1. L’économie
Au cœur du congrès : le fait que la Chine se trouve dans une nouvelle ère de développement. L’expression “ère nouvelle” figurait 36 fois dans le discours du président Xi. L’ère ancienne s’est caractérisée par le développement rapide de l’économie et de la technologie, parallèlement à l’inégalité sociale et aux problèmes environnementaux.
L’ère nouvelle œuvre pour une croissance durable et équilibrée, une meilleure qualité de vie pour la population, davantage de participation et un rôle plus prépondérant sur la scène mondiale (1)
Nous donnons ci-après quelques informations contextuelles sur un certain nombre de domaines dans la société chinoise en pleine mutation, en plein “développement”, dans l’espoir de pouvoir étayer plus solidement les connaissances et ou les critiques.
Des chiffres qui donnent le tournis
Ces 35 dernières années la croissance a été tout bonnement phénoménale. Le PNB par habitant a été multiplié par 17, oui vous lisez bien, par 17. En comparaison, celui de l’Inde a quadruplé pendant la même période (2). Entre 2003 et 2013 l’économie des pays industrialisés a connu une croissance de 16%, en Chine elle a été de 165% et en Inde de 102% (3). En outre il ne s’agissait plus de “davantage des mêmes choses”, car la productivité elle aussi a bondi en avant. Aujourd’hui un ouvrier chinois moyen produit cinq fois plus qu’il y a vingt ans (4).
Pour rendre plus concrètement cette poussée de modernisation : tous les deux ans, la Chine produit autant de ciment que les Etats-Unis pendant tout le vingtième siècle (5). La Chine produit aujourd’hui autant d’acier que le reste du monde (6). En 15 ans la Chine a posé 20.000 km de voies ferrées pour des trains à grande vitesse, soit davantage que le reste du monde. D’ici 2025 elle prévoit encore 15.000 km de plus (7). Deux tiers de tous les aéroports en construction se trouvent aujourd’hui en Chine. D’ici 2020 il y aura 240 aéroports (8).
Il a fallu 150 ans à la Grande-Bretagne, là où la révolution industrielle a commencé, pour doubler son revenu par habitant. Aux Etats-Unis il a fallu 30 ans. En Chine c’est le cas tous les sept à dix ans, et en outre sur une bien plus grande échelle (9). Aujourd’hui le PNB chinois est plus élevé que celui de l’économie entière de 154 pays (10).
A son arrivée il y a cinq ans, le président Xi Jinping indiquait déjà qu’une transformation du modèle de croissance » était nécessaire. Le vieux modèle se basait sur l’exportation et sur des investissements dans l’industrie lourde, la construction et l’industrie manufacturière. Dans le nouveau modèle, le moteur est la consommation de masse (marché intérieur), l’augmentation du secteur des services et le progrès technologique (11).
Cette conversion est bien engagée. En 2005 le secteur des services représentait 41% du PNB, en 2016, 52%. Les exportations comptaient en 2005 pour 37% ; en 2016 elles avaient baissé à 20%. Par ailleurs la Chine n’est plus un pays de transit où les marchandises sont assemblées avec peu de bénéfice pour le pays même. Aujourd’hui la Chine ajoute 76 % de valeur à ses produits d’exportation. Dans l’UE ce chiffre est de 87% (12). La Chine est actuellement au sommet de l’innovation : 40 % de tous les brevets dans le monde sont chinois, soit davantage que ces trois pays réunis : les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud (13).
Caractéristiques chinoises
Dans le passé, Deng décrivait le passage progressif de l’économie planifiée à l’économie de marché par la métaphore : “Nous traversons la rivière en nous appuyant sur les pierres, à tâtons”. Cela, il n’en est plus question. L’économie chinoise est et reste un système hybride où l’Etat exerce un contrôle fort et autorise le marché dans certaines limites. C’est le socialisme dit “ à caractéristiques chinoises”.
Dans ce contexte le président chinois a répété à peu près ce qu’il disait déjà il y a cinq ans : les marchés doivent jouer “un rôle décisif” dans l’octroi de moyens, mais en même temps les autorités doivent jouer “un plus grand rôle” dans l’économie (14). Dans la pratique, il n’a pratiquement pas été question du premier point. Ces cinq dernières années nous avons assisté à une plus forte emprise des autorités sur l’économie, et ceci sur quatre terrains (15).
