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Sauver notre protection sociale en urgence !


[ Si l’on en croit les théoriciens de la " responsabilisation des patients " les Américains, doublement " responsabilisés " par les sommes restant à leur charge et par l’augmentation des primes d’assurance, devraient donc dépenser beaucoup moins pour leur santé que les Français. C’est exactement l’inverse qui se produit : plus de 14 % du PIB des Etats-Unis sont consacrés aux dépenses de Santé contre 9,6 % en France. ]


Il faut dire que nous abrogerons la loi Douste Blazy et aussi la loi Fillon sur les retraites.


Vendredi 14 octobre 2005.


Lors de l’Université d’été ( du PS Ndlr ) de La Rochelle, le président de l’atelier " Santé ", Alain Claeys qualifiait d’ " archaïsme " la volonté de parvenir à " l’égalité d’accès aux soins ". Il justifiait curieusement cette affirmation en s’appuyant sur l’expérience de la gauche au pouvoir : la dite gauche n’avait pas réussi à atteindre cette égalité, l’objectif ne pouvait donc n’être qu’archaïque.

Mais comment la gauche au pouvoir aurait-elle pu atteindre cet objectif alors qu’elle ne remettait pas en cause (bien au contraire) les différents " forfaits hospitaliers " et autres " tickets modérateurs " qui sont autant de tickets d’exclusion et d’obstacle à l’égalité d’accès aux soins ? Alors qu’elle ne remettait pas en cause le " numerus clausus " limitant le nombre de médecins, d’infirmier(e)s, de kinés en formation ? Alors que le plan Evin de 1991 enclenchait les fermetures de lits, de services hospitaliers, d’hôpitaux de proximité ? Alors que rien n’était mis en oeuvre pour limiter la liberté d’installation des médecins ou pour donner à la prévention des moyens supérieurs à 2 % des dépenses de santé ? Alors que les cotisations sociales patronales n’augmentaient que de 1,8 % en 20 ans contre 8,3 % pour la CSG ou les cotisations sociales salariales. Alors que se multipliaient, comme dans la 2ème loi Aubry, les exonérations de cotisations sociales patronales sans contrepartie en termes d’emplois ?


Un préalable à tout projet socialiste : l’abrogation de la loi Douste Blazy.


La loi Douste Blazy du 13 août 2004 constitue une bombe à retardement contre notre assurance maladie.

Cette bombe à retardement comporte un premier élément : une profonde modification des structures de direction et de gestion de l’assurance maladie.

Les Conseils d’Administration (où les représentants des salariés sont minoritaires) sont dépossédés des pouvoirs que leur avait laissés le paritarisme imposé par la droite. Ces pouvoirs sont maintenant concentrés entre les mains du directeur général de l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM). Ce directeur général a notamment le pouvoir de fixer le " périmètre des soins remboursés ". Il pourra donc, ainsi, en fonction des rapports de forces sociaux et politiques diminuer les soins à la charge de l’assurance maladie et augmenter la part des assurances complémentaires. C’est le modèle américain que la droite veut nous imposer. Qu’importe si le dernier classement (en 2000) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) faisait figurer au premier rang le système de santé français et au 37ème rang celui des USA. Ce qui est déterminant pour la droite, c’est la volonté du MEDEF qui ne veut pas entendre parler d’augmentation des " charges " patronales mais veut, au contraire, ouvrir largement le champ de l’assurance maladie aux assurances privées.

Le deuxième élément, c’est le maintien du déficit qui, au moment où la droite le jugera opportun, fournira l’alibi nécessaire à la diminution du " périmètre des soins " remboursés par l’assurance-maladie. Les mesures prises par Douste Blazy en 2004 ne permettraient, en effet, de revenir à un équilibre des comptes de l’assurance maladie en 2007 que si " la responsabilisation des patients " et les " bonnes pratiques médicales " permettaient une économie de 7 milliards d’euros annuels.

Mais, la " responsabilisation des patients " ne repose sur aucune expérience concrète. Au contraire, la réalité sociale nous fournit deux exemples tangibles qui prouvent exactement le contraire.

Les USA tout d’abord où les dépenses de santé laissées à la charge des ménages représentent 22 % des dépenses de santé et celles liées au paiement de primes aux assurances privées à 33 % de ces mêmes dépenses contre respectivement 13 % et 11 % en France. Si l’on en croit les théoriciens de la " responsabilisation des patients " les Américains, doublement " responsabilisés " par les sommes restant à leur charge et par l’augmentation des primes d’assurance, devraient donc dépenser beaucoup moins pour leur santé que les Français. C’est exactement l’inverse qui se produit : plus de 14 % du PIB des Etats-Unis sont consacrés aux dépenses de Santé contre 9,6 % en France.

