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Sacro Gra, pauvre Graal.

Le Gra (Grande Raccordo Anulare), périphérique de Rome, était déjà un héros de cinéma : Fellini, dans Roma, y faisait défiler, dans une ambiance carnavalesque de chants et décorations de Noël, un assemblage baroque de véhicules, dont le camion de son équipe de tournage ; Comencini, dans Le Grand Embouteillage, en faisait la métaphore des problèmes de Rome et la société de consommation. On attendait donc beaucoup de Sacro Gra, Lion d’or au dernier festival de Venise, d’autant plus qu’en une période de crise des grands récits, y compris au cinéma, on s’était habitués à considérer le genre documentaire comme le dernier réduit d’un cinéma d’auteur libre et citoyen. Il avait d’ailleurs gagné ses lettres de noblesse dans les festivals avec, notamment, Fahrenheit 9/11 de Michael Moore et Le Cauchemar de Darwin d’Hubert Sauper en 2004.

Mais comment croire que ce genre ne serait pas, lui aussi, récupéré ? L’an dernier, le documentaire sur les héroïques négociations des Conti, de Jérôme Palteau, employait des ficelles dignes du cinéma stalinien pour faire d’Edouard Martin, le délégué de la CFDT, une star, plate-forme pour son engagement actuel sur une liste PS (recalée) à Florange ; autre exemple, les SDF (sujet du documentaire Au bord du monde) semblent devenir une source d’inspiration et de belles images artistes pour cinéastes en panne d’idées.

Sacro Gra, à son tour, utilise le prestige du documentaire, et d’une grande ville de culture, pour une production complaisante et soporifique, rappelant le Museum’s Hours de Jem Cohen, qui se présentait comme une introduction à Vienne, autour d’un personnage de gardien de musée. Serait-ce une nouvelle tendance du cinéma américain dit indépendant ? Car l’auteur de Sacro Gra, Gianfranco Rosi, malgré un nom qui rappelle les heures de gloire du cinéma italien, est un Italo-américain expatrié à New York, où il a fait ses études de cinéma, depuis 1985.

Un critique, rendant compte du film, nous invite à "faire notre travail de spectateur" : mais si les grands films demandent, de la part du spectateur, attention, sensibilité et réflexion, son travail n’est pas de remplir de sens et d’intention un film qui en est dépourvu. Sacro Gra n’est qu’un patchwork de séquences qui se veulent originales, mais n’apportent aucune émotion et ne permettent aucune approche de l’humanité qui grouille sur et aux abords de l’autoroute. On connaissait le porno chic, on découvre ici le docu chic.

On a la séquence écolo, avec le protecteur de palmiers ; la séquence glamour, avec l’aristocrate romain qui loue sa villa pour le tournage de romans-photos ; la séquence "évolution des moeurs", avec deux filles qui dansent, à moitié nues, sur le comptoir d’un bar d’autoroute ; la séquence "petits métiers authentiques" avec le pêcheur d’anguilles du Tibre (qui compare sa mère ravaudant ses filets, à Pénélope !) ; la séquence "la prostitution est un métier comme un autre", avec une prostituée aux allures de transsexuel, qui se plaint d’être embêtée par la police, et fait l’éloge de la mozzarella...

Une séquence "pauvre Yorick" (culture anglo-saxonne oblige) montre un transfert de cercueils, d’un columbarium à la fosse commune d’un cimetière de bord d’autoroute, pour aboutir seulement à l’image artiste des croix de bois sous la neige. Dans le documentaire Sombras, une image sublime montrait un ossuaire dont les croix, tandis que la caméra se rapprochait, se révélaient être des pieds de vigne, pour la culture desquels les clandestins africains viennent se noyer, en un véritable génocide muet, dans la Méditerranée. Ici, l’image, vide de sens, tombe à plat.

Ainsi le film distille-t-il un ennui de plus en plus pesant ; et, lorsqu’il nous réveille, c’est pour des raisons assez louches, voire inquiétantes. Ainsi, le pêcheur d’anguilles revient à l’écran pour faire l’éloge des produits italiens, fruits du soleil, de l’air, de l’eau de notre belle Italie (signe du malaise de l’expatrié, qui se veut plus nationaliste que les nationaux ?). Mais on repense au documentaire Biutiful Cauntri, de 2008, qui montrait comment les décharges de produits toxiques, gérées par la camorra, empoisonnaient les bêtes qui broutaient l’herbe du secteur, leur lait, et le fromage qu’il sert à fabriquer. Et la séquence se termine par le cri du coeur de la femme du pêcheur, immigrée blonde : "Et qu’elle est belle, l’Ukraine !", qui sonne, dans notre contexte, comme un cri de guerre invitant à défendre notre nouvelle conquête !

Cette séquence fait du reste un curieux écho à celle où l’aristocrate romain revêt la grande cape blanche de l’ordre de Saint Casimir pour se rendre à une cérémonie où un dignitaire lithuanien l’invite à venir visiter son pays (autre marche de la Russie).

Mais le plus inquiétant est le personnage du défenseur des palmiers qui, loin d’être un doux écolo, se révèle être un émule de l’officier de Docteur Folamour, obsédé par l’idée que les Russes empoisonnent l’eau des Américains pour détruire leur puissance génésiaque. Lui aussi est un obsédé, guidé non pas par l’amour de la nature, mais par la haine des insectes-terroristes qui colonisent les palmiers ; ce qu’il investit là, ce sont les typiques fantasmes puritains de sexe et de meurtre : il décrit les repas des insectes parasites comme des orgies (dont il écoute les bruits, maniaquement amplifiés, avec une délectation malsaine), et passe son temps à élaborer des procédés sadiques de vengeance et extermination des insectes.

Aucune curiosité ni sympathie humaine donc dans ce film, aucun intérêt pour les coulisses de Rome que certains critiques annonçaient, faisant de ce film l’envers de La Grande Bellezza, aucune information sur les infra-structures et le fonctionnement de la métropole. Faut-il penser qu’on a mis des capitaux dans cette entreprise insipide seulement pour la réplique sur "notre" Ukraine et la présentation de cette cape teutonique, digne de devenir l’uniforme d’apparat des putschistes de Kiev ?

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