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Robe noire pour la mariée, chemise brune pour le Maire

Tout commence comme dans les romans d’amour : Hamid et Malika se sont connus enfants, ils s’aiment et veulent se marier. Malika vit en France depuis douze ans et Hamid est informaticien au Maroc. Ils déposent une demande en mariage à la mairie de Valence le 2 Août dernier. Hamid a un visa touristique pour le mois d’Août, tout est en règle.

Seulement Monsieur le Maire a « un doute » ; tout comme son confrère Pupponi, maire de Sarcelles (Val d’Oise) en juillet dernier, il « suspecte un mariage blanc ». Alors Patrick Labaune, maire UMP de Valence transmet la demande au Procureur. Pas d’opposition du parquet, tout est en règle, rien n’empêche le mariage que le maire a l’obligation de célébrer. On retient la date du 14 septembre. Sauf que ces démarches administratives prennent un peu de temps : le visa de Hamid est expiré depuis quatre jours.

Le couple se présente en mairie, mais le Maire décide à la dernière minute de ne pas procéder au mariage. « Comme je suis un grand nerveux, confiait-il vendredi au journal « Libération », j’ai eu un serrement de poitrine. Je n’ai pas eu le temps de les prévenir, c’est ma seule erreur. »

Quelques tentatives d’entourloupes plus tard, on fixe à nouveau la date du mariage au samedi suivant (21 septembre). En effet, le préfet, conciliant, vient d’accorder un délai à Hamid, lui permettant de se marier avant de quitter le territoire. Le maire n’a plus aucun prétexte pour refuser, il peut -et il doit- procéder au mariage sans état d’âme.

Alors, il démissionne, ainsi que tous les adjoints (démission, bien sûr, refusée par le préfet). Coup de fil à Sarkozy, ministre de l’intérieur. Aussitôt, le préfet revient sur sa décision de repousser l’expulsion de Hamid et samedi 21, une centaine de policiers, dont une demi-compagnie de CRS, sont mobilisés pour interpeller le futur marié à son arrivée à l’hôtel de ville et empêchent l’accès à celui-ci. Le maire fait savoir, désolé, que « c’est une décision de l’Intérieur et du préfet, sur lesquels monsieur Labaune n’a aucune influence ». A inclure à l’anthologie du cynisme et de la mauvaise foi.

La mariée était en noir...

Malika, toute de noir vêtue et accompagnée de 200 personnes se rend quand même sur la place de la mairie à l’heure dite. Le fiancé tarde à venir, alors on décide d’aller le chercher dans un restaurant situé non loin de là . Quelques instants plus tard, elle ressort au bras d’un jeune homme. Tous deux portent un masque vénitien. Les policiers se précipitent pour se saisir du fiancé. Ce n’est pas lui. Juste un ami ayant accepté de servir d’appât, histoire de voir quelle serait la réaction de notre glorieuse Police Républicaine. Essai concluant : plusieurs blessés dont un journaliste, et comme d’habitude le matériel des photographes a été endommagé. Doit-on préciser que les policiers en civil avaient oublié de porter leur brassard ?

... et Monsieur le maire en brun.

Un peu plus tard, on retrouve Patrick Labaune et ses adjoints devant la mairie. Ils entonnent « la Marseillaise ». Sans doute ont-ils cru comprendre que l’hymne de la République était un chant de guerre contre « les-étrangers-pas-de-chez-nous ». Le maire de Valence s’explique : "On demande aux Français de payer leurs PV, ils ne pourraient pas admettre qu’un Marocain en situation irrégulière puisse se marier : tout le monde doit respecter la loi", répète-t-il selon « Le monde » du 24 septembre. Tout le monde, sauf lui : il se devait de respecter la loi qui lui faisait obligation de célébrer ce mariage une semaine plus tôt. Malika a porté plainte d’ailleurs, et M. le Maire s’est retrouvé vendredi 27 devant la chambre des référés du tribunal correctionnel de Valence. Le référé a été mis en délibéré le 8 novembre.

