus. ...
Reniant ainsi le sacrifice des millions de martyrs européens, celui de tous les résistants qui ont participé aux mouvements de libération nationale tels les héros du groupe Manouchian.
La France n’est pas exempte de cette nouvelle expression raciste et suprématiste, loin de la !
Tous les discours – de droite comme de gauche – des plus hauts responsables de l’État entretiennent le soupçon et la peur de l’Autre, du musulman ou supposé tel, principalement.
L’islamophobie sévit aujourd’hui, comme hier, dans les années 30 où l’antisémitisme et la peur des « bolcheviques » étaient le fond commun des discours fascistes et d’extrême droite française.
Honorer aujourd’hui les héros du groupe Manouchian, c’est avant tout rappeler tout cela, se souvenir qu’eux aussi étaient des étrangers, des métèques, des indésirables ; que nous sommes comptables de leur martyre.
Il est de notre devoir de porter haut l’idéal qui les animait au travers les formes modernes des luttes, antiracistes et décolonisées, dans lesquelles nous sommes engagés.
Gloire aux héros du groupe Manouchian ! "
La commission antiracisme politique
Pour la Coordination Nationale de l’UJFP (Union des Juifs Français pour la Paix), le 21 février 2020.
"L’affiche rouge"
(strophes pour se souvenir)
poème de Louis Aragon mis en musique par Léo Ferré
La chanson restera censurée, interdite à la radio et la télévision françaises, jusqu’en 1981.
Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant
Léo Ferré : L’Affiche rouge (Aragon) © Léo Ferré