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RSF, la CIA et l’omerta : Lettre ouverte au rédacteur en chef de Télérama.


Cher monsieur Jean-Claude Loiseau,

Au mois d’octobre 2004, nous avons échangé quelques mails à propos d’un article de quatre pages sur Cuba dans Télérama. L’auteur (Christian Sorg) avait vu des policiers partout à La Havane, il déplorait les crispations politiques sans trop s’appesantir sur la situation de guerre larvée entretenue par le puissant voisin qui se dit autorisé à envahir l’île sans préavis pour la « libérer » [1] . Il nous laissait croire que Fidel Castro se fait appeler « lider maximo » et il ironisait sur les pénuries alimentaires sans jamais écrire le mot « blocus ».

Télérama m’ayant habitué à plus d’objectivité, je vous avais trouvé une excuse : votre collaboration affichée avec Reporters Sans Frontières dont je jugeais les partis pris plus que douteux. Je précisais que « les Cubains affirment disposer des preuves de ses liens avec la CIA. »

Ce à quoi vous répondiez : « Si les Cubains "affirment", soit [...]. "Agent de la CIA", ça nous renvoie à un vocabulaire qui fleure bon son stalinisme pur jus. »

Laissons donc l’opinion des Cubains et la mienne : nos dires sont suspects. Comme le furent, jadis et naguère, ceux des minorités non homologuées qui croyaient que la terre était ronde, que les maladies venaient d’invisibles microbes, sans parler des gogos qui disaient Dreyfus innocents ou des méfiants qui ont soupçonné le nuage de Tchernobyl d’avoir cyniquement violé nos frontières ou encore des alarmistes incompétents qui, à Toulouse (d’où j’écris) prédisaient depuis des décennies qu’AZF « allait péter » (Voir mes commentaires sur ce drame dans Télérama N° 2714, page 24).

Or, pour en revenir à RSF et à son secret de polichinelle, des informations nous proviennent des USA, assez étayées pour que Robert Ménard soit contraint de lâcher un gros morceau de vérité compromettante. Pour son aveu, je me réfère à une source non suspecte, laquelle n’est pas un lecteur stalinien, ni un Cubain de la même chapelle, mais un compte-rendu d’un forum Internet organisé par un journal démocrate et français : le Nouvel Observateur : (www.nouvelobs.com/forum/archives/forum_284.html) dans lequel Ménard confesse ce qu’il niait quelques mois auparavant au même endroit : (www.nouvelobs.com/forum/archives/forum_152.html).

Au cas où vous manqueriez de temps, voici, sur ce point précis, la retranscription du dialogue de Ménard avec des lecteurs Internautes :


1) Premier forum, octobre 2004 :

«  Internaute : J’aimerais savoir si c’est à cause du financement de RSF par le gouvernement américain que monsieur Ménard a, en avril 2002, félicité les auteurs du coup d’état dictatorial au Venezuela soutenu par la CIA...

Ménard : Je pense que vous auriez intérêt à lire les prises de position de Reporters Sans Frontières avant de nous infliger autant de bêtises.

On trouvera une esquive du même tonneau dans le livre « Dissidents ou mercenaires » (éditions EPO, 1998) où deux journalistes, la Belge Katlijn Declercq et le Colombien Hernando Calvo Ospina ont interrogé Robert Ménard sur les ONG financées par les Etats-Unis. Dénégation indignée de Ménard : « RSF veut être clair là -dessus : notre argent est totalement propre ! [...] C’est important que cela soit clair ! » [2]


2) Deuxième forum, avril 2005 :

Internaute : Dans un article daté du 11 mars 2005, Diana Barahona dans Northern California Media, prétend que RSF perçoit des fonds gouvernementaux américains via la NED, pouvez-vous confirmer ses propos ?

Ménard : Absolument, nous recevons de l’argent de la NED. Et cela ne nous pose aucun problème. »

Mais cela devrait ! En effet, l’action de la NED, National Endowment for Democracy (Fondation Nationale pour la Démocratie) est supervisée par un officier d’Opérations Spéciales de la CIA. Un ancien agent de la CIA, spécialisé dans l’Amérique latine, Philip Agee, a révélé dans une interview au journaliste Jonah Gindin en mars 2005 [3]

Pourquoi n’ont-ils jamais cherché à vérifier ?

Vont-ils continuer à regarder ailleurs pour que perdure l’hexagonale omerta ? En fait, j’ai posé cette dernière question pour me donner l’occasion d’y répondre : oui.

