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Deux articles sur les retraites

Préparer notre Grand Soir... suivi de : L’intérêt général.

Comme nous le pressentions tous, le formidable mouvement de "convergence des luttes" qui s’est effectué presque spontanément durant ces dernières semaines arrive probablement à sa fin. Le gouvernement aura réussi son coup, et fait passer sa réforme aux forceps, en négligeant totalement la voix de son peuple

Nombreux sont ceux qui y verront un échec, et se désespéreront qu’une mobilisation d’une telle ampleur finisse ainsi : des jours de salaire perdus, des espoirs déçus, et puis aussi le symbole de la toute puissance du pouvoir, qui semble désormais invincible.
 
Mais ne nous laissons pas abuser : le gouvernement n’a pas gagné, car il a aujourd’hui ôté son masque, et découvert ses véritables intentions. Même si la bataille des retraites est perdue, celle pour la liberté n’est pas encore terminée. Et d’ailleurs, c’est aussi la victoire du peuple.
Car le peuple ne s’est pas laissé embarquer dans la violence désirée par le pouvoir, et n’a pas cédé aux provocations de ce dernier. Il est resté digne tout au long de ce mouvement, et pour tout dire bien plus uni qu’on ne l’aurait pu prédire. il a su déjouer les attaques d’un gouvernement presque débordé, en se défendant sur la légalité de ses actions, en dénonçant les provocations policières et les supercheries concernant les casseurs, en sachant éviter le bain de sang, en soutenant majoritairement ce mouvement jusque dans les sondages et le ravitaillement, en informant sur les possibilités d’actions possibles de part et d’autre du mouvement.
 
Bien sûr tout ceci n’est pas suffisant, et pour le moment c’est bien le gouvernement qui mène la danse. mais pour le moment seulement. Car ce mouvement n’est pas une lutte contre la réforme des retraites, et va bien au delà de cette simple revendication. C’est le gouvernement dans son ensemble qui se trouve actuellement remis en cause, et particulièrement le premier cercle formé autour du président. Face à l’injustice flagrante de ses réformes, face à son mépris incessant vis à vis du peuple, tous savons aujourd’hui qu’il ne reculera devant aucun moyen pour parvenir à ses fins, c’est à dire la mise en place d’un régime autoritaire n’ayant plus de "démocratique" que le nom. Et cela, c’est déjà prendre un coup d’avance. Nous savons désormais que, de gré ou de force, par le fonctionnement de la machine institutionnelle ou par le conditionnement à la révolte civile, le gouvernement en place souhaite remettre en cause toutes les avancées sociales chèrement acquises.
 
Il nous faut donc maintenant prendre ces éléments en compte, et comprendre que les divisions qui ont opposé les partisans et les détracteurs de la grève ne sont pas dues à une grande différence de vues (regardez les sondages), mais bien plutôt à la "bonne gestion" de la crise par l’Etat prompt à diviser le peuple sur cette question. Au lieu d’écouter le discours simpliste établissant l’injustice des revendications de certaines catégories de grévistes considérés comme privilégiés, demandons-nous plutôt pourquoi nos revendications ne seraient-elles pas justement d’accéder aux mêmes ? que croyez-vous ? c’est justement parce que les métiers du transport commercial ont un rôle économique si déterminant que leurs syndicats ont réussi à arracher les avancées sociales qu’ils possèdent encore aujourd’hui ! Le gouvernement sait bien que quand les raffineries, ou les ports, ou les transporteurs (de biens de consommation ou d’énergie) se mettent en grève, ce sont des millions qui s’envolent. Ils ont préféré accorder plus à ces catégories pour qu’ils ne se mettent pas en grève, tout simplement.
 
Alors la prochaine fois, il faudra être prêts. Nous sommes suffisamment nombreux pour faire respecter la volonté du peuple et rétablir la démocratie. La voix du peuple doit être entendue, quand bien même elle serait dans son tort. Hier nous avons eu tort d’élire ce président, et aujourd’hui nous aurions tort de le laisser faire. nous en avons (pour l’instant) encore les moyens.
Il nous faut préparer notre "Grand Soir" sans tarder, et ne pas céder à la tentation de la violence, qui serait leur plus grande victoire, car ainsi ils trouveraient la légitimité qu’il leur manque pour établir leur dictature. Cela demande du temps, et de la réflexion… mais aussi de l’action. Il nous faut désormais convaincre les autres, et pour cela leur proposer une alternative qui leur convient. Et quand nous serons unis, police, justice, privé et public, misérables et nantis, comme un seul homme nous iront réclamer nos droits sans crainte, et sans nécessité de recourir à la violence.
 
Caleb Irri


L’intérêt général.

Pour les uns, la grève est le seul moyen légal d’établir un rapport de force
Pour les autres, elle divise le peuple et sape l’économie.
 
