Du danger des forages pétroliers sous-marins
COMAGUER
Voici maintenant un mois qu’a eu lieu dans le Golfe du Mexique ce qui s’avère être une des plus grandes catastrophes pétrolières de l’Histoire. Le 20 Avril une explosion se produisait sur une plateforme d’extraction de pétrole sous-marin tuant sur le coup une dizaine d’ouvriers. L’incendie qui s’en suivit entraina le naufrage de la plateforme. Cette explosion en surface n’était que le contrecoup d’une explosion qui s’était produite sur la tête de puits à une profondeur annoncée de 18000 pieds (environ 5500m) mais en réalité à environ 22000 pieds (environ 6700). Il est aujourd’hui techniquement possible de forer à 9000 mètres de profondeur mais, on va le voir, la sécurité de ce genre d’opération n’est pas assurée.
Depuis cette date, le pétrole s’écoule en grande quantité dans la mer.
La plateforme était opérée dans la zone d’exploitation exclusive (ZEE) des Etats-Unis à environ 70 km du rivage (la ZEE est une zone définie par la Convention Internationale sur le droit de la Mer qui donne le droit au pays riverain d’extraire les richesses sous-marines jusqu’à 200 mile marins de sa côte) par la société DEEPWATER pour le compte de la filiale US de la BRITISH PETROLEUM. Il est à noter que les USA n’ont pas ratifié la Convention internationale sur le droit de la mer mais qu’ils ne se gênent pas pour l’appliquer à leur profit dans le Golfe du Mexique.
La catastrophe est avérée même si son ampleur est encore mal estimée. Une des raisons de cette imprécision est que l’administration OBAMA a réagi très vite en envoyant sur place plus de 2000 agents appartenant à tous les services officiels ayant à connaitre de ce genre d’accident. Cette présence massive si elle a probablement permis au gouvernement d’avoir une connaissance assez exacte de l’ampleur du drame et de ne pas laisser BP seul maitre de l’information a eu aussi comme effet de verrouiller l’information disponible. Ainsi tout reportage photo ou vidéo a été interdit dans la zone concernée et ne circulent que des images dûment approuvées par les autorités. Ce type de couverture médiatique est similaire à celui des opérations militaires des USA à l’étranger.
Cette forme de censure n’a cependant pas pu empêcher scientifiques, techniciens du pétrole médias, leaders d’opinion …de mener des investigations pour essayer de contrôler la version officielle.
Il est aujourd’hui possible de faire une synthèse de ces investigations. Pour commencer la traduction intégrale d’un article de ROBERT KENNEDY junior qui suit apporte un éclairage cru, mais hélas sans véritable surprise, sur le fonctionnement des services publics aux USA. A se demander même si la notion de « service public » a encore un sens dans ce pays. Fils de BOB KENNEDY, le ministre assassiné, ROBERT KENNEDY JUNIOR est avocat spécialisé dans les affaires environnementales. Démocrate, il est évidemment partisan lorsqu’il parle de l’Administration BUSH mais en même temps la position du clan KENNEDY dans la vie politique des USA lui permet d’avoir une connaissance très détaillée du fonctionnement du système. Son témoignage est donc de toute première importance. Inutile de s’attarder sur la première remarque de ROBERT KENNEDY JUNIOR qui signale que des républicains se réjouissent de la catastrophe parce qu’elle pourrait nuire à la popularité d’OBAMA, le niveau zéro dans la politique politicienne est immédiatement atteint voire dépassé.
Sexe, mensonges et pollution pétrolière
Robert Kennedy Junior
Publié dans HUFFINGTON POST le 10 mai 2010
Traduction comaguer
Un travers commun dans la couverture par la droite du déversement d’hydrocarbures de la BP est une joyeuse suggestion que la catastrophe du Golfe soit le Katrina d’Obama
En vérité, il est plus exact de mettre la culpabilité de ce désastre sur le compte de l’Administration Bush. Durant huit ans, la présidence Bush a contaminé l’agence de surveillance de l’industrie du pétrole, le Service d’Administration des ressources minérales, avec une culture nocive de corruption dont il doit encore se guérir. Les anciennes stagiaires du bureau du pétrole à la Maison Blanche ont encouragé le personnel de l’agence à diminuer les mesures de sécurité qui ont directement contribué à la catastrophe de golfe.
