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Mon témoignage devant la justice colombienne dans l’affaire Joaquà­n Pérez Becerra

Hier, j’ai témoigné au consulat colombien de Stockholm dans l’affaire Joaquà­n Pérez Becerra. Joaquà­n est accusé par le gouvernement colombien de terrorisme et d’être un combattant des FARC. Joaquà­n - qui est un citoyen suédois, vivant à Stockholm depuis 1994 - est le rédacteur en chef d’Anncol, l’Agence de presse Nouvelle Colombie. J’ai participé à sa création vers 1996. Joaquà­n a ensuite pris le relais en tant que rédacteur. J’ai donc été appelé comme témoin par l’avocat de la défense. Ceux qui veulent en savoir plus sur cette affaire peuventt lire par exemple cet article sur Aftonbladet kultur. *

J’ai témoigné via Skype depuis le bureau du consul à l’ambassade colombienne de Stockholm à à–stermalm. Il est difficile de témoigner à travers un interprète anglais-espagnol via un écran d’ordinateur. Mais ça va. Mon témoignage a pris 3 heures et demie. Après ça, j’étais tout à fait épuisé, mais content. J’ai commencé en jurant de dire la vérité et rien que la vérité. Le juge m’a informé que dire des mensonges ou ne pas dire la vérité devant un tribunal colombien peut conduire à des poursuites pénales et en fin de compte en prison. J’ai trouvé que c’était tout à fait OK.

L’avocat de la défense Rodolfo Rios Lozano a commencé par poser des questions sur moi, la personnalité de Joaquà­n et Anncol. J’ai dit qu’Anncol était un site d’information que moi-même, Joaquà­n et Dick Emanuelsson avions créée vers 1996 dans le but de diffuser une information alternative sur la Colombie. Anncol a toujours été un projet de base, sans grandes ressources financières. J’ai également dit que Joaquà­n a travaillé pendant son séjour en Suède. J’ai présenté son certificat de travail de la municipalité de Täby. J’ai expliqué qu’il est tout à fait normal pour des réfugiés politiques ayant obtenu l’asile en Suède de poursuivre leurs activités politiques dans des organisations d’exilés, des radios communautaires, des sites web etc.

J’ai eu ensuite droit à une longue philippique de la procureure Nancy Esperanza Pardo. Elle m’a interrogé pendant au moins deux heures. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour dépeindre Anncol comme le bras de guérilla en Suède / Europe. Comment Anncol était-elle financée ? Qui décidait sur son contenu ? Pourquoi a-t-elle été fondée ? Et ainsi de suite. Beaucoup de questions sont revenues plusieurs fois, mais sous des angles légèrement différents. Il est assez évident que le procureur et peut-être une grande partie des Colombiens ont une autre image d’Anncol. Ils semblent voir Anncol comme une agence de presse professionnelle avec de gros moyens financiers. Cela n’a jamais été le cas de mon temps et ce n’est pas non plus le cas aujourd’hui. Je lui ai dit que le budget de mon temps était de l’ordre de 300 à 400 dollars, argent que nous avons collecté ou apporté de nos propres poches.

J’ai aussi dit que Joaquà­n n’a jamais eu affaire à la police en Suède et qu’il n’a jamais été soupçonné de quoi que ce soit. J’ai également exprimé ma grande surprise devant le fait que le gouvernement colombien a tenté de fermer Anncol et qu’il a exhorté le gouvernement suédois à le faire. J’ai fait remarquer que c’était quelque chose que le gouvernement suédois n’a évidemment pas fait puisque Anncol fonctionne entièrement dans le cadre de la loi. Maintenant, si Joaquà­n était vraiment le tristement célèbre terroriste que la procureure tente de dépeindre, pourquoi n’ont-ils pas tout simplement contacté le ministère suédois des Affaires étrangères et demandé son extradition vers la Colombie ? Une telle demande n’est de fait jamais venue de Colombie, d’après les informations que j’ai eu du ministère suédois des Affaires étrangères.

Le juge a conclu en me posant des questions pendant environ 30 minutes. Il voulait en savoir plus sur le travail de Joaquà­n à Täby, la liste de l’Union européenne sur les "organisations terroristes" et il voulait savoir ce que je pensais des FARC. J’ai de nouveau montré le certificat d’emploi de Joaquà­n. En ce qui concerne la liste terroriste de l’UE (où figurent entre autres les FARC) j’ai déclaré que j’étais opposé à l’idée d’avoir une liste d’ organisations à stigmatiser. C’est fermer d’avance la porte à des pourparlers de paix et des négociations. Ce fut aussi la ligne du gouvernement suédois lors de la discussion sur les listes de terroristes dans le sillage du 11 Septembre 2001. En ce qui concerne les FARC, j’ai répondu que je condamne leurs actes de violence, qu’ils étaient inacceptables et que les FARC devraient mettre fin à leur lutte armée.

Manifestation devant l’ambassade de Colombie à Stockholm :
"Joaquà­n Pérez Becerra est un journaliste suédois, pas un terroriste Colombien, libère-le maintenant !"

Ma conclusion est que je pense que les choses se présentent bien pour Joaquà­n Pérez. La procureure a fait tout son possible pour essayer de dépeindre Anncol comme faisant partie des FARC, qui l’auraient financée et décidé de ses contenus. C’est bien sûr tout à fait faux, d’après ce que j’en sais. Si elle n’a rien d’autre à proposer que ce qu’elle a présenté au tribunal hier, il est impossible que Joaquà­n puisse être condamné pour terrorisme. Cela suppose que la justice colombienne fonctionne comme il se doit. Et on ne peut que l’espérer… Je suis surpris que la procureure ait consacré tant de temps à poser des questions sur le contenu d’Anncol. C’est une chose d’exprimer son opinion, c’en est une autre de participer activement à des activités illégales et violentes. Cette distinction ne semble pas très claire aux yeux de la procureure.

Le procès de Joaquà­n concerne le droit d’exprimer son opinion, de s’organiser librement en associations et le droit des réfugiés à poursuivre leur engagement politique une fois qu’ils sont arrivés en Suède. C’est exactement ce que Joaquà­n Pérez a fait. Le gouvernement colombien peut ne pas aimer les textes publiés sur le site Anncol, mais c’est comme ça que ça fonctionne dans une démocratie. On peut penser différemment. Pour citer Voltaire : je ne partage pas vos opinions, mais je me battrai bec et ongles pour votre droit à les exprimer. C’est l’essence de la liberté d’expression.

Mais ce procès, c’est aussi celui du père d’une fillette de douze ans, fiancé à sa compagne, citoyen suédois et employé communal de Täby qui a été kidnappé et emmené dans le pays qu’il a fui. Il est temps pour le père, le fiancé, le Suédois et l’agent de santé de retourner dans son pays. Il est temps pour Joaquà­n Pérez Becerra de revenir en Suède !

Jens Holm

http://jensholm.se/2012/08/24/vittnesmal-i-colombiansk-domstol/

Traduit par Fausto Giudice http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=8063

* http://www.aftonbladet.se/kultur/article14710333.ab

URL de cet article 17597
   
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