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OTAN : QUO NON EXTENDAM ?

Si la signature du traité de l’Atlantique Nord a bien lieu le 4 Avril 1949 à Washington, il serait erroné d’en déduire que cette signature et la création d’une alliance militaire transatlantique qu’elle fonde marquent le début de la guerre froide.

L’acte officiel de lancement de la guerre froide a eu lieu trois ans plus tôt très exactement le 5 Mars 1946. Il s’agit du discours prononcé ce jour là par WINSTON CHURCHILL à l’Université de FULTON (Missouri), lui même inspiré par le diplomate US GEORGE KENNAN qui ambassadeur des Etats-Unis à Moscou théorise la future guerre antisoviétiques dès le 22 Février 1946

Bien que battu aux élections de 1946 et remplacé au pouvoir à Londres par le dirigeant du parti travailliste CLEMENT ATTLEE , CHURCHILL garde une place internationale éminente puisqu’il est avec STALINE, le seul des dirigeants des puissances victorieuses du fascisme à avoir participé aux conférences qui ont procédé au partage du monde en zones d’influence : Conférence de Téhéran (28 Novembre - 1 décembre 1943 ) conférence de Yalta,(4-11 Février 1945 ) conférence de Potsdam(17 Juillet-2 Aout 1945) et à savoir ce qui a été décidé au cours de ces trois conférences.

Mais autant il a pu en 1943 reconnaitre le rôle décisif de l’URSS dans la défaite du fascisme et prononcer un éloge appuyé de ce pays et de son peuple, autant trois ans plus tard son discours est devenu hostile et il accuse l’URSS d’avoir fait descendre un « rideau de fer » au milieu de l’Europe. L’expression très forte et qui fera le tour du monde laisse penser que l’URSS est la responsable d’une division du continent qui a en réalité été décidée d’un commun accord.

Le discours de FULTON annonce que l’alliance entre les bourgeoisies occidentales et le socialisme soviétique n’était qu’une alliance de circonstance et qu’à nouveau comme entre 1917 et 1922 lorsque les puissances capitalistes (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Japon Allemagne…) envoyaient des troupes combattre l’armée rouge aux côtés des russes blancs , la lutte pour la domination du monde par le capitalisme anglo-saxon et les autres puissances coloniales reprend.

Il fait en même temps comprendre clairement aux peuples d’Europe que quels que soient leurs choix électoraux ou leurs préférences politiques, chacun doit rester du côté du « rideau de fer » où il se trouve.

Les Etats-Unis sont évidemment au coeur du projet. Leur territoire est intact, leurs pertes en hommes sont infimes comparées aux pertes soviétiques, leur industrie a été dopée par l’effort de guerre ils dominent l’économie mondiale (50% du PIB mondial à eux seuls) et disposent depuis la double expérimentation in vivo des 6 et 9 Aout 1945 (Hiroshima et Nagasaki) de l’avantage militaire décisif : la possession de l’arme atomique. Ils vont donc prendre la place centrale dans cette guerre froide annoncée et y investir d’énormes moyens financiers. Le Président Truman met tout le poids de son pays dans l’opération et lance le 29 mars 1947, dans un discours prononcé devant le Congrès, le plan Marshall (du nom du général qui est alors secrétaire du Département d’Etat étasunien).

Les pays cibles du plan Marshall sont en priorité ceux situés à l’Ouest du « rideau de fer » dans lesquels des partis communistes, sortis grandis et armés de leur participation à la résistance populaire contre le nazisme, sont puissants. L’aide Marshall va permettre à des gouvernements bourgeois de s’installer au pouvoir. Les PC français et italiens sont mis sur la touche, tolérés dans le pays mais interdits de pouvoir. Ils acceptent cette marginalisation qui sera définitive pour le PC italien aujourd’hui disparu. Le PC grec, bien qu’il ait eu un rôle décisif dans la résistance à l’occupation nazie a été mis sur la touche par la Grande-Bretagne, la bourgeoisie et les fascistes grec, se réveille tardivement et reprend les armes contre le nouveau régime. La riposte est immédiate : le premier Avril 1947 un général US débarque sur le sol grec avec 5000 hommes et prend le commandement d’une guerre « civile » qui bien alimentée en dollars US durera deux ans. Elle sera féroce, extrêmement sanglante et conduira à une quasi liquidation des communistes grecs et à une interdiction du PC qui durera jusqu’en 1974. Les fascistes grecs alors soutenus et conseillés par les Etats-Unis se permettront mettre de faire un coup d’Etat militaire qui saignera à nouveau le pays et les partis de gauche grecs pendant 7 ans (1967-1974)