Dans les deux cas, les «  pour » et les «  contre » s’affrontent à coups d’arguments stériles, se justifiant tous deux par l’intérêt général, c’est à dire une notion très floue qui n’a en réalité que peu de rapport avec l’âge de la retraite, et bien plus avec la somme des intérêts individuels. Cette question n’est pas résolue par l’âge de son départ de la vie active, mais bien plutôt avec ce que l’on fait avant cette date. Ce qui est un tout autre débat, et le coeur inconscient du mouvement qui oppose ceux qui se satisfont de leur sort avec ceux qui ne s’en accommodent pas.
En effet, les opposants à la grève critiquent un mouvement qui leur nuit dans leur quotidien, invoquant pour justifier leur mécontentement les pertes économiques entrainées par le blocage, et les pertes d’emplois qu’il pourrait occasionner. Pour appuyer leur raisonnement, ils regrettent également les violences urbaines, susceptibles de nuire à l’unité nationale et d’attiser les divisions.

En même temps, les grévistes justifient leurs actions par la défense des intérêts de tous, et estiment avoir assez donné pour le système économique. Les pertes d’emplois sont le fruit du trop grand appétit des actionnaires, et les violences sont la conséquence de la surdité du gouvernement face aux revendications du peuple : l’identité nationale c’est la France qui se mobilise
 
On pourrait s’étonner de trouver le même argumentaire des deux côtés du même concept, mais c’est sans compter sur la double nature de l’homme, capable de toutes les contradictions sans se départir de son sérieux. Pourtant ici, se peut-il que l’un ait complètement tort quand l’autre n’a pas totalement raison ?

Si on ajoute à cela une autre contradiction qu’offre un tel sujet, on peut rapidement sombrer dans le désespoir, car tout se complique encore :
Ceux qui réclament contre la grève au nom de l’intérêt général sont ceux-là mêmes qui d’habitude ne jurent que par l’individualisme, tandis que ceux qui la réclament sont ceux-là même qui, en général, se disent vouloir respecter les désirs de tous. Les uns veulent qu’on force les gens à ne plus manifester, tandis que les autres voudraient forcer les autres à ne plus aller travailler. C’est à y perdre la raison. Le gouvernement, après avoir longuement évoqué la négociation sur le sujet des retraites, dit vouloir faire une réforme juste. Les masses françaises opposées à la politique de ce gouvernement, après avoir dit non, exigent une négociation.

D’un côté on veut rendre pénalement responsable un enfant de treize ans, et de l’autre on veut l’empêcher de manifester quand il en a seize. D’un côté on veut faire cesser la violence de certains jeunes, et de l’autre on veut faire respecter l’ordre à coups de matraque. D’un côté on se réfère à la constitution pour défendre le droit de grève, de l’autre on s’y réfère aussi pour justifier le passage en force d’une loi qui déplaît. D’un côté on veut un référendum qui suspendrait la réforme sans avoir rien à proposer en retour, de l’autre on le refuse comme on l’a exigé pour l’Europe, sans être en mesure d’en tenir compte…

Face à toutes ces contradictions, il serait temps de se poser la question véritable : "c’est quoi l’intérêt général ?" c’est celui qui correspond à mes propres intérêts, ou celui qui va contre mais que j’estime juste de défendre malgré qu’il me nuit, parce qu’il sert aux autres ? il est difficile de répondre honnêtement à cette question, et c’est bien là tout le problème. Et l’intérêt général d’une nation se trouve-t-il nécessairement favoriser l’intérêt général «  global », c’est à dire mondial, celui de l’humanité ?et là , c’est tout le système capitaliste qu’il faut (ou pas, selon le point de vue) remettre en cause. Le système global qui régit notre planète favorise-t-il, au niveau du nombre, l’intérêt général de l’humanité ? quand on sait qu’un milliard d’êtres humains ne mangent pas à leur faim, quand on sait que 80% des ressources sont possédés par 20% des gens ?
 
Que faut-il donc faire ? une dictature mettant tout le monde d’accord de gré ou de force, ou une démocratie acceptant les contradictions inhérentes au système qui les favorise ?

Il faut être cohérent à la fin, et cesser de voir les choses à travers la réforme des retraites, au niveau national. Si la dictature est le meilleur moyen de faire fonctionner le capitalisme, une fois atteint ce but c’est le capitalisme qui ne sert plus à rien. Ce n’est donc pas la dictature qu’il faut rechercher, ni la démocratie qu’il faut défendre du capitalisme, mais le capitalisme qu’il faut renverser, pour éviter la dictature et l’illusion démocratique. et peu à peu, c’est bien c’est bien ce qui se passe actuellement : de l’inconscient collectif émerge une conscience citoyenne qui veut se faire entendre, et qui se rend compte des errements de ce monde qui contredit sa volonté d’intérêt général. Ce n’est pas à travers la recherche de la somme des intérêts privés qu’elle sera satisfaite, mais par la recherche du bien commun que les intérêts de chacun seront respectés.
Nous ne sommes qu’à l’aube d’un nouveau monde, et il n’y a qu’à nous de le penser autrement pour qu’il se transforme.

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

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Bertolt Brecht, poète et dramaturge allemand (1898/1956)

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