- Marchés financiers : le “ rôle décisif” visait surtout les marchés financiers. La formulation servait sans doute aussi à ne pas effaroucher les investisseurs étrangers. Quoi qu’il en soit, après le mini krach de la bourse chinoise en 2015 et la ruée sur le yuan, toute une série de déréglementations dans les marchés financiers ont été revues. Depuis 2016 il y a aussi davantage de restrictions sur les investissements étrangers d’entreprises chinoises, tant sur des entreprises d’Etat que sur des firmes privées (16).
- Extension du plan : jusqu’en 2010 la planification économique se limitait à neuf industries clés, comme l’acier, la pétrochimie et la construction navale. En 2010 sept secteurs y ont été ajoutés comme les énergies alternatives et les biotechnologies. En 2015, nouvelle extension, avec dix secteurs comme l’aéronautique, les équipements agricoles et les nouveaux matériaux (17).
- Consolidation des entreprises d’Etat. En novembre 2015 il est décidé que les efforts de réforme viseront principalement le “renforcement, l’optimisation et l’extension d’entreprises d’Etat”. En même temps la “privatisation” est rejetée. Avec la fusion de grandes entreprises d’Etat dans des entités encore plus grandes, les pouvoirs publics renforcent leur emprise sur l’économie. Les entreprises privées sont encouragées à ne prendre que de petites parts minoritaires dans les entreprises d’Etat. Entre 2006 et 2013 les actifs des entreprises d’Etat sont passés de 130% du PNB à 176% (18).
- Rôle plus important du parti. De grandes entreprises d’Etat cotées en bourse ont modifié leurs statuts afin d’ancrer le parti communiste, plutôt que l’Etat chinois, dans l’entreprise. On prévoit que davantage d’entreprises vont suivre. Le parti veut aussi davantage de membres du parti dans le haut management de l’entreprise. Bien sûr les cadres supérieurs gagnent bien leur vie, mais comparés à leurs collègues étrangers ils sont sous-payés. Ainsi le directeur de PetroChina gagne 200 fois moins que le PDG de Chevron (19).
Dans une économie avancée, la planification exige le traitement rapide d’une quantité gigantesque de données. Jusqu’à récemment c’était une tâche surhumaine et c’est peut-être une des raisons pour lesquelles l’économie soviétique a commencé à se gripper au début des années ‘80. Mais les progrès actuels de l’intelligence artificielle semblent rendre la chose possible. La grande entreprise chinoise en ligne Alibaba a déjà acquis une fameuse expertise dans ce domaine. Selon son fondateur Jack Ma “les Big Data rendront le marché plus malin et permettront de planifier et de prévoir les forces du marché, si bien que nous pourrons enfin réaliser une économie planifiée”. Sur base de Big Data, les économistes sont en train d’élaborer une économie hybride selon un modèle “planifié et conforme aux conditions du marché” (20).
Plusieurs formes différentes de propriété ont été autorisées dans l’économie chinoise. Dans des secteurs où la propriété d’Etat n’était pas nécessaire, comme la production d’articles de consommation, le petit commerce et les petits services, la propriété privée a été autorisée voire encouragée. Par ailleurs les rapports de propriété ne disent pas toujours tout du contrôle des pouvoirs publics sur l’économie.
Via l’attribution ou non de l’accès aux marchés publics ou aux crédits bon marché, les avantages fiscaux, l’accès aux fonds d’investissement publics, institutions financières et subventions etc., l’autorité centrale dirige des secteurs entiers sans avoir le contrôle direct sur les entreprises séparément. Le capital privé est le bienvenu aussi longtemps qu’il est au service des objectifs de l’autorité. Inversement, l’Etat peut aussi prendre ses distances par rapport à la gestion de ses entreprises sans renoncer à les détenir, parce que les limites à l’intérieur desquelles il faut travailler sont très claires (21).
Wu Jinglian, professeur à la China Europe International Business School de Pékin, le résume comme suit : « la présence de l’Etat reste grande, il maîtrise les courants financiers et fonctionne comme gardien de quasi toutes les décisions importantes, depuis les transactions foncières jusqu’aux fusions. Le contrôle ne se fait pas seulement à l’échelon le plus élevé. Les autorités locales participent aussi au fonctionnement d’une entreprise”. Le capital international ne peut y échapper. Selon leFinancial Times : “De cette manière, la Chine accueille le capital international à ses propres conditions et elle neutralise son pouvoir” (22).
2. Le social
Salaires et pouvoir d’achat
Presque partout dans le monde les salaires restent constants voire reculent. Même en Inde, dont la croissance surpasse celle de la Chine, les salaires sont restés constants. Ce n’est pas le cas en Chine, où ces dix dernières années les salaires moyens ont été triplés. Avec une augmentation de 10,5 %, c’est bien au-dessus de la croissance économique. Les Indiens gagnent à présent un cinquième de leurs voisins chinois. Ces quarante dernières années la consommation des ménages a augmenté de 7,7% par an, inflation comprise (23).
