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Power without responsibility

Je l’avoue : j’ai un faible pour Jean-Luc Mélenchon. Je partage une bonne partie de ses idées (celles d’aujourd’hui, pas celles, lambertistes, de sa jeunesse), et j’éprouve une réelle admiration pour cet homme de culture qui refuse la bling-blinguisation de la vie politique. Et puis, sa souffrance m’émeut : défendre les couleurs d’un parti dont on désapprouve environ 80% des orientations ne doit pas être de tout repos.

Il y a quelques mois, j’ai vu Mélenchon en train de se faire malmener sur un plateau de télévision par Thierry Ardisson, un des personnages les plus douteux du PAF. Le forfait du présentateur milliardaire, condamné pour plagiat littéraire, était d’autant plus scandaleux que, l’émission n’étant pas en direct, il eût été courtois de couper les propos blessants au montage. De ma plus belle plume électronique, j’ai envoyé un courriel à Mélenchon pour l’assurer de ma sympathie dans cette épreuve, mais aussi pour lui dire qu’il ne revenait pas aux hommes et femmes politiques de notre pays de servir de faire-valoir aux vedettes du petit écran. L’attaché parlementaire du sénateur n’accusa pas même réception de ce courriel.

Plus récemment, j’ai assisté à un moment d’une table ronde, sur LCI ou i>télévision, je ne me souviens plus, réunissant Mélenchon, Olivier Duhamel, européiste acharné (ancien membre du Parti socialiste), Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l’Express, et, je crois, Jérôme Jaffré, directeur d’un grand institut de sondages français. Politiquement parlant, cette table ronde était bancale puisqu’elle n’accueillait qu’un homme de gauche vraiment de gauche : Duhamel a quitté le Parti socialiste, Barbier est l’employé d’un avionneur marchand d’armes furieusement de droite, et tout responsable d’un institut de sondages est le chef d’une entreprise capitaliste redevable devant ses actionnaires, censée fournir, aux entreprises comme aux formations politiques, des résultats corroborant les attentes de ces dernières. Souvenons-nous, par exemple, qu’avant les deux grands rendez-vous électoraux de 2007, plusieurs instituts de sondages avaient placé Bayrou derrière Le Pen et prévu deux à trois fois moins de députés de gauche qu’il n’en fut réellement élu.

Mais je voudrais insister ici sur le mélange des genres, c’est-à -dire le débat entre des hommes politiques et des OBSERVATEURS de la politique. Élus, les hommes politiques sont responsables de leurs actes et de leurs paroles. Les observateurs, quant à eux, sont responsables devant leurs actionnaires, mais pas devant les citoyens. Le discours d’un homme politique ne peut donc pas être de même nature que celui d’un observateur. Le pouvoir médiatique n’ayant cessé de s’étendre depuis une quarantaine d’années, à mesure que celui des politiques diminuait, les figures de proue de la presse, de la radio et de la télévision ont pu exercer un magistère de la parole sans aucune sanction citoyenne. L’homme politique rend des comptes politiques, l’homme des médias rend des comptes économiques.

En Angleterre, autrefois, on disait des maîtresses des rois (ou de leurs mignons) qu’elles ou ils exerçaient le pouvoir sans la responsabilité du pouvoir (« power without responsibility »). C’est exactement le cas, aujourd’hui, des Barbier, Colombani, Joffrin, Duhamel (Alain), Giesbert, July et d’une petite poignée d’autres journalistes « prestigieux » qui tournent dans tous les médias, se renvoient l’ascenseur, s’invitent, disent du bien les uns des autres, des pratiques analysées sans concession par Le Plan B, un périodique sympathique et iconoclaste dont je recommande chaudement la lecture.

Bref, les politiques sont piégés. Piégés devant l’irresponsabilité de leurs contradicteurs, piégés par un système de discours et de représentation qu’ils ont accepté, quand ils ne l’ont pas encouragé, comme le démontrait, il y a plus de trente ans, Roger-Gérard Schwartzenberg dans L’État spectacle.

Dans cette perspective, LCI ou i>télévision n’ont pas pour visée première d’informer les téléspectateurs, mais de se constituer des écuries d’hommes politiques, d’hommes d’affaires et de représentants des médias qui, tous confondus, renforcent le pouvoir de ces chaînes. Celles-ci sont parties constitutives de conglomérats économiques qui se fichent de la démocratie comme d’une guigne. Le faux nez du « tout-info ».

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Bernard GENSANE
Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier. Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique (…)
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