La Grèce étant à l’Ouest du « rideau de fer », l’URSS, affaiblie par la guerre et en situation d’infériorité militaire, n’intervient pas. Le partage du continent est ainsi respecté par la force. Pour autant les « occidentaux » ne vont pas hésiter à tenter des débaucher des pays situés dans la zone d’influence soviétique. Tel sera le cas de la Tchécoslovaquie. Les élections qui suivent la guerre ont donné une place prépondérante au PC tchèque (43% des voix). Il va former un gouvernement de coalition avec des partis bourgeois. Confronté aux graves problèmes matériels de la reconstruction du pays, le gouvernement tchèque envisage de faire appel à l’aide MARSHALL. Pour l’URSS c’est le signe que le « rideau de fer » peut se déplacer pourvu qu’il se déplace vers l’Est. L’URSS s’oppose à cette demande d’aide financière aux Etats-Unis et exige du gouvernement tchèque dirigé par les communistes qu’il refuse cette aide. Le PC Tchèque mobilise la population dans ce sens. La crise politique éclate à Prague en Février 1948.

Les partis bourgeois quittent le gouvernement et le PC tchèque reste seul au pouvoir. Pas un coup de feu n’a été tiré mais cette prise de pouvoir des communistes par défaut, sera dénommée « coup de Prague » et à l’Ouest, elle symbolisera la mainmise soviétique sur l’Europe orientale et permettra de faire passer sous silence l’exclusion du pouvoir des PC français et italien et les horreurs la guerre civile grecque.

Reste le cas de l’Allemagne. Découpée en quatre zones d’occupation (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et URSS) au sortir de la guerre le « rideau de fer » n’y a pas été tiré puisqu’en vertu des accords de Potsdam la gestion du pays doit rester quadripartite en attendant un accord entre les puissances occupantes sur l’avenir du pays. En fait les trois occidentaux unifient leurs 3 zones d’occupation et commencent à s’acheminer vers la coupure du pays en deux en créant une nouvelle monnaie pour leur zone commune.

Cette décision prise en contradiction avec les accords de Potsdam est un premier pas vers la partition du pays. Le rideau de fer commence ainsi à s’abaisser au milieu de l’Allemagne. L’URSS, après de vaines protestations, va tenter de s’opposer à la manoeuvre par le blocus de Berlin. La tentative échoue.

D’autres évènements marquants marquent cette période charnière entre le discours de FULTON et le traité de l’Atlantique Nord.

- Après avoir installé à Panama l’Ecole des Amériques qui formera tous les tortionnaires, les militaires putschistes, les organisateurs des escadrons de la mort qui empêcheront pendant plus d’une demisiècle toute transformation politique démocratique sur le continent, Les Etats-Unis fondent l’Organisation des Etats américains (Bogota 25 Avril 1948) et s’assurent ainsi pour plus d’un demisiècle le contrôle politique économique et militaire sur les pays de leur « arrière-cour ». Ceux-ci épargnés par la guerre et déjà décolonisés depuis un siècle aspirent à un développement national autonome et les Etats-Unis empêcheront l’émergence de dirigeants porteurs de ces aspirations. Le dirigeant colombien progressiste JORGE GAITAN est assassiné à Bogota le 9 Avril 1948 au moment même où se tient dans la ville la réunion fondatrice de l’OEA. Les services secrets étasuniens ont commandité le meurtre mais alimentent la rumeur d’un assassinat organisé par le PC colombien. L’avertissement aux dirigeants latino-américains est clair : le sous-continent doit rester sous domination étasunienne. L’assassinat de JORGE GAITAN marque le début d’une guerre civile colombienne qui durera quatre ans, fera 200 000 à 300 000 victimes et sera le terreau de la lutte armée qui n’a jamais vraiment cessé en Colombie, toutes les tentatives de règlement négociée de la crise politico-sociale ayant été noyées dans le sang

- Après la défaite du japon les Etats-Unis ont tenté de soutenir - y compris militairement

