Nicolás Guillén est né le 10 juillet 1902 à Camaguëy et est mort le 16 juillet 1989 à la Havane. Fils d’un imprimeur, il fit des études de droit, devint avocat, puis journaliste.
Guillén s’inscrit dans le mouvement de rénovation artistique du début du XXème siècle. Il a inventé, sous l’influence de la négritude francophone et de la “ Renaissance de Harlem ”, une poésie d’inspiration africaine et antillaise du nom de « négrisme » (« negrismo »). Il a mené toute sa vie une lutte contre l’exploitation et les injustices sociales. Son œuvre poétique questionne l’identité culturelle du Cubain, identité mêlant l’apport culturel des Indiens Siboney, habitant l’île avant l’arrivée des Espagnols, celui des esclaves noirs originaires d’Afrique de l’Ouest, et celui des descendants des colons espagnols. Il combattit en Espagne aux côtés des Républicains, devint membre du parti communiste exerça les fonctions de directeur des archives folkloriques nationales cubaines. Sous l’ère Battista, il vécut en exil de 1954 à 1958.
Le poème qui suit est extrait de La Colombe au vol populaire.
Exil
Le fleuve
Coule circonspect ;
Onde civilisée
Qui salue en silence
En levant son chapeau.
Mon pays dans le souvenir et moi, à Paris, là cloué
Comme une tendre pipistrelle.
Je veux
Cet avion qui m’emportera :
Quatre moteurs,
Vol sans escale !
Le sang brille sur la poitrine
de ce nuage qui lentement
passe dans le ciel bas.
Vêtu de noir. Blessé
par quatre lames d’acier neuf.
Il vient de la mer des Antilles,
La mer pirate et cannibale,
La dure mère aux yeux avuegles
Et au sommeil assassiné.
Ah ! repartir avec ce nuage,
Ses quatre lames,
Son habit noir !
(Traduction : Claude Couffon)