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Palestine, Gaza, les effets du 7 octobre 2023

Depuis le 7 octobre 2023, majoritairement, se sont exprimées des positions plus indignes les unes que les autres. Bien sûr, prima facie, les actes perpétrés sont hors de l’entendement ; la douleur dépasse la limite du possible. Dans la plupart des expressions émerge une demande irrépressible de vengeance ; une vengeance réactionnelle, dans l’urgence. Laver le sang, laver les traces, hurler, exiger un traitement tout aussi insupportable pour tenter de continuer à respirer. Il faut agir, peu importe l’irraison. On parle de terrorisme, de djihadisme, les media participent à cet amalgame ; qui des partis politiques emportera la bataille en utilisant le champ lexical de la mise au ban de l’humanité de ces jeunes, mais surtout du Hamas ?

Qui trouvera le mot le plus juste pour être au plus près des propos du ministre israélien de la Défense, pour qui les « terroristes ne sont que des animaux ». La mort sera leur sentence. On devrait tous se faire écho de cette affirmation, peu importe si elle représente un total déni de justice et de déshumanisation flagrante. Ne pas adhérer à cet halali est suspect et désigne celui qui la tient à la vindicte publique. Il faut choisir son camp. Pour ou contre ? c’est d’ailleurs bien ce que confirme le garde des Sceaux dans la Circulaire relative à la lutte contre les infractions susceptibles d’être commises en lien avec les attaques terroristes subies par Israël depuis le 7 octobre 2023, envoyée le 10/10/23 à l’ensemble des personnels de Justice.

Vouloir dissocier le Hamas du peuple palestinien revient à imposer l’idée que les membres du Hamas ne sont pas Palestiniens, que leur combat ne s’inscrit pas dans celui de ce peuple ; cette terminologie des dominants imposant une narration à leur avantage vise à délégitimer le droit à la résistance des Palestiniens, où qu’ils se trouvent, en commettant, éventuellement, des actes graves qui s’inscrivent dans la lutte contre une occupation illégale et illicite mais aussi contre un blocus tout autant illégal ; faut-il rappeler à la communauté internationale et à tous les bien-pensants lançant des cris d’orfraie devant les images accablantes défilant sur les écrans télévisés qu’ils participent à la violation du droit de la guerre pour ne pas s’opposer à la mise en place du blocus sur Gaza. Ce blocus ne respecte pas certains des articles de la Quatrième convention de Genève dont l’interdiction de restreindre la transmission de produits alimentaires, de médicaments et d’autres formes d’aide (articles 23, 38 et 55) ; l’entrave des évacuations d’ordre médical (article 17) ; et celle visant à interdire aux civils de quitter la zone de guerre (article 35) et de pourvoir à leur subsistance (articles 39 et 52).

Ce faisant ils participent, par un silence complice, à la déstructuration et à la délégitimation du droit international concernant entre autres, le droit à la résistance du peuple palestinien. Il est important de rappeler et d’affirmer un attachement fondamental aux normes du droit international qui régule et doit continuer de réguler les rapports de force, même si, pour certains, c’est vain et illusoire ou pour d’autres obsolète ou incorrect. Devant les entreprises de déstructuration et de destruction de ce qui a garanti des relations internationales prenant en compte le bien de l’humanité et son évolution, il faut bien redire l’importance d’outils tels que le droit international et le droit humanitaire international. Le monde, dans son ensemble, n’a jamais été aussi proche de les perdre et d’ouvrir ainsi la porte à des rapports de force basés sur la domination, la loi du plus fort, le règne de l’entreprise privée au détriment du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de la non-ingérence dans les affaires internes d’un État et des droits humains. (“ Qu’en est-il aujourd’hui du droit de résister et du droit de se défendre ? Le cas de la Palestine ”, Mireille Fanon Mendes France, 2007, consultable ici).

La communauté internationale assume peu ses responsabilités politiques internationales face aux innombrables violations dont est victime l’ensemble des Palestiniens, peu importe où ils se trouvent, leur âge ou leur statut social. Ils n’ont globalement aucun droit, à moins que le gouvernement israélien ne le décide. Et surtout d’intifada en intifada, de normalisation en mesures d’exception, les Palestiniens voient à la fois leurs droits -dont celui de se déplacer- se réduire comme peau de chagrin, et être confrontés à une politique d’apartheid que les Israéliens refusent de nommer, au prétexte qu’ils ont l’obligation de se protéger des terroristes palestiniens ; droit que leur reconnaissent nombre de pays occidentaux auxquels s’associent leurs alliés. Tout est possible, tout est permis pour l’Etat d’Israël ; cet état de grâce permanent est le symptôme d’une Europe qui ne s’est jamais pardonné d’avoir produit des monstres qui n’ont eu de cesse de chasser les citoyens européens de culture juive vers un pays qui a vu sa naissance sous des auspices pour le moins houleux avec pour conséquence le départ forcé, la Naqba, de milliers de Palestiniens qui ont dû abandonner leurs terres, les mains vides, sans espoir de retour dans les maisons dont certains d’entre eux ont gardé, près de leur cœur, les clés.