- les nationalistes chinois pour éviter la victoire des communistes. Mais Ils n’y parviendront pas et le Parti Communiste Chinois prend seul le pouvoir le 01.10.1949. Sur le continent eurasiatique les positions de l’impérialisme occidental sont donc très affaiblies. Après l’URSS, la Chine va passer aux mains des communistes, ce qui représente un gain démographique, territorial et politique énorme pour le camp socialiste L’Amérique soumise et satellisée, l’Afrique encore sous le joug colonialiste européen, il est urgent de créer un bastion impérialiste en Europe de l’Ouest face au danger communiste qui grandit à l’Est du grand continent eurasiatique.

L’OTAN entre alors en scène et son émergence ne peut être comprise que dans ce cadre géopolitique global. Le traité de l’Atlantique Nord manifeste que la direction de l’impérialisme est désormais installée définitivement à Washington au détriment de Londres et que les vieux impérialismes européens, qu’ils aient été dans le camp des vainqueurs ou dans celui des vaincus : britannique, français, belge, néerlandais, italien sont passés sous contrôle étasunien. Le cas de l’Allemagne est laissé temporairement de côté, le découpage en deux Etats voulu par l’Occident au mépris des accords de fin de guerre, n’est pas encore effectif et les réticences des opinions publiques européennes vis-à -vis du pays porteur des horreurs du nazisme encore trop fortes 4 ans après la fin de la guerre.

Dans sa lettre le traité de Washington ne s’affiche pas comme une alliance contre un adversaire désigné nommément et donc sa survie et sa durée exceptionnellement longue pour une alliance de ce type sont dés l’origine formellement possibles quand l’adversaire concret ou réellement existant disparait quelle que soit la façon variable utilisée pour le dénommer : « bloc de l’Est », « camp socialiste » sans compter toutes les structures sociales ou institutions sur lesquelles on peut coller le qualificatif disqualifiant de « stalinien »

Le préambule du traité et les deux premiers articles sont ainsi libellés :
(parties en rouge sélectionnées par COMAGUER pour souligner que les violations du texte n’ont pas cessé depuis la disparition de l’URSS)
Le Traité de l’Atlantique Nord
Washington DC, le 4 avril 1949

Les Etats parties au présent Traité, réaffirmant leur foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations Unies et leur désir de vivre en paix avec tous les peuples et tous les gouvernements. Déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit. Soucieux de favoriser dans la région de l’Atlantique Nord le bien-être et la stabilité. Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective et pour la préservation de la paix et de la sécurité. Se sont mis d’accord sur le présent Traité de l’Atlantique Nord :

Article 1

Les parties s’engagent, ainsi qu’il est stipulé dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et à s’abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l’emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies.

Article 2

Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être. Elles s’efforceront d’éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d’entre elles ou entre toutes.

La référence appuyée aux buts, principes et texte de la Charte des nations Unies mérite examen.

La Charte des Nations Unies est signée le 26 Juin 1945 à San Francisco dans l’euphorie de la victoire. La victoire est d’ailleurs incomplète puisque le Japon ne capitulera qu’après les deux bombardements atomiques. Il faut donc considérer l’engagement de régler les crises et désaccords internationaux autrement que par la guerre comme ne s’appliquant pas à la guerre en cours. A la différence de la Société des Nations à laquelle les Etats-Unis n’avaient pas adhéré bien qu’ils l’eussent conçue, la Charte des nations Unies les engage comme elle engage les 57 autres signataires.

Porteuse d’un espoir de paix et de progrès social cette charte n’empêchera pas les Etats-Unis d’organiser la guerre civile en Grèce , de soutenir les armées du Kouo-Min-Tang contre les communistes chinois, pas plus qu’elle n’empêchera le France coloniale de continuer ses exactions en Algérie (massacres de Sétif, répression féroce à Madagascar et démarrage de la guerre d’Indochine au mépris des communistes vietnamiens qui ont tenté en vain de parvenir à une indépendance négociée en tous points conformes à la Charte), pas plus qu’elle n’empêchera les Pays-Bas de mener une campagne militaire brutale pour tenter de s’opposer à l’indépendance de l’Indonésie, pas plus qu’elle n’empêchera la Grande-Bretagne d’organiser la plus grande catastrophe humanitaire du siècle : la partition de l’Inde.

