J’ai enfin trouvé un pote qui veut voter "oui" au référendum. Il faut dire que j’ai eu du mal à le trouver, tellement ça commence à se faire rare ces petites bêtes. Mais où est-ce qu’ils se cachent ? Yooo-hoooo, où êtes vous les Oui-Oui ?
Il se peut que je ne fréquente pas les milieux adéquats pour de telles rencontres. Je ne sais pas moi... les plateaux de télé, les rédactions des journaux, les directions de certains partis politiques, ce genre d’endroit quoi. Vous non plus ? Ben alors, qu’est-ce que vous attendez ?
Non, là , franchement, vous n’êtes pas sympas. Vous n’allez quand même pas laisser les partisans du "oui" débattre entre eux ? Car enfin, vous êtes la majorité et vous refusez de vous exprimer à égalité avec eux ? C’est TRES antidémocratique ce que vous êtes en train de faire, vous savez ? Donc, à tous les partisans du "non", je lance un appel :
ACCEPTEZ LES INVITATIONS A DEBATTRE DANS LES MEDIAS !
En plus, quand les Oui-Oui sont entre eux, ils n’arrêtent pas de parler de nous comme si nous étions des ados boudeurs sur le point de rater le bac. "Comment lui dire ? J’ai beau lui répéter, il n’écoute pas !". Hé, les Oui-Oui, on ne vous dérange pas au moins ?
Oui, je sais que ce n’est pas facile de débattre avec eux. A chaque fois ils vous donnent cette impression qu’on aurait oublié leur cadeau d’anniversaire. Ils vont finir par me faire culpabiliser. Il faut dire aussi qu’ils ne nous simplifient pas les choses.
Pas plus tard que l’autre jour, je suis allé à un débat sur la Constitution Européenne et là ... j’apprends de la bouche d’un Oui-Oui que ce texte n’est en fait PAS une Constitution, juste un "Traité Constitutionnel, ce qui n’est pas la même chose".
Me voilà rassuré. Merci pour l’info.
– "Y’a pas de quoi".
Dis...
– "Oui ?".
C’est quoi la différence ?
– "bof, c’est pareil".
Ce n’est pas la même chose mais c’est pareil ?
– "Oui".
Ils sont très forts les Oui-Oui. C’est pour ça qu’ils ne sont pas nombreux. Pour être si forts, il faut beaucoup d’entraînement, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Tenez, au hasard, vous en avez vous, de l’entraînement ?
Hum... c’est bien ce que je pensais...
Revenons à mon Oui-Oui.
J’ai lu que les femmes avaient le droit de fonder une famille.
– "sympa, non ?"
Ouais, sympa. Et pour le divorce ?
– "le quoi ?"
Ben tu sais, le truc qui te tombe dessus juste après ton licenciement.
– "ah, le divorce... c’est sous-entendu."
Sous-entendu ?
– "c’est évident."
Tu veux dire que le mariage est prévu dans ce texte mais pas le divorce ?
– "ben... je pense que oui, enfin non... je veux dire..."
Et c’est tout le long comme ça.
Les Oui-Oui sont tellement forts et ils ont fait tellement d’études supérieures qu’ils ont cru que nous étions trop cons pour lire les 450 articles et la centaine de pages d’annexes. C’est pour ça qu’ils en ont mis autant. Raté.
Ou alors les Oui-Oui pensaient que nous n’aurions pas le temps de les lire.
C’est pour ça qu’ils sont si pressés. Raté.
Ou alors les Oui-Oui espéraient que nous ne comprendrions pas. C’est pour ça qu’ils ne nous laissent pas parler. Raté.
Les Oui-Oui pensaient nous impressionner en prenant un air sérieux en mâchouillant le monture de leurs lunettes. "Oui, vous comprenez, cette Constitution - qui est en réalité un Traité Constitutionnel, n’est-ce pas ? - permettra à l’Europe de...".
En réalité, les Oui-Oui pensaient nous faire un petit "coup-d’état constitutionnel" tout en douceur.
Désormais, ce n’est même plus "non" qu’il faut leur répondre : c’est carrément "ta gueule".
Viktor Dedaj
"Oui-Oui, c’est ça, cause toujours".
mars 2005