Ce crime est atroce, mais est-il plus atroce que ceux perpétrés depuis plus de soixante ans contre les Palestiniens ; qui s’émeut des 230 Palestiniens tués depuis le début de l’année 2023 ? Qui s’émeut des 3 000 Palestiniens tués, dont plus de 1 000 enfants, depuis le 7 octobre dans la Bande de Gaza ? L’humanité des uns ne veut-elle pas l’humanité des autres ? Les guerres permanentes menées par les tenants de l’impérialisme, qu’elles soient de haute ou de faible intensité contre les peuples et contre les gens, démontrent bien qu’il y a une hiérarchisation entre les Êtres et les Non-Êtres. Le système de domination ne peut fonctionner sans ce paradigme de segmentation dont les critères de répartition ne sont plus seulement fonction de la race, de la classe ou du genre mais de la religion, qui a fait brusquement irruption. Ce critère n’est pas le fait des peuples mais des dominants qui se sont érigés défenseurs d’un modèle démocratique ne faisant plus sens car ce sont eux qui l’ont perverti en se servant de l’antienne de la démocratie comme un des éléments assurant la légitimité du système financier.

Dans ce contexte, peu importe les violations graves des droits fondamentaux des Palestiniens, sacrifiés pour donner bonne conscience aux Européens, incapables que sont ces derniers à prendre les décisions adéquates pour contrer une occupation illégale. Cet état de fait perdure. Dès lors, si l’on veut correctement et nommer et apporter une réponse adéquate à cet acte, il faut prendre en charge les conditions historiques du déni du droit fondamental que rencontre la Palestine tout en les croisant avec l’impéritie d’une communauté internationale tremblant devant la crainte de se faire traiter d’antisémite, avec son refus de trouver une solution digne pour les Palestiniens qui sont les victimes du plan de partage de 1947 et de toutes ses conséquences. On ne peut bien sûr passer sous silence l’impossibilité pour l’Autorité palestinienne de faire entendre une voix claire et de résistance face aux obligations que lui imposent les différents bailleurs de fonds et face aux violations systématiques du droit international et pour lesquelles la communauté internationale fait semblant de croire que le peuple palestinien est « terroriste » et ne doit plus résister. Peuple sacrifié au profit d’un Etat qui a acquis sa légitimé par l’incompétence d’une Société des Nations et d’une ONU, toute nouvelle, qui n’a jamais voulu résoudre la question des terres palestiniennes volées par la colonisation et l’occupation illégales.

Le crime commis le 7 octobre force, si l’on veut répondre correctement à celui-ci, à interroger les conditions de l’occupation ayant mené des Palestiniens à cet acte hors du commun et sur celles de ce passage à l’acte, tel que pourrait le commettre toute personne hors de contrôle depuis trop longtemps car l’imposition d’un traumatisme – quelle que soit sa nature – la dépasse. Que signifie vivre sous occupation depuis plus de soixante ans ? Que signifie avoir été confronté à la guerre permanente ? Quel type de résilience peut-il se construire dans une guerre contre les corps, les peuples ?

Tous ceux donnant des leçons et se retranchant derrière la démocratie, se sont-ils une fois interrogés sur la capacité collective qu’ont des États se revendiquant « démocrates », humanistes, et s’identifiant comme portant la Modernité euro centrée, à produire/provoquer de tels actes dépassant l’entendement ?

Vivre, grandir, travailler, mourir à Gaza. L’alternative est sans appel. L’occupation de la Palestine a engendré une tragédie de laquelle a jailli l’horreur mais ce n’était pas sa première expression. Le peuple palestinien vit l’horreur en quotidien. Quel degré dans l’horreur va gravir l’occupant en jetant ce peuple et particulièrement celui de Gaza, dans un enfer encore plus cruel que celui dans lequel il vit depuis 2017 ? Privation de nourriture, d’eau et d’électricité cela revient à achever la vie de millions de personnes alors qu’elle ne tient qu’au fil de l’aide arrivant de manière erratique selon le bon vouloir des occupants. Forcer les Palestiniens à quitter leur vie à Jabalya revient à imposer ce qu’avait imposé l’occupant allemand aux Polonais juifs en les parquant dans le ghetto de Varsovie. L’histoire se répète et se répètera tant que le système de domination sera celui imposé par le système capitaliste, racial et libéral.

Si vous êtes Palestinien, votre droit à la vie sera revisité par les occupants mais aussi par les alliés d’Israël qui ne vous accueilleront que si vous montrez patte blanche. Il est beaucoup exigé du Palestinien et que dire du Palestinien vivant à Gaza ! ce dernier est forcément un terroriste ; cette catégorisation est admise aussi bien par une grande majorité des politiques que par les media mainstream se repaissant d’informations approximatives. Qui demain sera le prochain monstre sur lequel l’humanité bien-pensante, blanche et dominante fera ses dents pour rester maître du jeu de la domination.

Pendant ce temps, les Palestiniens continueront à être emprisonnés, tués, parqués, affamés, mis sous embargo sans que cela ne dérange quiconque. La normalisation de la religion comme nouvelle catégorie de domination fera flores et les ministres de l’intérieur et de la justice continueront à réprimer, à réduire les libertés, dont celle de penser, à coups de décrets plus indignes les uns que les autres.

