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Reporters Sans Frontières et Cuba : l’éthique jetée aux oubliettes.

La première phase du sommet mondial sur la société de l’ nformation, organisée à Genève du 10 au 12 décembre 2003, sous l’auspice de l’Union Internationale des Télécommunications des Nations unies, avait pour but de construire les bases pour une information éthique. Naturellement, l’organisation Reporters Sans Frontières (RSF) a été déclarée persona non grata, car il a été considéré que la structure, dont M. Ménard est le secrétaire général depuis dix-neuf ans, ne défendait pas les principes de la Charte constitutionnelle de l’ONU. En effet, RSF est évincée, depuis le 24 juillet 2003 et pour une période d’un an, du Comité des Organisations Non Gouvernementales, chargé de superviser le travail des ONG qui jouissent de relations consultatives dans le domaine économique et social des Nations unies. Cette exclusion fait suite aux agissements provocateurs de RSF lors d’une réunion de la Commission des Droits de l’Homme en mai 2003. (1)

Cependant, le 9 décembre 2003, l’organisation, toujours réticente à accepter les décisions qui contrarient son agenda politique, a illégalement lancé une « radio pirate » émettant sur la région genevoise, en flagrante violation des règles internationales de télécommunications. Les coûts financiers d’une telle entreprise ne semblent pas causer de soucis à RSF qui dispose de larges moyens économiques pour promouvoir ses actions. Mais, la radio clandestine n’a point fait long feu. En effet, le lendemain, les autorités françaises ont mis un terme à l’opération. (2)

Au pays de la manipulation médiatique, l’organisation Reporters Sans Frontières fait office d’impératrice, et son acrimonie envers Cuba est aussi aiguisée que son manque d’impartialité. La revue De Cuba, créée, financée et contrôlée par la Section des Intérêts Nord-américains (SINA) à La Havane, afin de répandre des données fictives sur la réalité cubaine, est qualifiée de « première revue indépendante privée publiée sur le sol cubain » par RSF. L’influence prédominante des idées réactionnaires de l’extrême droite cubaine de Floride sur cette publication semble avoir échappé à la sagacité de l’entité parisienne, qui n’hésite aucunement à qualifier le magazine de « presse libre ». Alors qu’elle admet que « quelques 500 exemplaires furent réalisés à la Section des intérêts américains », la validité intrinsèque de la revue, en termes d’objectivité et d’indépendance, n’est nullement remise en question. Une curieuse « presse libre » en somme. (3)

Dans le premier numéro de De Cuba, de pauvre qualité journalistique, truffé de contrevérités et de clichés, où la rhétorique utilisée est étonnamment analogue à celle de Cubanet (organe de presse contrôlé par les extrémistes cubains de Floride), la rédaction admet explicitement qu’elle collabore avec Radio Martà­. Cet émetteur étasunien, qui viole la législation internationale, fomente quotidiennement la subversion interne à Cuba par ses programmes agressifs et illégaux, dont le contenu a fait l’objet d’un rapport accablant de la part de Voice Of America. (4) Suivant la ligne officielle de l’administration de Washington, un « journaliste indépendant » de ladite publication n’hésite pas à qualifier les cinq prisonniers politiques cubains, injustement condamnés aux Etats-Unis, d’« espions », alors que les témoignages d’éminentes personnalités des services secrets du Pentagone ont démontré le contraire. - Lire sur les cinq prisonniers cubains ( NDLR ) - En bref, les directives prises auprès de la SINA remplacent l’objectivité requise à tout organe de presse, et cela n’a point pu échapper à la perspicacité de RSF, qui, cependant, préfère celer ce paramètre. (5)

La seconde parution de De Cuba n’hésite aucunement à parler de « totalitarisme cubain », tout en glorifiant les opportunités présentes aux Etats-Unis. Une « journaliste indépendante » évoque l’histoire d’un jeune cubain délinquant, David, qui a réussi à échapper au « cauchemar » de l’Ile pour se rendre au Nord où, grâce aux aubaines qui se sont offertes à lui, il est devenu un excellent élément universitaire, faisant la morale « aux étrangers qui arborent de manière stupide l’image du Che sur leurs tee-shirts ». La personne en question aurait été-t-elle contactée par la « journaliste » depuis Cuba ? Comment cela est-il possible si les « militants des droits de l’Homme » sont constamment harcelés par les autorités cubaines, selon la propagande de RSF ? Donc de deux choses l’une : Soit l’histoire est complètement fictive, soit les locaux de la SINA ont servi de salle de rédaction, et dans ce cas, la « journaliste » confirme les soupçons qui pesaient sur ses acolytes. En tout cas, la thématique et la rhétorique sont étrangement similaires à celles utilisées par les services de presse de la Fondation Nationale Cubano Américaine. Mais est-ce une surprise alors qu’il est de notoriété publique que ces « journalistes indépendants » entretiennent d’étroites relations avec cette organisation terroriste ? (6)