Le deuxième exemple est celui des pays scandinaves où les dépenses de santé sont de l’ordre de 8 % de leurs PIB alors que la plus grande partie des soins est gratuite. Il est vrai que dans ces pays, la prévention a une toute autre dimension que dans notre pays.

Quand aux " bonnes pratiques médicales ", le moins que l’on puisse dire est qu’elles ont déjà du plomb dans l’aile. Tout d’abord, en effet, le gouvernement a, comme l’affirme fort justement le Syndicat de la Médecine Générale, opéré un véritable " désarmement unilatéral " face aux médecins libéraux. Il a, sans exiger de contreparties en matières de " bonne pratiques ", augmenté le tarif des consultations des médecins généralistes (le passage à 20 € !) en 2002 et celui des consultations des spécialistes en 2003.

Il a, ensuite, transformé l’idée de médecin référent, devant éviter la redondance des examens et des consultations, en celle de médecin traitant dont l’objectif principal est de permettre d’augmenter le tarif des consultations des spécialistes. Et cela même si cela ne fait qu’accentuer la " médecine à deux vitesses " qui existe déjà dans notre pays en permettant la création de deux files d’attente chez le médecin spécialiste : celles de ceux qui seront passés par leur médecin traitant et celle de ceux qui sont prêts à payer plus sans passer par ce médecin traitant...

La bombe à retardement est donc en place. Elle attend pour exploser que le rapport de forces politique et social donne le champ libre à la droite. Après les trois raclées électorales subies par cette dernière et la proximité de la présidentielle, l’actuel directeur général de l’UNCAM (ancien directeur de cabinet de Douste-Blazy) fait profil bas. Il attend, à l’évidence, une victoire de la droite en 2007 pour accélérer la diminution du " périmètre des soins " remboursé par l’assurance maladie et faire la part encore plus belle aux assurances complémentaires.

Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ne s’inquiète pas pour autant. Pour lui, les décisions prises depuis plus d’un an " ne se traduise pas par un déport caractérisé des régimes de base vers les couvertures complémentaires ". Rien à voir donc avec une quelconque machine infernale dirigée contre l’assurance maladie. Pour s’en convaincre, il suffit d’ailleurs de tendre l’oreille et de constater que la seule chose que l’on puisse entendre est un rassurant " tic-tac ".

Le projet des socialistes doit donc se donner comme priorité de désamorcer la machine infernale mise en place par la droite contre notre système d’assurance-maladie ce qui signifie l’abrogation de la loi Douste-Blazy. C’est le préalable indispensable à la mise en place d’un projet d’assurance maladie solidaire sur lequel nous reviendrons dans le prochain numéro de notre revue.

La loi 22 août 2003 votée malgré la mobilisation de millions de salariés du secteur public mais aussi (dans une moindre mesure) du secteur privé modifiait profondément notre système de retraite par répartition comblait les voeux du Medef : les cotisations sociales n’augmentaient pas ; le montant moyen des retraites versées était appelé à diminuer dans d’importantes proportions au cours des 30 prochaines années ; un nouveau champ de mise en valeur était ouvert aux assurances privées et à leurs fonds de pension « à la française ».


Une loi en trompe-l’oeil


François Fillon insistait sur trois aspects de cette loi dont il était le promoteur. Mais ces trois aspects n’étaient que des leurres destinés, avec la bienveillance de la direction de la CFDT, à diminuer l’importance des régressions mises en oeuvre.

Les possibilités de départ avant 60 ans, pour ceux et celles qui avaient commencé à travailler à 15, 16 et 17 ans décevaient rapidement des centaines de milliers de candidats au départ : il fallait, en effet, distinguer les années réellement cotisées et celles qui avaient simplement été validées (chômage, service militaire au-delà de 12 mois...). Aucun financement spécifique n’était prévu et s’effectuait donc aux dépens des autres retraités. Enfin, le dispositif concernait quelques centaines de milliers de salariés alors que l’allongement de la durée de cotisation et la baisse des retraites toucheraient des millions de retraités dans les 30 années à venir.

L’annonce qu’en 2008 aucune retraite nette d’un salarié ayant une retraite compète au Smic ne serait inférieure à 85 % du Smic ne correspondait dans la loi Fillon qu’à un simple « objectif » fixé à « la Nation ».

La possibilité de racheter des cotisations correspondant à 3 années d’études s’avérait (une fois le décret d’application publié) extrêmement onéreuse et beaucoup moins intéressante (pour ceux qui en aurait eu les moyens) qu’un placement dans l’immobilier. Ce qui était bien le but recherché.