La référence faite à la Charte des Nations Unies dans le traité de l’Atlantique Nord est donc un exercice de style diplomatique assez honteux quand on recense les faits et gestes de ses signataires pendant la très brève période qui s’étend entre le 26 Juin 1945 et le 4 Avril 1949.

Cette même période a été également marquée par les actions visant à exclure l’URSS et ses alliés de la conduite des affaires mondiales. Les deux plus significatives sont la mise à bas de la Fédération syndicale mondiale et le blocage de l’Organisation internationale du commerce.

Fondée en 1945 la Fédération syndicale mondiale est conçue comme un outil de lutte contre la guerre en considérant que le développement des relations à la base entre travailleurs du monde est un outil de compréhension entre les peuples et les pays et que plus cette compréhension est profonde et plus étroits les rapports directs entre ouvriers et syndicats, plus faibles sont les chances de voir se reproduire une catastrophe comme l’effondrement de la Seconde Internationale en Aout 1914. La CIA va s’employer activement et avec de gros moyens financiers à diviser le mouvement syndical dans les pays occidentaux et à faire éclater la FSM. Cette opération aboutit en 1948 avec la création d’une internationale syndicale concurrente de la FSM : la CISL et en France la scission CGT/CGT-FO. La FSM dont le siège était à Paris doit se replier à Prague, le « rideau de fer » est aussi descendu sur le mouvement syndical.

Dans l’esprit de la Charte des Nations Unies s’ouvre à la Havane une conférence pour la création d’une ORGANISATION INTERNATIONALE DU COMMERCE.

Une charte dite « charte de la Havane « est rédigée qui pose les fondations d’une organisation réglant les rapports commerciaux entre Etats avec l’objectif de favoriser les échanges mais avec le double souci de garantir partout le plein emploi et d’éviter que les gros écrasent les petits. Dans ses principes comme dans les applications qu’elle prévoir La Charte de la Havane est l’exacte antithèse du traité de Marrakech qui fondera l’OMC en 1993, traité qui représente la quintessence du libéralisme économique, idéologie qui justifie l’écrasement du faible par le fort. Le Congrès US refusera de ratifier la charte de l’OIC qui ne verra donc pas le jour. Ne subsisteront des travaux de la Havane que les mécanismes d’abaissement indéfini des barrières douanières dans le cadre du GATT, abaissement qui freine voire interdit toute étape de démarrage d’industrialisation nationale à l’abri des frontières et qui programme la disparition des cultures alimentaires locales au profit des agriculteurs subventionnés des Etats-Unis dans u premier temps et de la CEE ensuite.

L’OIC enterrée, il ne reste de la nouvelle organisation internationale imaginée au sortir du conflit mondial que les structures destinées à assurer la domination du dollar sur le commerce international : le FMI et la Banque mondiale.

Il y a donc bien, dés le discours de Fulton, une volonté de l’Occident et des Etats-Unis qui en ont pris la tête, le lancement d’une série d’actions dans tous les domaines et sur tous les continents destinées à affirmer et à organiser la domination mondiale du régime capitaliste en encerclant les pays socialistes et en interdisant militairement aux pays et aux peuples qui tenteraient de choisir le chemin de l’indépendance économique de le faire.

Le traité de Washington vient clore cette période de l’immédiat après-guerre et scelle l’alliance politicomilitaire des anciennes puissances coloniales affaiblies et du nouveau maitre incontesté de l’ordre impérialiste nouveau. Pendant toute cette période l’URSS a tenté de préserver l’éphémère statu-quo de 1945 mais s’est retrouvée le plus souvent dans des positions inconfortables ou même intenables à terme - cas de Berlin par exemple - dans lesquelles l’adversaire l’avait poussée. Elle ne fera que rechercher des parades aux actions adverses : bombe A expérimentée en 1949, bombe H en 1953 un an après la bombe H étasunienne, COMECON (marché commun des pays de l’Est) créé en Janvier 1949 en réponse au plan Marshall (mars 1947) Pacte de Varsovie signé en 1953, 4 ans après le traité de Washington. Sur le « grand échiquier » eurasiatique l’URSS est toujours en retard d’un coup. Le seul cas d’avance technique soviétique sera dans le domaine astronautique avec le lancement en Octobre 1957 du premier satellite artificiel (Spoutnik) et les Etats-Unis mettront aussitôt les bouchées doubles pour rattraper ce retard.