La première publication de Luz Cubana produit, entre autres, un article de Raúl Rivero, directeur de « l’Agence Indépendante Cuba Press » qui fut lourdement condamné en avril 2003, sorti du journal d’extrême droite de Miami El Nuevo Herald, lui-même contrôlé par les exilés cubains. Dans ledit écrit, de hauts fonctionnaires sont accusés, sans être nommés, de trafic de drogue ainsi que des célébrités sportives et culturelles. Le journaliste impute également aux autorités cubaines, qui avaient lancé une vaste opération contre la vente de produits stupéfiants, de porter atteinte, par ce biais, aux libertés individuelles. Bref, le contenu devient presque normatif tellement il est marqué par la récurrence des propos. (7)

Ces trois revues sont entièrement disponibles sur le site de RSF. La teneur thématique, en plus d’être substantiellement tendancieuse et de caractère accusatoire univoque, est à sens unique. Un ton de diatribe, une jonchée de libelles et de factums, l’absence totale de sources et l’inexistence absolue de nuance, caractérisent cette « presse indépendante ».

Suite à la mémorable « soirée de solidarité avec le peuple cubain Cuba Sà­, Castro No » du 29 septembre 2003, organisée par RSF dans la capitale française, et qui donna lieu à la plus vaste tromperie médiatique orchestrée par M. Ménard, un comité de « soutien au poète et journaliste cubain Raúl Rivero » fut créé. - Lire à ce sujet (NDLR) - La portée propagandiste de cet acte ne fait nul doute et il est intéressant de dresser un parallèle historique à cela. En effet, la transformation de criminels en « dissidents » ne date pas d’aujourd’hui. L’histoire de Armando Valladares, le « poète paralytique condamné pour délit d’opinion », selon la propagande de Washington, est riche d’enseignements.

Arrêté en 1960 pour terrorisme, cet ancien officier de police de la tyrannie de Batista reçut le soutien d’une grande campagne internationale lancée par l’extrême droite cubaine de Floride au début des années 80. Après des tractations effectuées par le gouvernement français de François Mitterrand, sous l’égide de Régis Debray, le prisonnier fut libéré et perdit, par la même occasion, ses talents de poètes et son hémiplégie. Par contre, il conserva soigneusement ses aptitudes de comédien et, ayant obtenu la nationalité étasunienne, il s’engagea auprès du gouvernement de Ronald Reagan, devenant ambassadeur auprès des Nations unies. Dépité, Régis Debray avait écrit dans son livre Les Masques : « L’homme n’était pas poète, le poète n’était pas paralytique, et le Cubain est aujourd’hui américain ». (8)

L’histoire de M. Raúl Rivero pourrait être semblable. Sa culpabilité, parfaitement prouvée et documentée par la justice cubaine, est soigneusement occultée par l’organisation « de défense de la liberté de la presse », qui se refuse à dévoiler les conditions du procès télévisé et public. Elle préfère le qualifier de « stalinien », ce qui, en réalité, n’est qu’une basse dérobade servant à masquer une déficience argumentative, une soigneuse manipulation des faits, et un dévouement sans failles à la politique étasunienne de déstabilisation de la société cubaine. (9)

Il reste à savoir si RSF utilisera le subterfuge avec lequel la droite radicale cubaine de Floride a dupé l’ensemble de la communauté internationale il y a vingt ans. Apparemment, M. Ménard, janissaire d’une conception doctrinale de la liberté de la presse, a déjà entrepris une tâche similaire : en effet, l’organisation publie régulièrement des brèves signalant une grève de la faim des « prisonniers de conscience » ou de mauvais traitements à leur encontre. Mais cette fois, Régis Debray est sur ses gardes. Dans un futur relativement proche, quand la vérité aura droit de citer, il apparaîtra peut-être que : « L’homme n’était pas un dissident, le dissident était stipendié par les Etats-Unis, et RSF était seulement une structure escamoteuse de la réalité au service d’une politique impériale » ? (10)

Le satrape de RSF ne lésine point sur les moyens pour enjôler l’opinion publique par une verve mensongère et dithyrambique, destinée à ennoblir des supposés « militants des droits de l’homme », qui ne sont, en réalité, que des sycophantes au service d’une puissance étrangère. Là encore, le monopole de la manipulation a été efficace, et M. Ménard peut s’enorgueillir d’avoir parfaitement réussi son coup d’Etat médiatique, distillant, avec une effronterie sans pareille, ses fables éhontées. Une fois de plus, la vérité a constitué le principal dommage collatéral, mais qui de nos illustres « défenseurs de la liberté de la presse » s’en soucie ? Apparemment, les thuriféraires parisiens de la politique de l’Empire ont reçu leur juste prébende pour ce dévouement sans faille.