Il y a quinze ans des multinationales occidentales sont allées massivement en Chine en raison des faibles salaires. A présent le mouvement inverse est en train de s’amorcer. Les salaires moyens dans l’industrie chinoise ne sont plus inférieurs que de 20% à ceux du Portugal. En Bulgarie, Macédoine, Roumanie, Moldavie et Ukraine, dès 2013 les salaires minimum étaient déjà plus bas qu’en Chine (23).
La pauvreté et le fossé
Contrairement à beaucoup d’autres pays, la croissance économique en Chine s’accompagne d’un fort recul de la pauvreté. Entre 1978 et 2015 le revenu des 50% de Chinois les plus pauvres a augmenté de 400%. Pendant la même période il baissait de 1% aux Etats-Unis alors même que l’économie y croissait de 184%. Là-bas l’accroissement des richesses va exclusivement à la couche supérieure (25). Ces 25 dernières années, la Chine a tiré un nombre record de personnes de la pauvreté extrême : 635 millions – soit le total de l’Afrique noire à ce moment. Au rythme actuel l’extrême pauvreté sera éradiquée vers 2020 (26).
A présent que la majeure partie de la pauvreté a disparu, les autorités chinoises ne se concentrent plus tellement sur le développement des régions arriérées mais plutôt sur les individus pauvres, avec des programmes personnalisés. D’autres pays font de même, mais selon The Economist, “La Chine est un des rares pays en développement dotés d’une bureaucratie qui est suffisamment grande et solide pour réussir dans cette voie”.
Le Forum Economique Mondial est du même avis : “La Chine est sans aucun doute un leader mondial dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et de l’amélioration des résultats de santé. Le reste du monde peut tirer beaucoup d’enseignements de son expérience” (27).
Les pauvres y ont gagné, mais les Chinois les plus riches y ont gagné bien plus encore. Un grand fossé s’est donc creusé depuis les années ‘80. L’indice de Gini est passé de 29 à 41,5 – ce qui n’est guère une évolution positive (28). L’écart est le plus fort entre ville et campagne, entre régions les plus pauvres et provinces côtières. C’est surtout une conséquence d’une hausse de productivité plus rapide dans l’industrie et le secteur des services que dans l’agriculture (29).
Les dix dernières années ont vu un léger revirement et le coefficient de Gini a commencé à baisser. En 2009 le revenu moyen en ville était 3,3 fois plus élevé qu’à la campagne. Aujourd’hui il a baissé à 2,7 (30).
Il y a septante ans, la Chine était l’un des pays les plus pauvres du monde. Le PNB par habitant était la moitié de celui de l’Afrique (31). La population chinoise arrivait tout à fait en queue. Aujourd’hui, septante ans plus tard, elle acquiert lentement une position dans le peloton de tête, comme le montre le graphique ci-dessous. Sur l’axe horizontal figurent les déciles. 1 représente les 10% de plus pauvres, 10 représente les 10% des plus riches. L’axe vertical montre le pourcentage par région. La majeure partie de la population chinoise se situe entre le sixième et le neuvième décile de la population mondiale (32).
3. La géopolitique
L’encerclement
En 1992, un an après l’effondrement de l’Union soviétique, le Pentagone lançait une doctrine qui reste aujourd’hui le fil conducteur de la politique étrangère des Etats-Unis : “Notre objectif premier est d’empêcher qu’un nouveau compétiteur n’apparaisse sur la scène mondiale. Nous devons empêcher les concurrents potentiels ne serait-ce que d’aspirer à jouer un plus rôle au niveau mondial” (33).
Un rapport récent cite quatre pays qui sont les cibles potentielles d’une action militaire : l’Iran, la Russie, la Corée du Nord et la Chine (34). En dépit des roulements de tambour face à la Corée du Nord et de la rhétorique sur la Russie et l’Iran, c’est aujourd’hui en premier lieu la Chine qui est au centre du viseur. Tout autour de ce pays les Etats-Unis ont plus de trente bases militaires, points d’appui ou centres d’entraînement (petites boules sur la carte). D’ici 2020, 60% du total de la flotte sera stationnée dans la région (35). Vu sur une carte, il n‘est pas exagéré de dire que la Chine est cernée ou encerclée.