D’HIER A AUJOURD’HUI

Les troupes russes retirées d’Allemagne et des pays de l’Est, le pacte de Varsovie disparu, l’URSS dissoute, l’OTAN continue se renforce et s’étend.

Ses membres sont passés de 16 en 1991 à 28 aujourd’hui, compte tenu de l’intégration en Avril 2009 de la Croatie et de l’Albanie et deux petits autres pays des Balkans, Macédoine et Monténégro, devraient rapidement rejoindre l’Organisation. D’autre part , tout en n’accordant la qualité de membre qu’à des pays d’Europe et d’Amérique du Nord ce qui respecte assez grossièrement le Traité en ce sens que la caractère « Atlantique » de la Bulgarie ou de la Hongrie tout autant que celui de la Grèce et de la Turquie intégrées à l’organisation dès 1952, l’OTAN a lancé toute une série de partenariats que ce soit avec Israël, avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée, avec les pays du Golfe, avec les pays d’Afrique subsaharienne avec le Japon , avec l’Australie et la Nouvelle Zélande qui en fait aujourd’hui sur les bases de la standardisation des matériels et des procédures , de la formation des personnels et de la pratique régulière des exercices communs , une alliance militaire à spectre de domination mondial, seul le continent américain demeurant chasse gardée exclusive des Etats-Unis.

Si l’Union européenne ne fait pas partie en tant que sujet de droit international de l’OTAN c’est que six pays membres de l’Union (Autriche, Chypre, Finlande Irlande, Malte et Suède) n’ont pas adhéré au Traité de l’Atlantique Nord et qu’aucun d’entre eux n’a entamé des démarches officielles pour le faire malgré les pressions subies par leurs gouvernements. Ceci n’empêche pas les traités successifs l’UE de faire référence à l’OTAN comme « matrice » de sa politique de sécurité et de défense et d’engager les troupes des pays européens membres de l’Otan dans des guerres d’agression initiées par les Etats-Unis là encore en violation de la Charte des Nations Unies et du texte lui-même du traité (cas de l’Afghanistan par exemple).

Ne restent extérieurs à l’OTAN et à la sphère d’influence qu’elle s’est construite qu’un petit nombre de pays : Chine, Russie, Corée du Nord, Iran pays membres de l’Organisation du traité de Sécurité collective soit outre la Russie, l’Arménie, le Belarus, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et la Kirghizie.

(L’Amérique Latine a, rappelons-le, un statut particulier de mise sou contrôle direct US hors OTAN) De ce bref panorama il ressort que l’OTAN, dont le budget militaire des Etats-membres représente 75 % des dépenses militaires mondiales, est et reste le bras armé de l’Occident capitaliste néocolonial blanc rassemblé autour de la puissance militaire dominante : les Etats-Unis.

Il n’y a donc aucune raison de s’étonner, comme cela s’est trop fait dans la période marquée par les fastes médiatiques du 60° anniversaire, de la persistance de l’OTAN malgré la disparition du « bloc soviétique ».

L’OTAN est un outil central de l’impérialisme étasunien contemporain qui continue à s’abriter derrière des valeurs énoncées dans le traité de Washington (qu’il n’a d’ailleurs jamais cessé de piétiner dans les faits) et qui n’a pas un adversaire mais est adversaire de toute tentative d’émancipation politique, de toute recherche de développement national autonome, de toute aspiration à échapper au talon de fer des firmes transnationales et des distributeurs des dollars de l’assujettissement.

La question qui est posée est celle de la capacité de cette énorme puissance militaire à se maintenir alors qu’elle a de moins en moins les moyens financiers de ces appétits de pouvoir mondial.

L’EXCEPTION FRANCAISE ?