RSF, archétype remarquable de l’entité au service de l’ordre établi mais déguisée en ONG, n’a point fini de distiller ses fielleux boniments à l’égard de Cuba. La probité n’est pas prête à constituer l’aphorisme de ladite organisation. Mais l’exégète de la « liberté de la presse » n’en a cure. Une autre priorité, occultée par un soigneux habillage idéologique, est à l’ordre du jour pour les séides de RSF : la destruction de la Révolution cubaine.

Salim Lamrani

Janvier 2004

Notes

1 Armand Mattelart, « Sommet mondial de Genève. Jeter les bases d’une information éthique », Le Monde Diplomatique, décembre 2003 : www.monde-diplomatique.fr

2 Reporters Sans Frontières, « Lancement d’une radio pirate à l’occasion du Sommet mondial sur la société de l’information », 9 décembre 2003. www.rsf.org/article.php3 ?id_article=8762 (site consulté le 12 décembre 2003) ; Reporters Sans Frontières, « Radio non grata réduite au silence », 10 décembre 2003. www.rsf.org/article.php3 ?id_article=8772 (site consulté le 12
décembre 2003).

3 Reporters Sans Frontières, « ’De Cuba’ et ’Luz Cubana’ : une presse libre mais hors-la-loi », pas de date. www.rsf.org/article.php3 ?id_article=7313 (site consulté le 10 décembre 2003).

4 Voice Of America, « Review of Policies and Procedures for Ensuring that Radio Marti Broadcasts Adhere to Applicable Requirements », Audit Report 99-IB-010, juin 1999, 1, 3, 5, 13, 15, 17.http://oig.state.gov/documents/organization/7449.pdf (site consulté le 10 décembre 2003)

5 Marvà­n Hernández Monzón, « Condenado por informar », De Cuba, Décembre
2002, n°1 : 4. www.rsf.org/IMG/pdf/doc-1970.pdf (site consulté le 12 décembre 2003).

6 Tania Quintero, « El Regreso de David », De Cuba, Février 2003, n°2 : 6-7. www.rsf.org/IMG/pdf/doc-2241.pdf (site consulté le 12 décembre 2003).

7 Raúl Rivero, « El cartel del queso blanco », Luz Cubana, Janvier/Février 2003, n°1 : 9-10. www.rsf.org/IMG/pdf/doc-2242.pdf (site consulté le 12 décembre 2003).

8 Gianni Miná, Un Encuentro con Fidel (La Havane : Oficina de Publicaciones del Consejo de Estado, 1987), pp. 43-60 ; Jean-Marc Pillas, Nos Agents à La Havane. Comment les Cubains ont ridiculisé la CIA (Paris : Albin Michel,
1995), pp. 145-51.

9 Reporters Sans Frontières, « Le Journaliste Adolfo Fernández Saà­nz agressé par un codétenu », 10 décembre 2003.www.rsf.org/article.php3 ?id_article=8775 (site consulté le 13 décembre
2003).

10 Reporters Sans Frontières, « Reporters sans frontières et l’association Sin Visa lancent un comité de soutien au poète et journaliste cubain Raúl Rivero », pas de date. www.rsf.org/article.php3 ?id_article=8132 (site consulté le 10 décembre 2003).

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Chaque prétendant à l’Empire claironne à l’extérieur qu’il veut conquérir le monde pour y apporter la paix, la sécurité et la liberté, et qu’il sacrifie ses enfants dans un but éminemment noble et humanitaire. C’est un mensonge, et un vieux mensonge, et pourtant des générations se succèdent et y croient !

Si les Etats-Unis ont la prétention de devenir un Empire, comme c’est la cas pour la plupart des nations, alors les réformes internes seront abandonnées, les droits des états seront abolis - pour nous imposer un gouvernement centralisé afin de renier nos libertés et lancer des expéditions à l’étranger.

Alors le Rêve Américain mourra - sur des champs de batailles à travers le monde - et une nation conçue dans la liberté détruira la liberté des Américains et imposera la tyrannie pour assujettir les nations.

George S. Boutwell - (1818-1905), Secrétaire du Trésor sous le Président Ulysses S. Grant, Governeur du Massachusetts, Sénateur and Représentant du Massachusetts

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