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RSF sans Ménard

Quand le Doha montre la thune, l’imbécile file au Qatar.

Coup de théâtre dans le Landernau médiatique, vendredi 26 septembre 2008 : Robert Ménard, parti pour être big chief à vie de l’association RSF la quitte précipitamment avant mardi. On dirait un licenciement de cadre ou de présentateur de la télé : "T’es viré, rend l’ordinateur et le badge de parking, tu vides ton bureau lundi et mardi t’es plus là ".

Les explications zigzagantes de cette chute démontrent leur improvisation.

On a d’abord parlé de problèmes de santé, puis de lassitude avant que l’intéressé ne démente.

Donc, alors qu’il est en pleine forme, qu’il se félicite publiquement de voir l’association bourrée d’euros et de dollars et très médiatisée dans le monde entier, Ménard saute par la fenêtre sans préavis. Et sans parachute (doré ? Voir plus loin).

« Cela fait deux ans que j’y pensais » affirme-t-il. On sait ce que vaut une affirmation ménardienne. Les innombrables journalistes qui l’interviewaient sans désemparer, à qui il racontait sa vie, son oeuvre, sa famille, ses espoirs tombent des nues.

Démissionnaire, il perd des indemnités, lui, qui aime l’argent. Payé plus de 5000 Euros par mois sans compter les avantages annexes, il se retrouve sans job, le week-end passé.

Deux ans qu’il y songeait mais à la question posée vendredi : « Vous partez pour quoi faire ? » il bafouille de première. Il est « plein d’envies et plein de souhaits », il va voir si sa femme l’embauche dans sa revue Média (trimestrielle et confidentielle), il va monter une maison d’édition (il eût dû commencer à la mettre en route, depuis deux ans), il va peut-être faire de la politique, lancer un nouveau journal. Bref, décryptons : vendredi 26 septembre, il ne sait pas, il est psychologiquement à la rue.

Mais le plus beau bobard de Ménard, je veux dire le plus comique, celui par lequel il prouve qu’il a toujours pris les journalistes et les lecteurs pour des abrutis est le suivant : Il fallait à RSF quelqu’un qui connaisse mieux Internet que moi. ô discrédit des journalistes dont aucun recevant cette galéjade n’a bondi pour s’écrier : « Mais la plupart des grands patrons, des ministres ne touchent jamais un clavier. Chirac ne savait même pas ce qu’était une souris ! Qu’est-ce que vous nous chantez-la ? »

Ils nous auraient, impassibles et polis, pareillement transmis la réponse de Ménard si elle avait été : « Je pars parce que j’arrive pas à régler le fauteuil de mon bureau » ou « J’ai deux téléphones dans le bureau, je sais jamais lequel sonne » ou « Depuis qu’on m’a volé l’ordinateur portable, j’en ai un nouveau, mais je n’arrive pas à ouvrir la fermeture éclair de la sacoche ».

Robert Ménard qui a grandi avec RSF dans la dissimulation et le mensonge , quitte RSF en lançant des rafales d’ultimes impostures que ses successeurs doivent assumer sur leurs fonds baptismaux. Cela commence mal pour son successeur Jean-François Julliard.

En l’absence de vérité, la duperie étant établie par la multiplication de réponses à géométrie variable et à haut niveau de bêtise, il reste des hypothèses. En voici cinq dont je tiens pour probable qu’une, au moins (voire plusieurs), tape dans le mille.

1 - Viré par l’Elysée.

La classe politique, exaspérée, renvoie à la niche le toutou tout fou qui mord la main de l’Etat français qui le nourrit depuis des années et qui lèche celle de Bush.

Vu sur le site de RSF :

« Le 9 octobre prochain, Robert Ménard publie un ouvrage intitulé « Des libertés et autres chinoiseries » aux Editions Robert Laffont, dans lequel il revient sur la campagne pour le boycott de la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin. Récit inédit sur les coulisses et les négociations secrètes menées autour des Jeux, ce livre est aussi un essai mordant sur la presse, les droits de l’homme et les lâchetés de la classe politique. »

Il est vraisemblable que « la classe politique » a déjà lu ce livre avant sa mise en librairie et qu’elle n’a pas aimé ça.

Ménard injurie Sarkozy qu’il a traité de « lâche » pour avoir été brièvement à Beijing où le fidèle sponsor de RSF, Bush, a séjourné plusieurs jours sans être injurié par notre ONG, par l’opinion publique états-unienne ou la nôtre.

Est-ce que le Pouvoir a jeté le citron pressé Ménard afin de sauver RSF si utile pour effacer les syndicats de journalistes, escamoter les problèmes de la presse en France et ceux du droit à l’information ?

Les médias ont commencé à évoquer ce que des sites Internet démontrent depuis des années : les liens de RSF avec les USA. Un journaliste du Figaro, Eric Zemmour, va jusqu’à affirmer à le télévision que RSF est manipulée par le CIA.

