Entre éclipse solaire et marées hautes, la France a les yeux pétillants de joie et de curiosité. Mais en filigrane s’esquissent déjà des lendemains qui déchantent. L’arrivée des extrêmes au pouvoir en France est désormais une certitude.
À Béziers s’invite déjà en guise de mémoire la nostalgie des causes perdues. Quel âge avait donc Robert Menard en 1962 pour avoir pu intérioriser autant de ressentiments et, disons-le sans hésitation, de haine à l’égard de l’Algérie indépendante ? Juste 9 ans. Et peut-on à cet âge-là avoir déjà le vécu nécessaire pour s’inventer un passé, une histoire ? Né à Oran en 1957, celui qui ne cache plus ses opinions les plus radicales franchit le Rubicon et ose quelques pas de danse dans ce cercle révisionniste qui s’agrandit chaque jour en France, qui a aussi ses adeptes en Algérie, et qui n’a pas encore trouvé de réponse ferme notamment de ce côté-ci de la Méditerranée.
Le tonitruant et ancien président et fondateur de Reporters sans frontières cachait-il donc si bien son jeu ? Et si sous les cendres couvent souvent les braises, celles des méchouis arrosés à l’anisette et à l’odeur insoutenable des mechtas enflammées, des « corvées de bois » et des grottes enfumées au gaz d’où personne ne sortait jamais vivant semblent s’être elles aussi soudainement ravivées
Mais dans la patrie du rugby, des anti-corridas et des aficionados, du linge qu’il ne faut pas étendre au balcon, du combat pour doter la police municipale d’armes véritables, le maire de Béziers trouve toujours du temps pour réécrire l’histoire. A sa manière. Robert Menard fait donc le deuil de l’Algérie française, lui qui en journaliste aguerri et impénitent a déjà entonné un livre à sa gloire.
Et entre les drapeaux en berne et les rues rebaptisées s’insinue un parfum nauséabond, celui de la haine jamais récusée, de la nuit coloniale et de ses effets pervers de déstructuration et de désarticulation de sociétés entières qui ici aussi continuent de nous brouiller la vue et de rendre la visibilité incertaine.
Et si personne ne peut contester à Robert Menard le droit d’agiter chez lui l’étendard de la France coloniale après avoir comme beaucoup d’autres de ses semblables fait son mea culpa et renoncer à défendre des causes bien plus nobles qui demandent plus de courage, récuser ses idées et les combattre est une œuvre salvatrice.
En France aussi, les justes se sont éclipsés et le courage s’est effiloché avec les années et sous les coups de boutoir des vrais désarrois et des fausses certitudes. Peu importe cependant ce que Robert Menard dit ou ce qu’il fait. Seul est utile de combattre toujours et avec force et détermination ces idées fausses et le doute qu’elles induisent. Et dire aussi sans hésitation et avec conviction et sérénité le courage et la sagesse de ceux qui en burnous et en djellabas ont depuis des siècles déjà tracé la route !
Si un homme blanc veut me lyncher, c’est son problème. S’il a le pouvoir de me lyncher, c’est mon problème. Le racisme n’est pas une question d’attitude ; c’est une question de pouvoir. Le racisme tire son pouvoir du capitalisme. Donc, si vous êtes antiraciste, que vous en soyez conscient ou non, vous devez être anticapitaliste. Le pouvoir du racisme, le pouvoir du sexisme, vient du capitalisme, pas d’une attitude.
Stokely Carmichael