Face à cette surpuissance des Etats-Unis, la Chine est extrêmement vulnérable. Pour son commerce extérieur la Chine dépend à 90% du transport maritime. Plus de 80% du transport pétrolier doit passer par le détroit de Malacca (près de Singapour), où les Etats-Unis ont naturellement une base militaire. Washington peut ainsi fermer le robinet à pétrole, et actuellement la Chine n’a aucun moyen de défense à cet égard. Les Etats-Unis dépensent en armement plus de quatre fois plus que la Chine, et par habitant c’est quinze fois plus (36).
C’est dans ce contexte qu’il faut voir la construction de petites îles artificielles en mer de Chine méridionale, de même que la revendication d’une grande partie de cette zone. Contrôler les routes maritimes par lesquelles sont transportés son énergie et ses biens industriels a une importance cruciale pour Pékin. D’ailleurs aucun des six pays qui revendiquent des parties de la mer de Chine méridionale ne suit au pied de la lettre le code de conduite sur cette zone (37).
La stratégie d’Amsterdam
Pendant la majeure partie de l’Histoire, l’économie chinoise a été largement autosuffisante. Il n’y avait pas de pénurie de matières premières. Le pays pouvait se permettre de s’isoler du monde étranger et l’a souvent fait. Les principaux risques, vu l’étendue du pays, étaient d’ordre interne.
Aujourd’hui la situation est totalement différente. Le pays n’est plus autosuffisant. Avec 18% de la population mondiale il ne dispose que de 7% des terres agricoles fertiles et extrait seulement 5% du pétrole mondial. Proportionnellement les Etats-Unis ont 8 fois plus de minerai et la Russie 31 fois plus. En outre le pays produit beaucoup plus de biens qu’il n’en consomme lui-même. Pour toutes ces raisons le pays dépend aujourd’hui fortement de l’économie extérieure (38).
C’est dans ce cadre et aussi à cause de l’étreinte des Etats-Unis que le pays commence à mettre en œuvre une Nouvelle Route de la Soie. C’est un gigantesque réseau de routes maritimes et terrestres, lancé sous l’appellation “la Ceinture et la Route”. L’initiative implique des investissements, des financements, des accords commerciaux et des dizaines de zones économiques spéciales (ZES) d’une valeur de 900 milliards de dollars.
Au total le pays veut investir pas moins de 4.000 milliards de dollars dans 64 pays, pour une population de 3 milliards de personnes. Cela représente environ 30 fois l’aide au développement annuelle des pays riches. C’est donc de loin le plus grand programme depuis le plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe après la Deuxième guerre mondiale (39).
La Nouvelle Route de la Soie fait beaucoup penser à la stratégie commerciale des Pays-Bas il y a 400 ans. Les colonialismes britannique et français tentaient de conquérir et de soumettre des sociétés entières. Amsterdam par contre visait un “empire de commerce et de crédit”. Il ne s’agissait pas de territoires mais d’affaires. Ils construisirent une flotte gigantesque, installèrent des postes commerciaux sur les grandes routes tout en essayant de les sécuriser (40).
Tout comme les Néerlandais du XVIIème siècle, la Chine détient actuellement la plus grande flotte commerciale (41). Les ZES sont “des garnisons commerciales dans les chaînes d’approvisionnement internationales, grâce auxquelles la Chine peut sécuriser son commerce sans s’encombrer de soumission coloniale” selon Stratfor, un prestigieux laboratoire d’idées (42).
4. L’écologie
Une situation intenable
Depuis la fin des années ‘80 la Chine est entrée dans une phase de développement qui entraîne une grande pollution environnementale. En tant “qu’atelier du monde”, la Chine est forcément un des plus gros pollueurs de la planète. Plus de 40% du territoire agricole sont actuellement affectés, dont un cinquième de terres arables est même gravement pollué.
A Pékin la pollution de l’air a atteint jusque quarante fois le seuil d’alerte fixé par l’Organisation mondiale de la santé. Dans le nord du pays, la pollution atmosphérique a réduit de cinq années l’espérance de vie et elle cause un nombre inquiétant de cancers du poumon et d’accidents cardiovasculaires (43).
La Chine est maintenant largement le principal émetteur de CO2, même si les émissions par personne sont moitié moindres que celles des Etats-Unis et environ aussi importantes que celles de l’Europe. Elle n’est d’ailleurs responsable que de 11% des émissions cumulées, contre plus de 70% pour les pays industrialisés.
La situation n’en est pas moins intenable. Au rythme actuel, la Chine aura produit entre 1990 et 2050 autant de dioxyde de carbone que le monde entier entre le début de la révolution industrielle et 1970, ce qui est catastrophique pour le réchauffement climatique. Au rythme actuel de croissance il y aura d’ici vingt à trente ans une forte pénurie de pétrole partout dans le monde, avec toutes les conséquences économiques et géopolitiques qui en découlent (44).
