On ne juge pas des révolutions dans les termes des contre-révolutions.
Sans entrer dans des sujets encore plus brûlants prenons le cas de la terreur révolutionnaire et justement du droit à l’insurrection.
C’est la bourgeoisie qui triomphe à la Révolution française après en avoir « glacé » le caractère insurrectionnel, le fondement le plus émancipateur. Peu à peu et aujourd’hui plus que jamais nous séparons cette Révolution en deux versants : un versant acceptable, politiquement correctqui proclame en 1789 les droits de l’homme et du citoyen et la version dite celle de la Terreur montagnarde de 1793. Notons que c’est seulement dans la version montagnarde que l’on trouve l’article concernant le droit à l’insurrection.
Le versant de la terreur serait celui de Robespierre et de Saint-Just, mais aussi celui qui va avoir pour postérité la Commune de Paris, la révolution bolchevique, le communisme.
Alors que le capitalisme revendique les droits de l’homme de 1789 comme un universel, celui qui à travers le droit devenu devoir d’ingérence justifie désormais toutes les opérations impérialistes, toutes les annexions de fait, il repousse encore aujourd’hui la terreur. Mais cette séparation est relativement récente, elle correspond à la victoire jacobine du XIX e siècle et accompagne une nouvelle étape historique celle de l’expansion coloniale.
Quand intervient Thermidor, (c’est la victoire de la corruption et des enrichis par la guerre que refusait Robespierre), 108 montagnards sont excutés aux côtés de Robespierre et de Saint Just. Cette convention thermidorienne par la bouche de Boissy d’Anglas définit la Terreur comme « la tyrannie de l’anarchie ; ce moment où les riches sont suspects, le peuple constamment délibérant, l’opposition organisée, le pouvoir exécutif faible et le droit à l’insurrection reconnu. » Admirez la définition.
La déclaration des Droits de l’homme est dénoncée comme un ferment d’anarchie et la Constitution de 1793, une des plus démocratiques qui soit, comme la terreur instituée.
Robespierre et Saint Just représentent bien cette part de la Révolution française qui est intolérable à la bourgeoisie, à l’impérialisme, celle qui selon l’analyse d’Ernst Bloch récèle encore en elle une part qui demande sa réalisation, une part d’espérance, un ferment non d’anarchie mais de Révolution. Il n’est personne de plus respectueux de la volonté populaire, de plus ennemi de toute sédition que Robespierre et son ami Saint Just et ceux qui moururent avec eux. Mais la terreur est infligée aux ennemis du peuple, « la boussole de la Révolution », aux corrompus, aux oppresseurs, cette terreur est le contraire de l’arbitraire, elle est respect des lois, et des décisions des assemblées, elle rend des comptes publics.
Par quel étonnant hasard ceux qui ont eux le mépris des lois, ne cessent de les bafouer, de pratiquer l’arbitraire pour mieux piller, exploiter sont-ils ceux qui dénoncent alors « l’anarchie » ?
Il y a un texte célébre de Durkheim qui est lui-même le bourgeois jacobin typique, effrayé par la Commune de Paris, mais républicain et vaguement socialiste qui oppose le communisme ennemi de l’ordre, de l’Etat, bref Robespierre, Saint Just, la commune de Paris au socialisme qui lui serait l’Etat, l’ordre, le collectif.
Pourtant la Commune de Paris a fait une oeuvre législative considérable, concernant en particulier l’éducation, les droits du travail, et on conserve d’elle ce qui nait de la répression des Versaillais, l’incendie desespéré de Paris.
En fait la frayeur que l’on essaye de construire dans nos esprits est celle d’un pouvoir du peuple qui réprime les possédants et offre des libertés d’action aux peuples...
Danielle Bleitrach