Un allongement de la durée de cotisation


Les fonctionnaires voyaient augmenter de deux trimestres par an, la durée de leurs cotisations pour obtenir une retraite à taux plein.

A partir de 2009, les durées de cotisation du privé et du public seraient identiques et se mettraient à augmenter au même rythme (1 trimestre pas an) : 41 annuités en 2012, 42 en 2016 et 43 en 2020. Dans le meilleur des cas, car l’article 5 de la loi du 22 août 2003 permet d’augmenter la durée de cotisation en fonction de « l’évolution de la situation financière des régimes de retraites ». Les 45 années de cotisation préconisées par le Medef pourraient donc fort bien, en fonction des rapports de forces politiques et sociaux, se trouver au rendez-vous dès 2020.


Une baisse considérable du montant des pensions


C’est une évidence dans le secteur privé. La durée moyenne de travail d’un salarié y est, en effet, de 37 années ! Aujourd’hui, avec 40 annuités de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, les 2/3 des salariés ne sont déjà plus au travail lorsqu’ils prennent leur retraite. Ils sont soit au chômage, soit en préretraite, soit en invalidité. Imaginons ce qui arrivera lorsque la durée de cotisation sera de 43 ou 45 ans... La conséquence de la loi Fillon sera une baisse supplémentaire du montant des retraites, les salariés ayant de plus en plus de difficultés à cotiser le nombre de trimestres nécessaire à une retraite à taux plein. Déjà la réforme de Balladur de 1993 (passage de 37,5 à 40 annuités de cotisations, calcul de la retraite sur la base des 25et non plus des 10 meilleures années de salaire, indexation sur les prix et non sur les salaire et les réformes des régimes complémentaires (Arrco et Agirc) de 1995 et 1996 devraient se traduire, selon le Conseil d’Orientation des Retraites (le Cor), par une baisse de 20 points du taux de remplacement du salaire net par la retraite nette entre 2000 et 20030 : de 78 % à 58 %.

La réforme Fillon et la réforme des régimes complémentaires de décembre provoqueraient une baisse supplémentaire, proche de 20 % en moyenne, du montant des retraites. En 2030, plus de la moitié des retraités seraient, alors, sous le seuil de pauvreté (585 euros par mois en 2004). Voilà comment la droite prétend avoir sauvé les retraites !


Abroger les réformes Balladur et Fillon


La durée moyenne de travail d’un salarié du secteur privé est de 37 années. A moins de vouloir baisser le montant des retraites (ce que la droite comme le Medef affirment refuser), cela n’a donc aucun sens d’augmenter la durée de cotisation au-delà de ces 37 années.

Il est donc nécessaire de revenir aux 37,5 années de cotisations dans le secteur privé, mais aussi dans le secteur public dont les salariés n’ont aucune raison de se voir désavantager par rapport à ceux du secteur privé. Il est tout aussi nécessaire de calculer, dans le privé, la retraite sur les 10 meilleures années de salaire et de l’indexer sur les salaires si nous ne voulons pas que les retraites subissent une paupérisation relative par rapport aux salariés en activité.

Cela signifie qu’il est nécessaire d’abroger la réforme de 2003 comme le Parti Socialiste s’y était engagé au Congrès de Dijon alors que la mobilisation contre cette réforme battait son plein.

Cela signifie que la loi Balladur de 1993 doit également être abrogée et que des mesures législatives doivent être prises pour compenser les pertes subies par les salariés du fait de la réforme des régimes complémentaires de 1995, 1996 et 2003, si patronat et syndicats n’arrive pas à un accord permettant cette compensation.

Une telle perspective est parfaitement réaliste. Le Cor avait chiffré le retour aux 37,5 annuités dans le privé à 0,3 points de PIB en 2040. Il avait également chiffré l’augmentation des cotisations nécessaire au maintien d’un retraite nette égale à 78 % du salaire net : 15 points en 40 ans, soit 0,4 points par an. Qui peut prétendre qu’une augmentation annuelle de 0,25 points des cotisations patronales et de 0,15 point des cotisations salariales pour préserver la retraite à taux plein à 60 ans n’est pas préférable (sauf pour le Medef...) aux réformes des années 1990 et de 2003 ?

Une modulation des cotisations patronales ou leur basculement vers une assiette valeur ajoutée (celle-ci incluant les profits) sont deux autres pistes en présence dans le débat social mais dans tous les cas, il s’agit de consolider notre système de retraite par répartition en modifiant le partage des richesses aux dépens du capital.

Jean-Jacques Chavigné, membre du PS, D&S / AS, pour Démocratie et Socialisme www.democratie-socialisme.org


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 Dessin : Christian Pigeon www.sudptt.fr



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Viktor Dedaj

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