La solidarité internationale, frileuse, continuera à échanger à coup d’arguties inutiles pour savoir si ce qui a été commis est soutenable ou non, au point d’oublier que tout peuple occupé a le droit de résister et particulièrement face à un « Etat qui, avec les Etats-Unis et certains pays européens, a l’honneur d’avoir à sa tête des criminels de droit international, ce qui ne fait pas honneur à la démocratie tant prônée par ces mêmes pays. Une politique d’agression et de domination coloniale est substantiellement incompatible avec la démocratie : on ne peut être démocrate et en même temps, soumettre les peuples à la domination coloniale, et mener des politiques d’agression d’occupation et d’apartheid (“ Qu’en est-il aujourd’hui du droit de résister et du droit de se défendre ? Le cas de la Palestine ”, Mireille Fanon Mendes France, 2007, consultable ici)

Sans oublier que l’Assemblée générale de l’ONU ne s’est pas privée de souligner, dans sa Résolutions 1514 de 1960, « le désir passionné de liberté de tous les peuples dépendants et le rôle décisif de ces peuples dans leur accession à l’indépendance ». Ce désir d’indépendance s’applique indiscutablement au peuple palestinien qui résiste face à l’occupant israélien dans une lutte qui a toujours été inégale. De plus, rappelons que devant la domination coloniale et la violence exercée sur les peuples colonisés – et aujourd’hui encore sur le peuple palestinien – l’Assemblée générale a également affirmé que « ...le processus de libération est irrésistible et irréversible et que, pour éviter des graves crises, il faut mettre fin au colonialisme et à toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination... ». Cette prise de position s’applique à la lutte du peuple palestinien en vue de son autodétermination et de son indépendance. Il est opportun de rappeler, avec force, à l’Etat d’Israël et aux pays occidentaux qui cautionnent la politique d’apartheid et de domination coloniale du peuple palestinien, certains des termes de la Résolution 1514– mentionnée ci-dessus – affirmant que « ...la sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération internationales.... ». Pour que la Palestine ne disparaisse pas sous nos yeux, il faut faire pression pour que les États, amis d’Israël, cessent de leur fournir des armes et que la communauté internationale questionne sa responsabilité internationale dans la commission d’actes illicites sur plus de soixante-dix années.

Prétendre s’inscrire dans une dynamique de changement de paradigme oblige, quoi qu’il en coûte, à affirmer un soutien à la Palestine résistante, même si l’acte du 7 octobre heurte. Lutter contre l’occupant, lutter contre l’apartheid nécessite quelques transgressions et quelques prises de risque. Ne regardons pas placidement, au prétexte que l’on ne peut rien faire ou que le peuple palestinien est un peuple terroriste, la Palestine être rayée de la carte. Le vieux projet de repenser le Moyen Orient ne peut être réifié en sacrifiant un pays qui a lutté et lutte de toutes ses forces pour retrouver sa dignité, son autodétermination et sa souveraineté politique. On ne peut aussi faire d’amalgame entre victime et agresseur. Ne pas se laisser happer par des positions dominantes culpabilisantes et sans cesse répéter que la situation ne pourra changer que si l’Etat d’Israël stoppe son occupation illégale et retourne hors de la frontière de 1967.

Il serait temps que tous les États, ayant endossé le manteau de la morale et de « la loi et de l’ordre », comprennent que le processus de libération de la Palestine est à la fois inévitable et nécessaire à la marche d’un monde se ruant vers le chaos qu’il a lui-même provoqué. Le monde n’a d’alternative que de périr par la mise en place de politiques mortifères ou de vivre sachant que le pari de l’espoir et de la vie n’existera pour la Palestine, pour Haïti et l’ensemble des pays sous colonisation, dont tous ceux détenus par la France, que si le respect du droit international et du droit humanitaire international reprend toute sa fonction tout en retrouvant son importance afin que ces pays et leur peuple retrouvent la dignité qui leur a été volée par les colonisateurs. Ce sont les luttes de ces pays qui pourront certainement redonner au monde le courage de lutter pour une paix juste, humaine et durable.

Quand cessera l’agonie continuée de la Palestine et d’Haïti ?

Mireille Fanon Mendès France

Fondation Frantz Fanon

»» https://fondation-frantzfanon.com/palestine-gaza-les-effets-du-7-octobre-2023/
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Croire que la révolution sociale soit concevable... sans explosions révolutionnaires d’une partie de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes politiquement inconscientes contre le joug seigneurial, clérical, monarchique, national, etc., c’est répudier la révolution sociale. C’est s’imaginer qu’une armée prendra position en un lieu donné et dira "Nous sommes pour le socialisme", et qu’une autre, en un autre lieu, dira "Nous sommes pour l’impérialisme", et que ce sera alors la révolution sociale !

Quiconque attend une révolution sociale “pure” ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution.

Lénine
dans "Bilan d’une discussion sur le droit des nations", 1916,
Oeuvres tome 22

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