Changement de cap
Il y a une petite dizaine d’années les autorités chinoises ont changé de cap en donnant la priorité à la problématique écologique. Lors du précédent congrès il y a cinq ans, cette priorité a été intégrée dans le plan de développement global du parti communiste. Toute une batterie de mesures ont fait leur apparition et la Chine s’est dotée d’une législation pionnière en matière d’environnement, même si l’application ne va pas de soi (45).
Mais c’était du sérieux. Mark Kenber, directeur de l’ONG The Climate Group, voit dans la Chine un exemple pour les autres pays en développement : “Il est clair que le plan chinois pour réduire les émissions de CO2 et construire une économie de technologie verte a été décidé au plus haut niveau du gouvernement. Nous espérons que l’Inde, le Brésil et d’autres pays suivront rapidement et feront preuve du niveau d’ambition nécessaire” (46).
Pour The Economist, qui est tout sauf un fan de la Chine : “Les dirigeants actuels comprennent le défi du changement climatique mieux que leurs prédécesseurs et peut-être mieux aussi que leurs collèges internationaux. Ils sont bons pour adopter des mesures prioritaires fortes" (47).
Ce changement de cap exprime les aspirations de la population. Selon un sondage de 2012, 57% des Chinois trouvaient l’environnement prioritaire, même au prix de la croissance économique. Un quart de toutes les manifestations dans le pays concerneraient l’environnement (48).
Leader mondial
Les résultats sont bien là. A court terme la Chine est devenue numéro 1 dans le domaine des panneaux solaires et de l’énergie éolienne. Actuellement 33% de l’électricité sont issus d’énergies vertes – contre 15% aux Etats-Unis. D’ici 2020, 360 milliards sont prévus pour susciter de nouvelles énergies vertes. Le constructeur automobile Chongqing Changan a fait savoir qu’il ne vendra plus de véhicules à moteur à combustion d’ici 2025.
L’industrie automobile française et britannique ne le prévoit que pour 2040, tandis que les constructeurs allemands refusent la transition. Dans un avenir proche la Chine veut séquestrer des millions de tonnes de CO2 sous terre. Le pays est également pionnier dans le domaine de la transmission sur grandes distances de grandes quantités d’énergie (par exemple à partir de champs de panneaux photovoltaïques éloignés), ce qui est très important pour l’approvisionnement des villes en énergie verte (49).
Au sommet pour le climat de Paris, la Chine avait promis de faire baisser ses émissions de dioxyde de carbone dès 2030. Entre-temps l’engagement a déjà été tenu. La Chine utilise de moins en moins de charbon. 2017 est la quatrième année consécutive d’émissions de dioxyde de carbone inchangées ou en baisse. “Les statistiques montrent que la Chine est en bonne voie de dépasser largement les objectifs climatiques de Paris” dit Lauri Myllyvirta, le porte parole de Greenpeace (50).
Avec son approche, Pékin fait d’une pierre quatre coups. 1. Les problèmes environnementaux sont affrontés. 2. Les entreprises les plus polluantes sont souvent aussi les moins rentables. L’élévation des normes environnementales entraîne une efficacité accrue dans la production. 3. La fermeture de ces entreprises polluantes permet d’aborder d’emblée la surcapacité dans un certain nombre de secteurs. 4. L’énergie verte est un secteur en croissance très prometteuse qui peut créer pas mal d’emplois.
Jennifer Morgan, directrice de Greenpeace, l’a résumé en ces mots : “La Chine est également motivée par de puissants intérêts nationaux quand elle s’attaque à la pollution ambiante tenace, veut limiter l’incidence de la crise climatique et augmenter les possibilités d’emploi dans le secteur des énergies renouvelables. Aujourd’hui en Chine, plus de 3,4 millions de personnes travaillent déjà dans le secteur de l’énergie verte” (51).
Le bouquet
Pas besoin d’être un expert pour pouvoir suivre les développements politico-économiques chinois. Le quotidien populaire China Daily qui tire à des millions d’exemplaires papier et digitaux, publie depuis plusieurs jours un petit jeu-concours éducatif filmé
Marc VANDEPITTE
Ng Sauw Tjhoi est journaliste à la VRT. Marc Vandepitte est analyste politique. Ils ont écrit à quatre mains le livre ‘Made in China, meningen van daar’, EPO – Radio 1, 2006.
Traduction du néerlandais : Anne Meert pour Investig’Action.