La trajectoire de l’impérialisme français pendant toute cette période mérite un examen particulier. Absent pour cause de défaite et d’occupation étrangère des conférences de Téhéran, Yalta et Potsdam la France réussit, grâce à l’alliance éphémère entre gaullistes et communistes et à la participation massive des troupes coloniales à trouver sa place dans le concert des 3 vainqueurs avec l’assentiment de l’URSS. Il est connu que de leur côté, les Etats-Unis ont tenté diverses manoeuvres pour écarter De Gaulle du pouvoir et le remplacer par un dirigeant ne s’appuyant pas sur les communistes. La manoeuvre n’aboutira qu’en 1947 et le gaullisme doit être considéré comme une victime occidentale de la guerre froide commençante. Cette parenthèse refermée, la bourgeoisie colonialiste française, qui a trouvé son expression politique immédiate dans le tripartisme, reprend les rênes et s’inscrit dans la nouvelle structuration impérialiste globale. La France mène la guerre d’Indochine avec un financement des Etats-Unis , prend toute sa place dans l’OTAN nouvelle au point d’accueillir sur son sol le quartier général des forces alliées en Europe (SHAPE à Rocquencourt) et laisse s’installer des bases militaires US sur le territoire national. Le retour au pouvoir de De Gaulle en 1958 se fait dans des conditions politiques très différentes de celles de 1945.

L’alliance issue de la Résistance n’a plus de raisons d’être, le PCF est tenu fermement à l’écart du pouvoir et la SFIO s’est déconsidérée dans l’expédition de Suez et dans la guerre d’Algérie. La voie est libre pour une droite assez largement rassemblée qui l’appelle au pouvoir. Le socle politique du nouveau gaullisme est assez solide pour lui permettre de tourner la page d’un colonialisme trop coûteux et d’installer un régime semi-présidentiel fort. Ce pouvoir bourgeois rénové va pouvoir s’affirmer sur la scène internationale avec l’entrée de la France dans le camp des puissances nucléaires.

Disposant de cet outil de l’autonomie stratégique, la France gaulliste peut élever de nouveau la voix. De Gaulle va le faire en prenant ses distances avec l’OTAN sous la forme d’un retrait du Commandement militaire intégré et de la fermeture des bases Us sur le sol français. Mais ce retrait n’est en aucune manière une rupture avec le camp occidental ni encore moins un signe de rapprochement avec le bloc soviétique. La position choisie par de Gaulle est bien explicitée dans le mémorandum qu’il adresse en au Premier Ministre britannique Mac Millan et au président US

Le contenu de ce mémorandum (voir texte en annexe) montre que de Gaulle s’écarte un peu de l’OTAN non pas parce qu’il n’adhère pas à ses principes et à ses objectifs mais parce qu’il se sent à l’étroit dans le cadre Nord-Atlantique et que la France de la V° République a des ambitions de puissance mondiale qu’elle va mettre en oeuvre en Afrique (la fameuse Françafrique des pétroliers des barbouzes et des réseaux) et dans ce qui lui reste de colonies : les DOM et TOM si petits mais si bien répartis sur tous les océans du monde qu’ils lui donnent une capacité d’intervention planétaire. La « rupture » avec l’OTAN n’est donc qu’une réaffirmation de la France coloniale dans des formes plus adaptées à la modestie de ses moyens du moment. Modestie par rapport à l’incomparable budget militaire US mais qui va quand même permettre de structurer pour longtemps l’industrie et la bourgeoisie capitaliste françaises autour des industries d’armement, astronautique comprise.

L’OTAN puissance globale ?

Confirmée comme un outil de l’hégémonisme étasunien L’OTAN peut changer d’adversaire mais pas de raison d’être : dominer. Elle et ses membres ont suffisamment piétinés les valeurs dont ils et elle se réclament pour ne plus être pris au sérieux. L’OTAN peut effrayer, peut même terroriser les autres Etats par l’énormité de ses moyens militaires.

Cependant à bien observer la réussite de ces interventions « postcommunistes » on tire deux leçons :

- L’OTAN ne s’attaque qu’à des adversaires militairement très faibles : Yougoslavie, Afghanistan

- Le cas de l’Irak est particulier puisque l’abstention française a empêché de labéliser OTAN la guerre mais la plupart des membres de l’OTAN y ont participé

- L’OTAN ne gagne pas : Afghanistan
Enfin et surtout du pont de vue géopolitique global l’hégémonisme étasunien et l’OTAN sont contestés :

- En Amérique Latine : par la création récente de l’UNASUR outil de coordination des politiques militaires des Etats latino- américains qui sans être une alliance ouvre la voie à une autonomie stratégique du continent

- En Eurasie : par la création de l’Organisation de Coopération de Shanghai qui permet la coordination stratégique des deux plus grandes puissances du continent : Chine et Russie.