Première hypothèse donc : L’Elysée en a usé avec Robert Ménard comme pour des journalistes de la presse écrite et de la télé : « Viens ici, t’es viré, et surtout, tais-toi ». Comment ? Avec quels moyens de pression ? La menace de laisser les médias populariser vraiment le livre « La face cachée de Reporters sans Frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone » récemment réédité (éditions Aden) a-t-elle suffi ? Il serait présomptueux de le dire. Mais il est juste de prétendre (pub) qu’on saisit mal les ingrédients de la puissance de RSF et en même temps de sa fragilité sans avoir lu cette enquête.

Après 5 mois d’omerta, la presse française, comme sur un coup de baguette magique, a découvert ce livre en groupe serré, dans la semaine (le lendemain pour les plus rapides sortant d’un coma hibernal) qui a suivi les incidents de la flamme olympique à Paris.

L’Elysée dispose-t-il d’un dossier complémentaire pour obtenir si vite, si brutalement, le départ et le silence de Ménard sur les vraies raisons de son départ. L’avenir (ou le Canard Enchaîné ?) nous le dira.

2 - Ménard a été viré en cadeau de la France aux Chinois en colère.

L’affront fait à la Chine le 9 avril à Paris n’est pas pardonné et la plaie ouverte sera longue à se refermer.

Faute d’informations dans les médias français sur RSF, les Chinois sont venus les chercher auprès de moi. Plusieurs exemplaires de mon livre ont été achetés par leur ambassade en mai pour envoi en Chine et traduction à destination de leurs médias et des autorités politiques.

Après la soudaine et brève ruée des médias français, j’ai donc vu déferler vers moi les médias chinois, avec la même force, sauf qu’ils ne se retirent pas. Sur le moteur de recherche chinois (baidu.com), les articles qui font référence à mon livre sont nombreux. La presse écrite chinoise en parle beaucoup. Radio Chine International arrose la planète depuis le mois de juin, en diffusant en 45 langues (dont l’Esperanto !) une interview que je lui ai accordée en mai.

Ces jours-ci encore, je suis averti de la parution d’articles inspirés de mon livre dans deux journaux chinois à gros tirage (500 000 et 3 millions d’exemplaires). Et ça n’arrête pas depuis le passage de la flamme olympique à Paris et les exploits de Ménard.

Nos diplomates en poste en Chine, nos entreprises ont vu cette contre-attaque médiatique continue. Qu’elle se poursuive sans faiblir presque six mois après le camouflet français indique que les dégâts sont profonds.

On se souvient que Paris a envoyé au mois de juin à Beijing des émissaires de haut niveau : Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre et Christian Poncelet, président du Sénat qui ont demandé à être reçus par le président chinois, Hu Jintao.

Plus récemment, preuve que rien n’est aplani, Nicolas Sarkozy a reçu à l’Elysée la jeune Jin Jing, athlète chinoise handicapée, bousculée par les fanatiques chauffés à blanc par RSF lors du passage de la flamme olympique qu’elle défendit avec courage.

Cette jeune fille est devenue une héroïne nationale en Chine, symbole vivant d’un « racisme français anti-chinois ». Le film de sa résistance a été passé en boucle à la télévision chinoise.

Un journaliste chinois en poste depuis 15 ans en France, amoureux de notre pays, me confiait récemment : « J’étais en Chine il y a quelques semaines, j’ai constaté, avec une profonde douleur, la montée d’un sentiment anti-français dans la jeunesse chinoise ».

Le rétablissement de relations amicales (établies par le général De Gaulle) culturelles et commerciales normales entre la France et le pays le plus peuplé du monde passait-il par l’élimination du responsable du désastre ?

C’est une hypothèse à retenir.

3 - Ménard est lâché par les USA.

Les liens de RSF avec des vitrines écrans de la CIA commencent à être des secrets de Polichinelle. Des milliers d’articles y sont consacrés sur la Toile dans de nombreuses langues. Des livres de librairie traitent cette question. Les médias officiels commencent à briser la loi de l’omerta.

Il faut dire que, s’agissant de griller RSF, Collin Powel y est allé de sa gaffe.
Dans son rapport Commission for Assistance to a free Cuba (458 pages) qu’il a remis en mai 2004 à Georges Bush, il en appelle fiévreusement aux ONG (NGOs, Non-Governmental Organizations) à presque toutes les pages (et jusqu’à dix fois à la page 77) pour aider son pays. Mais (page 20) une seule est citée en exemple : Reporters Sans Frontières (Reporters Without Borders).

Des documents se déclassifient aux USA. Des journalistes d’investigation comme Diana Barahona, des avocats de droits de l’Homme, comme Eva Golinger, s’appuyant sur des lois états-uniennes, demandent des comptes aux organismes distributeurs des subventions votées par le congrès. Et le transfert de fonds d’officines écrans de la CIA, que les comptes publics publiés par RF sur Internet occultaient naguère, est désormais prouvé, au dollar près.

