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Non, ce n’est pas un complot… juste une pathologie

Le 1er septembre 2018 Le département d’État américain a clairement exposé ses plans pour garantir la primauté mondiale de l’Amérique. S’exprimant devant la commission des relations extérieures du Sénat, l’assistant du secrétaire d’État pour l’Europe et l’Eurasie, Wess Mitchell, a déclaré que les États-Unis punissent la Russie parce que Moscou empêche Washington d’établir sa suprématie sur le monde. Les États-Unis, enfin, ont ouvertement reconnu la raison de leur lutte contre la Russie et qu’ils n’accepteront, face à celle-ci, aucune issue autre que sa capitulation, car la suprématie mondiale des États-Unis est impossible sans un contrôle total de l’Eurasie, que pour l’instant ils n’ont pas.

Les États-Unis, enfin, ont ouvertement reconnu la raison de leur lutte contre la Russie et qu’ils n’accepteront, face à celle-ci, aucune issue autre que sa capitulation, car la suprématie mondiale des États-Unis est impossible sans un contrôle total de l’Eurasie, que pour l’instant ils n’ont pas.

Tout cela n’est pas une conjecture pour les « théoriciens du complot », ni de la « propagande de Poutine », mais la quintessence de la politique des États-Unis évoquée par l’assistant du secrétaire d’État pour l’Europe et l’Eurasie, Wess Mitchell, devant le Comité sénatorial des relations extérieures.

Mitchell a expliqué aux sénateurs que le financement du département d’État dépend essentiellement de la politique américaine envers la Russie. Il a qualifié la « reconnaissance que l’Amérique est entrée dans une période de grande compétition » comme étant « le point d’appui de la stratégie de sécurité nationale », après avoir souligné que les précédentes administrations ne s’étaient pas suffisamment inquiétées de cela et ne s’étaient pas préparées à vaincre dans cette compétition.

Le haut représentant du département d’État a souligné : « Contrairement aux hypothèses optimistes des précédentes administrations, la Russie et la Chine sont des concurrents sérieux qui se donnent les moyens matériels et idéologiques pour contester la primauté et le leadership américains au XXIe siècle. »

Et après cela, Mitchell a fait exploser une bombe, qui, cependant, ne sera pas une surprise pour ceux qui ont compris que la Russie est déjà dans une situation de guerre hybride avec les États-Unis :

« Il est toujours d’un intérêt primordial pour les États-Unis, en matière de sécurité nationale, d’empêcher la domination de la masse terrestre eurasienne par des puissances hostiles. »

Et ici, Mitchell a fait exploser une bombe atomique, avec de terribles conséquences destructrices, et pas seulement une bombe ordinaire.

Premièrement, l’établissement d’un contrôle total sur l’Eurasie est déclaré comme la tâche la plus importante pour les États-Unis. Une revendication claire est faite en faveur d’une victoire de la civilisation maritime sur la civilisation continentale, centre et seul pilier qui soutient la Russie.

Deuxièmement, Washington avance ouvertement la priorité des exigences les plus strictes de la géopolitique dans le sens le plus catastrophique (la mer doit inonder la terre).

Troisièmement, un défi est lancé à l’existence même de la Russie : elle ne peut mettre fin à sa domination dans sa propre zone géographique vitale qu’en se fragmentant en petits États fantoches.

Quatrièmement, la Russie est qualifiée de pays « hostile ». Cela implique qu’une guerre hybride lui a été déclarée depuis longtemps, guerre que les Américains, comme Mitchell l’a noté plus tôt, essaieront de gagner. Ainsi, il reconnaît que les tentatives de Moscou pour parvenir à un accord avec Washington ne peuvent être entendues que s’il s’agit d’une capitulation.

Enfin, et cinquièmement, Mitchell a mentionné les « puissances hostiles » au pluriel, cela peut seulement désigner l’alliée de la Russie, la Chine, seule puissance indépendante à la périphérie de l’Eurasie. Les États-Unis considèrent la Chine comme leur principal concurrent dans les domaines économique et militaire, qui, à certains égards, est tout aussi puissant que la menace russe et, à long terme, encore plus dangereux. Ainsi, « empêcher la domination » de la Chine dans les espaces ouverts de l’Eurasie implique le même scénario que pour la Russie : démanteler l’Empire céleste en attirant certains pays qui rivalisent pour attirer l’attention et les faveurs de Washington, et n’ont pas de prétentions géopolitiques.