La capacité militaire tactique des Etats-Unis et de l’OTAN est énorme et leurs capacités de destruction formidables mais stratégiquement les pays de cette alliance vieillie ne représentent que les tenants d’un système de domination néocolonial en déclin qui n’est plus porté que par les couches dirigeantes de pays ne rassemblant plus qu’un peu plus de 10 % de la population du globe et qui ne conserve plus comme monopole que celui de la menace de mort et du chantage économique et financier , toutes les autres capacités : scientifiques, techniques, industrielles intellectuelles, artistiques étant désormais réparties dans le reste , c’est-à -dire la très grande majorité, de l’humanité vivante.

Annexe

Mémorandum de De Gaulle au premier Ministre britannique Mac Millan et au
Président US Eisenhower - 17 Septembre 1958

Mémorandum

Les événements récents au Moyen-Orient et dans le détroit de Formose ont contribué à 
montrer que l’organisation actuelle de l’alliance occidentale ne répond plus aux
conditions nécessaires de la sécurité, pour ce qui concerne l’ensemble du monde libre. A
la solidarité dans les risques encourus, ne correspond pas la coopération indispensable
quant aux décisions prises et aux responsabilités. Le gouvernement français est amené
à en tirer des conclusions :

1° L’alliance atlantique a été conçue et sa mise en oeuvre est préparée en vue d’une
zone d’action éventuelle qui ne répond plus aux réalités politiques et stratégiques. Le
monde étant ce qu’il est, on ne peut considérer comme adaptée à son objet une
organisation telle que l’O.T.A.N., qui se limite à la sécurité de l’Atlantique Nord,
comme si ce qui se passe, par exemple, au Moyen-Orient ou en Afrique, n’intéressait
pas immédiatement et directement l’Europe, et comme si les responsabilités indivisibles
de la France ne s’étendaient pas à l’Afrique, à l’océan Indien et au Pacifique. D’autre
part, le rayon d’action des navires et des avions et la portée des engins rendent
militairement périmé un système aussi étroit. Il est vrai qu’on avait d’abord admis
que l’armement atomique, évidemment capital, resterait pour longtemps le monopole
des Etats-Unis, ce qui pouvait paraître justifier qu’à l’échelle mondiale des décisions
concernant la défense fussent pratiquement déléguées au gouvernement de Washington.
Mais, sur ce point également, on doit reconnaître qu’un pareil fait admis au préalable
ne vaut plus désormais dans la réalité.

2° La France ne saurait donc considérer que l’O.T.A.N., sous sa forme actuelle,
satisfasse aux conditions de la sécurité du monde libre et, notamment, de la sienne
propre. Il lui paraît nécessaire qu’à l’échelon politique et stratégique mondial soit
instituée une organisation dont elle fasse directement partie. Cette organisation
aurait, d’une part, à prendre les décisions communes dans les questions politiques
touchant à la sécurité mondiale, d’autre part à établir et, le cas échéant, à mettre en
application les plans d’action stratégique, notamment en ce qui concerne l’emploi des
armes nucléaires. Il serait alors possible de prévoir et d’organiser des théâtres
éventuels d’opérations subordonnés à l’organisation générale :

a) Arctique,

b) Atlantique (Europe, Afrique du Nord, Moyen-Orient, Amérique orientale),

c) Pacifique,

d) Océan Indien (Inde, Madagascar, Afrique centrale et méridionale).

3° Le gouvernement français considère comme indispensable une telle organisation de
la sécurité. Il y subordonne dès à présent tout développement de sa participation
actuelle à l’O.T.A.N., et se propose, si cela paraissait nécessaire pour aboutir,
d’invoquer la procédure de révision du traité de l’Atlantique Nord, conformément à 
l’article 12.

4° Le gouvernement français suggère que les questions soulevées dans cette note
fassent le plus tôt possible l’objet de consultations entre les Etats-Unis, la Grande-
Bretagne et la France. Il propose que ces consultations aient lieu à Washington et,
pour commencer, par la voie des ambassades et du Groupe permanent.

Source
GAULLE, Charles de. Lettres, notes et carnets (juin 1958-décembre 1960). Paris :
Plon, 1985, p. 398-399.

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