L’absence de régulateur acoustique - un interrupteur automatique commandé à distance qui aurait pu fermer le tuyau crevé de la BP à sa source au niveau sous-marin quand l’interrupteur manuel a été empêché de fonctionner- le feu et l’explosion sur la plate-forme de forage pouvant avoir empêché les ouvriers mourant de pousser le bouton - était directement attribuable à la soumission de l’équipe de Bush aux exigences de l’industrie. Les interrupteurs acoustiques sont exigés par la loi pour toutes les plateformes pétrolières au large du Brésil comme pour les opérations en Mer du Nord au large de la Norvège. BP utilise volontairement cette technique en Grande-Bretagne en Mer du Nord et ailleurs dans le monde aussi bien que d’autres grands comme la Shell hollandaise et la Française Total. En 2000, le Service d’Administration des ressources minérales en évaluant globalement la règlementation pour la sécurité des forages, a jugé que le mécanisme acoustique était « indispensable " et a proposé d’imposer ce mécanisme sur toutes les plateformes pétrolières du Golfe.
C’est alors , entre janvier et mars 2001, que le nouveau Vice-président Dick Cheney a organisé des réunions secrètes avec plus de 100 représentants officiels de l’industrie du pétrole leur permettant de faire une liste des exigences de l’industrie qu’une administration bien disposée vis-à -vis de l’industrie pétrolière devrait satisfaire. Cheney a aussi utilisé cette période pour faire embaucher par le Service d’Administration de Minéraux du personnel à la botte de l’industrie du pétrole en incluant un groupe de ses copains du Wyoming. En 2003, le Service d’Administration de Minéraux nouvellement reconstitué s’est mis à genoux devant le cartel de pétrole en recommandant la suppression de l’obligation proposée des interrupteurs acoustiques. L’étude de 2003 du Service d’Administration de Minéraux a conclu que " les systèmes acoustiques ne sont pas recommandés parce qu’ils ont tendance à être très couteux "
L’interrupteur acoustique coûte environ $ 500,000. Les couts estimés du déversement d’hydrocarbures sur la Côte du Golfe sont maintenant au niveau de $ 14 milliards aux frais des collectivités des Etats du golfe. La loi sur l’énergie de Bush de 2005 a officiellement fait disparaitre l’obligation d’installer des interrupteurs acoustiques en expliquant que les techniques existantes utilisées sont "sûres. "
Se coucher devant le BIG OIL est devenu la posture idéologique de la Maison Blanche de Bush et, sous les coups de boutoir brutaux de Cheney, cette attitude a pénétré en profondeur l’administration. Le Service d’Administration de Minéraux - le cas le plus typique du phénomène de « prise de contrôle d’une agence d’Etat - (sous-entendu par le privé) - a, littéralement, couché avec l’industrie qu’il devait contrôler. Une enquête de 2009 du Service d’Administration des Minéraux a constaté que les fonctionnaires de l’Agence consommaient souvent de "l’alcool pendant leurs réunions avec l’industrie, avaient utilisé de la cocaïne et de la marijuana et avaient des rapports sexuels avec des représentants des compagnies de pétrolières et gazières. " Trois rapports de l’Inspecteur général décrivent un énorme trafic de cadeaux, pots-de-vin et renvois d’ascenseur épicés par des scènes d’employées féminines accordant des faveurs sexuelles aux gros bonnets de l’industrie qui , à leur tour, récompensaient les employés gouvernementaux avec des contrats illégaux. Dans un incident rapporté par l’Inspecteur général, les employés de l’agence étaient si ivres lors d’un golf sponsorisé par Shell qu’ils ne pouvaient pas conduire pour rentrer chez eux et ont dû dormir dans les chambres d’hôtel payées pour par Shell.
Leurs relations financières ont aussi été caractérisées par des rapports profonds. Les lobbyistes d’industrie ont organisé des fêtes somptueuses et ont arrosé les employés de l’agence avec des cadeaux illégaux et les contrats personnels lucratifs et les ont invités régulièrement au golf, au ski aux sorties paint-ball, et à des concerts de rock et des événements sportifs professionnels.
l’Inspecteur général a caractérisé cette orgie de brassage d’affaires et de trafics comme "une culture de faillite morale " qui coûte des millions aux contribuables dans les redevances et produit des tonnes d’information scientifique de mauvaise qualité pour justifier le forage non contrôlé en eau profonde dans le golfe.
Il est charitable de caractériser la morale de ces fonctionnaires comme "élastique. " Ils ont semblé ne pas avoir existé du tout. L’Inspecteur général a dit avec surprise que l’équipe de Bush aux MILLIMàˆTRES, quand elle fut mise en présence de la liste des actes de corruption, des vols d’argent public et de faveurs sexuelles et financières à et de l’industrie " n’a montré aucun remords. "
La confiance de BP dans le relâchement de la surveillance gouvernementale par une agence gravement compromise et toujours dirigée par le personnel mis en place pendant l’ère BUSH peut avoir incité la compagnie à faire des économies dangereuses. D’abord, BP a omis d’installer une vanne de fermeture au fond du trou - autre sécurité qui aurait pu éviter le déversement accidentel. Ensuite, BP a reconnu que le fait d’avoir violé la loi en forant à la profondeur de 22,000-25,000 pieds au lieu de la profondeur maximum de 18,000 pieds permise par son permis peut avoir contribué à cette catastrophe.