Voici l’ampleur de la chose.

Faut-il se préparer à la troisième guerre mondiale ?

En général, quoi qu’on fasse, Mitchell a déclaré que les États-Unis se préparaient à un conflit universel, une nouvelle guerre mondiale et que « l’objectif principal de la politique étrangère de l’administration est de préparer notre nation à relever ce défi en renforçant systématiquement les forces militaires et économiques et les fondements politiques du pouvoir américain ». La voie vers la victoire est la destruction de la Russie, contre laquelle il faut, selon le plan du Département d’État, convaincre et unir ses voisins de marcher, au rythme de Washington et de ses vassaux américains en Europe.

La diplomatie, selon Mitchell, est un élément mineur dans les relations avec la Russie, ce que les cercles influents de Moscou refusent obstinément de reconnaître, car ils ont l’illusion de pouvoir « s’entendre » avec Washington sur autre chose qu’une capitulation. Le haut représentant du Département d’État a clairement indiqué que « notre politique russe repose sur la reconnaissance du fait que pour être efficace, la diplomatie américaine envers la Russie doit être soutenue par un pouvoir militaire inégalé et pleinement intégré à nos alliés et à tous nos instruments de pouvoir ».

Mitchell se vantait que, depuis un an et demi – lorsque, ajoutons-nous, l’agent russe Donald Trump était déjà à la Maison-Blanche – les États-Unis ont obtenu des alliés de l’OTAN une augmentation de $40 milliards des dépenses militaires et pratiquement tous les objectifs politiques « … dans ce sens, y compris la création dans le cadre de l’alliance de l’Atlantique Nord de deux nouveaux commandements, la mise en œuvre de préparatifs de guerre hybride et des initiatives pluriannuelles majeures pour renforcer la mobilité, la préparation et les capacités de l’Alliance ». De plus, ici, il s’agit manifestement d’agression et non de défense. Et il ne s’agit pas seulement des pays de l’OTAN.

Le discours de Mitchell révèle que les États-Unis considèrent leur politique à l’égard de la Russie en rapport avec des catégories militaires : « Nous avons mis un accent particulier sur le renforcement des États en première ligne les plus sensibles à la pression géopolitique russe. En Ukraine et en Géorgie, nous avons levé les restrictions imposées par l’administration précédente à l’acquisition d’armes défensives pour résister à l’agression territoriale russe. » Le Caucase, la région de la mer Noire, même l’Europe centrale sont qualifiés par Mitchell de zones de combat géopolitique contre la Russie, en compétition pour gagner « les cœurs et les esprits ».

Et, selon lui, le département d’État américain se trouve en première ligne : les cinquante missions diplomatiques américaines en Europe et en Eurasie « développent, coordonnent et exécutent des plans d’action sur mesure pour repousser les opérations d’influence russes dans leurs pays hôtes ». À cet égard, les Balkans méritent une mention spéciale, où « la diplomatie américaine a joué un rôle de premier plan dans la résolution du différend concernant le conflit sur le nom du pays entre la Grèce et la Macédoine et en s’engageant avec la Serbie et le Kosovo pour promouvoir le dialogue mené par l’UE ».

Il est peu probable que des personnes sérieuses aient le moindre doute quant à l’instigateur de la crise entre la Russie et la Grèce et que ce n’est pas du tout parce ce que les diplomates russes ont essayé de perturber la compréhension mutuelle entre Athènes et Skopje, en utilisant parfois à cette fin « des espions en soutanes ». La représentante officielle du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, par exemple, a directement accusé les Américains d’être les créateurs du scandale diplomatique en déclarant : « Nous savons tout ». Et maintenant, c’est aussi Mitchell qui a confirmé que c’était le Département d’État qui avait tout fait, et non le méprisable Premier ministre grec, Alexis Tsipras, qui s’est simplement joint à l’ennemi de la Russie.