Voulez-vous faire un pari là -dessus ?

Bien à vous.

Maxime Vivas, écrivain démocrate et abonné à Télérama.


Réponse aux mensonges de Reporters sans frontières, par Salim Lamrani.


Quand Reporters Sans Frontières couvre la CIA, par Thierry Meyssan.

Les USA financent Reporters Sans Frontières, par Diana Barahona.

Edifiant ! : Déclaration du Secrétaire d’Etat adjoint US Robert Noriega à propos de Cuba.


[1Connu sous le nom de « Plan Powell », le programme d’administration de l’île sous protectorat états-unien compte 450 pages. Ce n’est pas un document secret, lire la traduction ICI ou Commission for Assistance to a Free Cuba. : www.state.gov/p/wha/rt/cuba/commission/2004/.

[2Retranscription de l’interview consultable à l’adresse http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/rsf.html.

[3Voir http://www.venezuelanalysis.com/articles.php?artno=1403(ou, en français : http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/npa_agee_venezuela.html)] que la NED est une des nombreuses organisations écrans dont la CIA se sert pour intervenir dans les affaires intérieures des pays : « Le Congrès donne des millions de dollars à la NED qui passe ensuite l’argent à ce qu’ils nomment les fondations noyaux. » (relais de la NED). Au Nicaragua, pour intervenir sur les élections qui virent la défaite des sandinistes, « la CIA et la NED ont mis en place un front civique appelé Via Civica ».


Répondant à Diana Barahona, journaliste de Long Beach, spécialiste de l’Amérique latine, une représentante de la NED a été précise : un versement de 39 900 dollars a été fait à RSF, le 14 janvier de cette année.

La journaliste se livre à une enquête qu’elle dit « d’intérêt public puisque plusieurs médias se réfèrent à RSF comme source ». Elle ajoute que « tout financement gouvernemental devrait être divulgué, de telle sorte que des journalistes n’aillent pas utiliser sans connaissances adéquates des sources qui ne sont pas objectives » et elle déplore que « plusieurs médias de la presse écrite et électronique utilisent RSF comme source sans rien connaître ou sans rien dire au public du conflit d’intérêt (ou se place) RSF en recevant des subsides gouvernementaux. »

Par ailleurs, le journaliste canadien Marc Thibodeau, traite du même sujet dans un article (au titre peu ambigu : « Questions troublantes pour Reporters sans frontières ») publié le 30 avril dans le quotidien La Presse, de Montréal : « Lors d’un entretien avec La Presse, M. Ménard a indiqué que les sommes reçues de la NED et de USAID (US Agency for International Development, autre nébuleuse de la CIA. Note de MV.) pour l’année à venir représentaient moins de 2 % du budget de RSF, qui totalise plus de 5 millions de dollars. »

«  Ce serait stupide de refuser cette somme », a-t-il affirmé. »

Monsieur Loiseau, verrez-vous dans ces informations les prémices d’un « procès de Moscou » ou motif à vous interroger ?


Autre chose : si vous allez sur le site du Nouvel Observateur (deuxième forum), vous aurez le désagrément d’y lire Ménard quand il confesse avoir « énormément d’estime » pour François d’Orcival que je n’ai pas entendu regretter son passé d’activiste violent de l’extrême droite, ses implications dans une faction qui souhait renverser la République en posant des bombes à l’Assemblée Nationale avant de fonder le mouvement nationaliste-européen GRECE.

Ménard, CIA, extrême droite : qui se ressemble...


Croyez bien que je sais Télérama d’un autre bord. C’est pourquoi je m’alarme quand je le vois flanqué d’une officine qui barbotte dans ces marigots.

Mais il reste un mystère : RSF est une association française. Les esprits curieux en savaient ou en soupçonnaient la nature (compte tenu d’un faisceau dense et concordant d’indices faciles à recueillir sans lourde investigation). Il aura fallu que le pot aux roses soit dévoilé outre-Atlantique pour que Ménard passe aux aveux (partiels). Qu’est-ce qui rend nos médias muets, sourds et aveugles devant une réalité qu’ils ont sous le nez et sur laquelle nous avons été nombreux, depuis des années, à les alerter ? [[Voir, chez Lanctôt éditeur, 2004 : « Le dossier Robert Ménard. Pourquoi Reporters Sans Frontières s’acharne sur Cuba » de Jean-Guy Allard et Marie-Dominique Bertuccioli. En vente chez Voltaire.


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