Mais notre édile, vaillant défenseur du respect de la loi, n’est pas à un délit près : en octobre 1994, lors de l’inauguration de la mosquée de Valence, Labaune avait fait distribuer un tract anonyme dénonçant les sympathies supposées du maire socialiste, Rodolphe Pesce, pour le FIS. Il fut condamné pour diffamation. Mais cela lui valut un satisfecit de la part l’électorat FN. En effet, six mois après, Labaune battait Pesce et s’installait à la mairie. « Avec ma politique, je n’incite pas l’électorat FN à voter Front national », plaidait le maire selon « Le Nouvel observateur » du 28 octobre 1999. Comment mieux avouer qu’il utilisait des ficelles très droitières pour séduire l’électorat d’extrême-droite ! N’oublions tout de même pas qu’il était deuxième sur la liste Millon dans la Drôme aux élections régionales de 98, vous savez bien, celles qui avaient fait tant de bruit à l’époque et qui avaient valu à Millon un quasi bannissement bien vite oublié puisqu’on le retrouve au premier rang des meetings électoraux de Chirac en 2002.

Il n’empêche que Patrick Labaune avait été bien piégé à cette époque par un journaliste de « Lyon Mag’ » !

Extrait du n° 69 d’avril 98 de ce journal :

« 16 h. Nouvelle cible : Patrick Labaune, le maire RPR de Valence, deuxième sur la liste Millon dans la Drôme. Léger barrage au standard de la mairie. Mais il suffit d’annoncer "Denis Ray, collaborateur de Bruno Gollnisch" (N°2 du Front National, NDLR) pour entrer directement en contact avec cet élu.

Labaune, chaleureux et très sûr de lui : "Demandez à Rosset, mon conseiller municipal FN à Valence, il sait très bien que je n’ai jamais refusé les voix du Front National..." Et il ajoute : "Ca reste confidentiel ? Eh bien, vous pouvez dire à Bruno Gollnisch qu’il y a eu mardi soir une réunion du groupe RPR.. Dites-lui que si des gens du Front National votent Millon, on a aucun état d’âme, aucun ! " Et sur un ton amical : "Je vais être franc. Malheureusement pour vous, dans la Drôme, j’arrive à contenir le Front National parce que j’ai une position de RPR dur. Ca ne vous arrange pas. Mais ça veut dire que quand on a un langage sécuritaire, ça paye, c’est clair". Et il précise spontanément que Bruno Gollnisch peut l’appeler quand il veut.
Interrogé sur ce sujet, M.Séguin, président du RPR, y voit la nécessité de poursuivre la rénovation de son mouvement. (fin de citation) »

En outre, « L’Humanité » du 17 mars 98 révèlait déjà  :

« Je suis toujours persuadé de la nécessité d’un grand parti de la droite autour du président de la République. La majorité des électeurs de l’UDF et du RPR est convaincue que l’union de l’opposition dans un grand parti, comme aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Angleterre, est la meilleure chose », a expliqué Patrick Labaune, élu conseiller régional dimanche. « En outre, puisque la moitié des électeurs du Front national est favorable à la création d’une telle formation, cela nous permettrait de récupérer les voix du FN », a ajouté le maire de Valence. (fin de citation) »

Autrement dit : pour battre l’extrême-droite, appliquons sa politique.

Et ça marche : en 1995, Labaune fut battu de justesse (43.23%) par le candidat PS et le FN avait obtenu 12.44% des voix. En 2002, il était élu au premier tour avec 58.88% des voix ; le FN et le MNR réunis faisaient un petit 6.33%.

On comprend mieux son acharnement à empêcher le mariage de nos deux tourtereaux. Ce Monsieur fait sans doute partie de ces politiciens qui adaptent leur discours à l’électorat potentiel. Mégret l’avait fait en son temps en quittant la droite « traditionnelle » au sein de laquelle il était dernier d’une longue file d’attente, pour rejoindre le Front National, où il se retrouvait numéro deux. Election garantie. En attendant, Malika et Hamid sont bien embêtés. Mais ils ne comptent pas, ils ne sont pas électeurs. Quel poids ont leur amour, leur bonheur, leur vie privée, face aux intérêts électoraux d’un politicien raciste et délinquant récidiviste ? Il est quand même grand temps que le droit de vote soit accordé aux étrangers ! Il y a fort à parier que Monsieur Labaune marierait les Marocains avec bonheur et apprécierait le son des youyous...

Mais M. le député-maire n’a pas bien compris que ce que rejetaient les centaines de milliers de manifestants du Premier mai et les électeurs au second tour de la présidentielle de 2002, c’était autant le leader du parti raciste-fasciste que ses idées.

Détail : Le député Patrick Labaune occupe d’un banc situé tout à fait à l’extrême-droite dans l’hémicycle. Son siège porte le N° 13. Espérons que cela ne lui portera pas bonheur.

L’opposition municipale de Valence a attendu une semaine pour condamner l’attitude de Patrick Labaune.

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