Vaincre économiquement la Russie

Selon Mitchell, « en concert » avec ces efforts visant à briser la Russie, les États-Unis provoquent toute une série d’événements de nature économique : 217 entités physiques et juridiques russes sont sous le coup de sanctions, six missions diplomatiques sont fermées, « 60 espions ont été expulsés du sol américain » et le Département d’État se « coordonne de manière étroite et efficace avec les alliés européens ». Au fait, Mitchell a admis involontairement pour quelle raison les services de renseignement anglo-saxons avaient besoin de « l’affaire Skripal » et qui avait organisé cette provocation.

Le haut représentant du Département d’État s’est déclaré satisfait du déroulement de la guerre économique avec la Russie : « en moyenne, les entreprises russes sanctionnées » perdent environ un quart de leurs revenus opérationnels, l’évaluation totale des actifs a été divisée par deux obligeant les entreprises à réduire leurs effectifs d’un tiers. Selon les estimations des experts du département d’État données par Mitchell, « nos sanctions, cumulativement, ont coûté au gouvernement russe des dizaines de milliards de dollars, en plus de l’impact plus large sur les secteurs publics et l’effet paralysant des sanctions américaines sur l’économie russe ». Mitchell a évoqué la situation de la société RUSAL, ainsi que les attaques contre le rouble russe, qui a fortement perdu de sa valeur pour cette raison, comme exemples d’une guerre hybride réussie contre la Russie.

Nous allons les écraser jusqu’à ce qu’ils capitulent

Cependant, si la Russie cesse de résister à l’expansion américaine en Eurasie, tout d’abord en Ukraine, puis cesse également de contrer la politique américaine en Syrie, que Mitchell qualifie d ‘« agression russe », et agite le drapeau blanc, alors l’Amérique sera prête à négocier la capitulation : « Mais dans tous ces domaines, il appartient à la Russie, et non aux États-Unis, de faire le pas suivant. Notre politique reste inchangée : faire constamment payer la Russie jusqu’à ce qu’elle change de cap. »

Il y a quelques moments étranges dans le discours de Mitchell. En argumentant au sujet de la politique de la Russie, mais sans pouvoir déterminer en quoi elle consiste, et pour cause : il impute à Moscou la logique américaine et ses méthodes de politique étrangère.

Auto-caricature

Voici des citations :

Notre stratégie est animée par la réalisation que la menace de la Russie a évolué au-delà de la simple menace extérieure ou militaire ; elle inclut des opérations d’influence sans précédent orchestrées par le Kremlin [en réalité fomentées par Washington, Note de l’auteur] sur le sol de nos alliés et même ici chez nous aux États-Unis.

La menace de l’influence des opérations russes existait bien avant notre élection présidentielle de 2016 et se poursuivra longtemps après ce cycle d’élection, le suivant, et le suivant. Comme le révèlent les récentes purges sur Facebook, l’État russe a encouragé des voix marginales de la gauche politique, et pas seulement de la droite, y compris des groupes qui prônent la violence, la prise de contrôle des bâtiments fédéraux et le renversement du gouvernement américain. La Russie fomente et finance des causes controversées – puis encourage et finance les causes opposées à ces dernières. La thèse de Poutine est que la Constitution américaine est une expérience qui échouera si elle est contestée correctement de l’intérieur. Poutine veut diviser la République américaine, non pas en influençant une ou deux élections, mais en exploitant systématiquement les lignes de faille perçues au sein de notre société.

Ayant accusé la Russie moderne d’utiliser les méthodes « bolcheviques » et « soviétiques » dans son impasse géopolitique avec l’Amérique, Mitchell a fait de Poutine le « père » de la doctrine de politique étrangère américaine depuis longtemps « une stratégie du chaos aux effets stratégiques ».

Merci, M. Mitchell, pour votre franchise.

Globalement, cela vaut la peine d’être reconnaissant à l’éminent employé du département d’État. Mitchell a non seulement décrit les objectifs de la politique étrangère des États-Unis, mais a également révélé les méthodes que Washington entend utiliser pour les mettre en pratique. Il a montré à tous ceux qui sont prêts à regarder la vérité en face le danger effrayant que les États -Unis représentent pour le reste du monde et, avant tout, pour la Russie.

Sergey Latyshev

Original en Russe : https://cont.ws/@sensei/1049508

En anglais : http://thesaker.is/the-us-state-department-openly-outlined-its-plans-to-guarantee-americas-global-primacy/

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

»» http://lesakerfrancophone.fr/non-ce-nest-pas-un-complot-juste-une-pathologie
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