Et là où se produit une tragédie nationale impliquant du pétrole, la compagnie de Cheney, Halliburton, n’est jamais loin. En fait, restez attentifs : Halliburton peut apparaitre comme le premier voyou dans cette affaire. L’explosion s’est produite peu de temps après qu’ Halliburton ait achevé une opération d’encaissage du puits de forage avec du béton. C’est un processus délicat qui, selon les experts gouvernementaux, peut déclencher des explosions catastrophiques s’i l n’est pas effectué avec soin.
Selon le Service d’Administration de Minéraux, 18 de 39 explosions dans le Golfe du Mexique depuis 1996 ont été attribués à la mauvaise qualité professionnelle des travaux d’injection de ciment autour des tuyaux métalliques. Halliburton fait actuellement l’objet d’une enquête par le gouvernement australien pour une très grosse explosion en 2005 dans la Mer Timor provoquée par une application défectueuse de béton.
L’administration Obama a désigné presque 2,000 agents fédéraux des Garde-côte, du Corps des Ingénieurs, du Ministère de la défense, du Ministère du Commerce, EPA, NOAA et du Département e l’’Intérieur pour s’occuper du déversement accidentel - une réponse impressionnante. Cependant, la Maison Blanche actuelle n’est pas exempte de responsabilité - le gouvernement devrait, par exemple, exiger un bien plus grand déploiement de produits absorbants. Mais le coupable réel dans ce crime est une industrie négligente, la putréfaction morale de l’Administration Bush et le pauvre contrôle exercé par une Agence corrompue par huit ans de servilité grotesque au Big Oil.
Robert Kennedy Junior
A ce document il convient d’ajouter plusieurs données rassemblées par nos soins dans différents articles publiés aux USA :
1- Comme des centaines d’autres, le forage de DEEPWATER réalisé à une profondeur non autorisée par l’Administration l’a été sans autorisation formelle. L’Administration savait mais elle fermait les yeux.
2- La filiale de BP USA est, comme toutes ses consoeurs pétrolières, un lobbyiste actif à Washington, elle est aujourd’hui le 20° corrupteur/arroseur du pays et le premier lobbyiste parmi les filiales de groupes étrangers établis aux USA. En 2009, elle a dépensé 16 millions de dollars en « arrosages ».
3- Les forages sous-marins dans la ZEE c’est-à -dire sur un sous-sol propriété de l’Etat, donnent lieu à une sorte de taxe foncière payée par les pétroliers laquelle alimente directement le budget du service chargé du contrôle de la sécurité des installations pétrolières . Résultat aberrant : l’administration qui sanctionne en faisant fermer un puits diminue son propre budget c’est-à -dire que plus elle est performante, plus elle s’appauvrit et moins elle a de moyens pour inspecter les autres.
4- Les estimations faites par divers spécialistes de l’industrie pétrolière qui connaissent les débits des puits analogues dans la région donnent des chiffres de la quantité de pétrole s’écoulant chaque jour du puits qui vont de 5 à 10 fois le chiffre officiel. Le débit atteindrait 16 millions de litres par jour
5- La pollution de surface analogue à celle provenant du naufrage d’un pétrolier comme l’EXXON VALDEZ ou l’AMOCO CADIZ donne lieu à l’utilisation de produits dispersants et à la mise en place de barrages flottants. Le dispersant utilisé en grandes quantités (plus de 2 millions de litres à la date du 18 Mai et plus d’un million de litres en commande) le COREXIT est considéré par le service fédéral de protection de l’environnement (EPA) comme extrêmement toxique mais son fabricant NALCO est un ami de la BP.
6- La fuite ayant lieu en grande profondeur et donc sous une énorme pression et à une température assez basse la majorité du pétrole écoulé n’est pas remontée à la surface sous la forme connue de boulettes ou de petites nappes mais a pris la forme d’un immense lac sous-marin dont les dimensions pourraient atteindre : 60 kilomètres de long sur 5 kilomètres de large et 100 mètres d’épaisseur. Ce lac sous-marin va se déplacer en suivant les courants sous-marins existant dans le Golfe du Mexique et il est probable qu’il rejoindra le Gulf Stream en direction du Nord-Est et sera transporté vers les côtes européennes. L’impact de cet immense voile noir et absorbeur d’oxygène sur la vie sous-marine sera évidemment considérable mais encore difficile à mesurer.
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