RSF commence à être nue.

Dans ses innombrables apparitions dans les médias, Ménard se défend mal : arrogant, agressif, il injurie ses contradicteurs et ment avec une impudence qui scandalise.

Il n’est plus the right man in the right place.

4 - Ménard a trouvé une autre gamelle dans une dictature arabe.

Une dépêche d’Associated Press tombée dimanche 28 septembre à 16 heures 40 nous annonce un spectaculaire rebond de Ménard pendant le W.E. en direction de Doha, au Qatar, pays d’Al Jazeera, chaîne arabe honnie par les USA, lesquels ont fait subir à des journalistes des enlèvements, assassinats, séquestration sous l’oeil placide de RSF.

Une information livrée le 28 septembre sur la Toile par le quotidien algérien l’Expression est plus explicite : sous le titre « ROBERT MENARD QUITTE RSF POUR ALLER AU QATAR » l’hebdomadaire explique : « Il dirigera Centre for Media Freedom à Doha » avec « des privilèges d’un sultan de la presse mondiale ».

Le Qatar est un pays peuplé de moins d’un million d’habitants, gorgé de pétrole et dirigé par un cheikh, mot arabe qui veut dire dictateur.

RSF est cofondatrice (décembre 2007) avec l’émirat du « Centre pour la liberté de l’information ». Robert Ménard en est le directeur général.

Dans son Centre, une maison d’accueil de journalistes femmes a été ouverte, il va s’en ouvrir une pour les hommes. Tout est bien, personne ne se mélange.

D’après Associated Press, Ménard se félicite du soutien de cheikha Moza bint Nasser al-Missned, considérée comme la plus influente des épouses de l’émir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani.

Ménard concède que l’émirat, 79e du classement 2007 de la liberté de la presse de RSF, peut encore « faire des progrès en la matière ».

Et pas qu’en cette matière, d’ailleurs. En effet, le Qatar connaît-il des déficits de démocratie uniquement avec la presse ? Non. La palette est large si l’on en croit l’organisation Amnesty International.

Les tribunaux continuent de prononcer des condamnations à mort et des peines de flagellation, « Les autorités n’ont pris aucune mesure appropriée pour mettre fin à la discrimination et aux violences contre les femmes ».

Les travailleurs migrants sont durement exploités, certains ne sont pas payés, ceux qui protestent sont interpellés, maltraités, puis ont été renvoyés dans leur pays.

Après une visite au Qatar la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, a exprimé sa préoccupation à propos des travailleurs immigrés victimes de traite d’êtres humains.

On compte 22 prisonniers au moins sous le coup d’une sentence capitale.

Aucune enquête n’a été menée par les autorités du Qatar sur les actes de torture et les mauvais traitements qui auraient été infligés à au moins 31 prisonniers condamnés pour leur participation présumée à une tentative de coup d’Etat. Le droit du Qatar ne comporte pas une définition de la torture conforme aux normes internationales, les procédures d’arrestation et de détention sont susceptibles de favoriser le recours à la torture contre les suspects.

Abdullah Hussein Ali Ahmed al Malki a été privé de sa nationalité pour avoir critiqué e les autorités lors d’une émission de la chaîne de télévision Al Jazeera, en mai 2005.

Bref, Ménard frétille à l’idée de travailler pour une dictature monarchique polygame ou la violence contre les femmes n’est pas illégale, où la presse est malmenée, les travailleurs traités comme des esclaves, tandis que perdurent la flagellation, la torture et la peine de mort.

5 - Le départ de Ménard précède un aggiornamento de RSF.

Les USA, les pouvoirs publics, le MEDEF ont besoin d’ONG vierges. Est-il possible de re-toiletter la façade de RSF ? Si oui, l’illusion sera de courte durée. Chat échaudé…

A l’encontre, observons que les départs des caudillos s’accompagnent souvent de ruptures avec les méthodes et les orientations antérieurs.

Espérons que le successeur de Ménard, Jean-François Julliard, avec qui j’ai échangé des mails courtois (malgré nos désaccords et la menace publique de procès exprimée par RSF à mon encontre) pendant l’écriture de mon livre saura recadrer RSF vers un travail d’ONG au service de la presse, des lecteurs, des journalistes.

Inutile donc de démarrer un procès d’intention, inutile même de brûler d’impatience, de guetter dès aujourd’hui des signes de changements.

Laissons à RSF sans Ménard le droit à un délai, accordons-lui un Etat de grâce, octroyons-lui le temps nécessaire à amorcer un virage.

N’ergotons pas sur son élémentaire liberté de faire son travail sans forcément chercher à plaire à tous, pourvu que l’éthique s’installe dans un bureau laissé vacant.

Maxime Vivas

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La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
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