Le pouvoir sarkozien s’inquiète de la « violence des jeunes », essentiellement « ceux des cités », et de la délinquance de ces mêmes jeunes.
Le « caillassage » des flics dans les cités est devenu la règle, pour une pas dire une véritable culture urbaine. Et les promesses électorales du candidat aujourd’hui président sont restées, bien évidemment, lettre morte.
Alors, à grand renfort de communication médiatique, dans le plus pur style de la pratique politicienne, on met en scène les acteurs dans un cadre sécurisant - et sécurisé- censé remettre les pendules à l’heure….
UN DIALOGUE, MAIS QUEL DIALOGUE ?
Un dialogue c’est quand des gens ont à se dire quelque chose.
Que peuvent bien vouloir se dire des jeunes et des policiers ?
Les uns, les jeunes, -ceux montrés du doigt - sont en galère, méprisés tous les jours dans leur exclusion professionnelle, sociale, dans les contrôles policiers vexatoires, dans les médias. Dans ce milieu d’exclusion, où règne un chômage endémique, se développent des activités souterraines constituées de trafics qui font vivre toute une population, sans cesse pourchassées par les autorités.
On peut toujours leur dire qu’ « on les aime », et en particulier que « les policiers les aiment », ce qui est une façon polie de les prendre pour des imbéciles. Entre le discours officiel devant les caméras et la réalité du terrain, ils savent faire la différence.
Les autres, les policiers, sont les instruments d’un système politique. On ne discute pas avec des policiers - avez-vous déjà essayé ?-, ils ne sont pas là pour ça, mais pour faire respecter une règle, une loi, un ordre. Ce ne sont pas uniquement des instruments, ce sont aussi des individus, avec leurs peurs, leurs rancoeurs, leurs fantasmes, leurs haines… et quand on sait que rares sont celles et ceux qui sont policiers par conviction philosophique - ou alors ils déchantent vite - tous les dérapages sont possibles.
Gardiens de l’ordre, d’un ordre inégalitaire et d’exclusion - l’ordre marchand - ils demeurent le pilier essentiel de la stabilité sociale, surtout en période de décadence comme aujourd’hui. Ils ont pour mission de réprimer toute violence sociale directement issue de la violence des rapports sociaux. L’Etat garant de cet ordre, dont ils sont le bras armé, est prêt à tout leur céder pour ne pas les mécontenter et s’assurer leur soutien.
On a donc, pour ce fameux « dialogue » les victimes d’un ordre et ceux qui en sont - militairement - les défenseurs.
On ne voit pas trop où peut être et ce que peut-être ce dialogue.
UN DIALOGUE EN VUE DE QUOI ?
Là est la vrai question. Quel est le véritable objectif ?
S’agit-il de négocier, de trouver un terrain d’entente ? Bien évidemment que non. Il n’y a rien à négocier. Il s’agit uniquement de convaincre les jeunes qu’ils vivent dans une société qui s’impose à eux avec ses règles et que les policiers sont chargés de les faire respecter.
Or, cela, les jeunes le savent,… tous les citoyens le savent. Il n’y a rien de nouveau.
Le dialogue, ou plutôt la mise en présence des jeunes avec des policiers a-t-il un autre objectif ? Probablement, ne serait ce que, à partir de l’hypothèse qui consiste à dire que l’ « on se respecte quand on se connaît », dédramatiser la rencontre entre deux mondes hostiles. On a là les limites du « dialogue ».
En fait il ne s’agit pas d’un véritable dialogue mais d’une mise « en condition psychologique » destinée à créer un choc pour montrer que derrière l’uniforme, la violence, il y a des hommes en chair et en os… et non des « robocops » téléguidés. Mais le fait de les transformer en « robocops » en dit long sur leurs véritables missions.
Cela suffit-il ?
En effet, s’il y a bien des hommes en chair et en os sous les uniformes, ils n’en sont pas pour autant détachés des ordres qu’ils reçoivent… or là est l’essentiel. Il sont la « violence légitime » qu’un système inégalitaire et exploiteur impose à une population en voie d’exclusion, soumise à des règles économiques et sociales qui les instrumentalise…. Toute violence lui est - à cette population - bien entendue interdite, « violence illégitime »… La contestation ne pouvant s’exprimer qu’au travers de procédures politiques qui garantissent que… rien ne change.
Autrement dit, toutes les meilleures intentions du monde - même si elles sont sincères, ce qui est rare - ne sauraient transcender la réalité sociale dans laquelle vivent les acteurs de ces rencontres.
D’ailleurs, ne nous méprenons pas, ce genre d’initiative ne fait pas long feu… Aussitôt engagé, aussitôt terminé.
Le dialogue Jeunes-Policiers est un serpent de mer médiatico politique qui permet après de graves incidents de donner l’illusion de l’apaisement et avant une consultation électorale de montrer au citoyen naïf que la paix règne dans la société.
SAUVER LES APPARENCES
En fait, ce fameux dialogue n’a qu’une seule fonction : sauver les apparences et reculer les échéances. Apparences qui se fondent sur le mythe républicain de l’égalité politique donc implicitement sociale, ce qui est un leurre, et de la neutralité de la police qui défendrait en toute sérénité l’ « ordre démocratique et républicain » ( ?). Les apparences, celles d’une société harmonieuse où règne un ordre « républicain » fondé sur des valeurs incontestables.
Posé comme cela, alors oui, on peut imaginer un dialogue…
Or la réalité est toute autre.
La Police, et toute l’histoire de la République le montre n’est que l’instrument armé d’un système d’exploitation. Bien sûr, elle n’est jamais montrée comme cela, elle est présentée plutôt sur le registre du « sauveur », du « protecteur », du « défenseur de la veuve et de l’orphelin » voire de la « victime »… parfois sous les traits du « super héros » sans peur et sans reproche… le mythe hollywoodien du super flic…
Les quelques missions qu’elle assure « type pompier » permettent à cette Police d’avoir une « image positive » largement surexploitée pour couvrir son autre fonction, essentielle, la répression.
Or, c’est cette fonction principalement qui caractérise la Police, n’en déplaise à ses syndicats. C’est cette fonction dont ont conscience les jeunes - et pas qu’eux.
Un policier punit, surveille, cogne, arrête avant de protéger, conseiller, sauver. Ces trois dernières fonctions sont assurées par les pompiers, les sauveteurs, les médecins. Les précédentes ne le sont que par la Police/Gendarmerie et pour maintenir un ordre, légitime ou illégitime, démocratique ou dictatorial, moral ou amoral,…le policier obéit aveuglément à celui qui le paye. Faut-il citer des exemples dans l’Histoire récente ?
On voit dés lors que tout dialogue avec la Police est biaisé, faux. Le seul dialogue qui puisse être envisagé ne peut avoir lieu qu’avec les donneurs d’ordre de la Police, les autorités politiques… car ce sont elles, et elles seules, qui prennent les décisions et utilisent les policiers comme des pions - ce qui permet à ces derniers, devant l’Histoire, d’échapper à toute responsabilité (« on n’a fait qu’obéir aux ordres ! » - mais alors on change de niveau, on change d’échelle).
Vouloir établir un dialogue entre Police et jeunes n’est qu’une manipulation, une manière pour l’autorité politique de se défausser sur des individus qui n’ont aucun pouvoir, aucune possibilité d’initiative, qui ne peuvent que jouer un rôle qui ne leur appartient pas.
Patrick MIGNARD
Novembre 2009