RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Mettre fin à la guerre en Irak. Deux plans rivaux.









1er juin 2007.


Il n’y a que deux plans sérieux - ou peut-être faudrait-il parler de complots - pour mettre fin à la guerre en Irak. Beaucoup seront surpris de réaliser que l’un d’eux est en train d’être formulé par George W. Bush, l’autre par Moqtada al-Sadr. Les deux plans partagent le présupposé que la guerre en Irak est une situation sans issue, dans laquelle les partisans de ces plans sont en train de perdre plus chaque jour. Mais sur tout le reste, ces deux plans/complots sont plutôt en conflit l’un avec l’autre.

Lorsque les choses vont mal dans tous les sens, les réalistes laissent tomber un maximum d’objectifs et cherchent à s’accrocher au moins à quelque chose de crucial. Ainsi, la question analytique à poser, c’est qu’est-ce qui est vraiment crucial pour Georges W. Bush et qu’est-ce qui l’est vraiment pour Moqtada al-Sadr ?

Si nous commençons par Bush, il faut avant tout oublier sa rhétorique et ce qu’ont été ses objectifs au tout début de l’invasion de l’Irak. Pensez à sa position actuelle. Il a perdu la majorité du soutien populaire à la guerre en Irak (un tiers seulement d’opinions favorables selon les derniers sondages), et tous les signes semblent indiquer, qu’en l’absence d’un renversement des rapports de force militaires, les données seront encore pires à la fin de l’été. Pour ce qui est de la situation militaire, le général Petraeus, commandant-en-chef des troupes en Irak, ne paraît plus être que le brillant capitaine d’un navire en naufrage, tandis que rien de ce que les Etats-Unis soutiennent dans la politique irakienne ne semble avancer. Le Parti républicain risque de payer un prix très élevé pour cela aux élections de 2008.

Ainsi, si vous étiez Bush, que tenteriez-vous de sauver ? De la longue liste des objectifs US en Irak, le plus important c’est l’établissement d’une base militaire à long terme dans ce pays. En termes de politique US, Bush voudrait sans doute aussi minimiser l’impact négatif de l’Irak sur les élections de 2008. Et si telles étaient vos deux priorités, comment agiriez-vous ? Une fuite récente indique le plan qui est concocté.

Si, les Etats-Unis annonçaient, au début 2008, qu’ils réduisent de moitié la présence de leurs troupes, et qu’ils les retirent largement de la première ligne, quelle en serait la conséquence ?

D’abord, cela désamorcerait la campagne des Démocrates qui prétendent que rien n’est fait pour réduire les pertes et l’engagement US. Ensuite, cela les placerait dans la situation embarrassante d’avoir à dire s’ils sont favorables à l’établissement de bases à long terme en Irak. Il y a des chances que de nombreux leaders démocrates, peut-être la plupart d’entre eux, y soient favorables. Il y a des chances aussi, que même un président démocrate, s’il était élu en 2009, poursuivrait une telle politique.

Qu’est-ce que les Etats-Unis perdraient en cela ? Ils perdraient probablement leur capacité d’interférer quotidiennement avec la politique irakienne. Ils pourraient bien perdre la loi sur le pétrole que Bush(et les Démocrates) veulent que le Parlement irakien mette en oeuvre. Cela conduirait probablement à une croissance de l’influence iranienne en Irak. Mais les Etats-Unis auraient leurs bases et cela contribuerait à adoucir les critiques contre le fiasco républicain en Irak.

Les Etats-Unis peuvent-ils faire cela ? C’est là que le contre-plan (ou le contre-complot) de Moqtada al-Sadr intervient. Une fois encore, oublions la rhétorique et oublions ce que al-Sadr pourrait avoir voulu en 2003. Considérons les options dont il dispose. Il est politiquement et militairement fort, mais il a de puissants opposants en Irak. Il a une organisation qui n’est pas totalement sous son contrôle. Si les Etats-Unis se retirent précipitemment, ce n’est pas du tout sûr que, dans le chaos croissant qui pourrait en résulter, il sortirait vainqueur.

Quels sont donc ses objectifs minimaux ? Il veut un retrait complet des Etats-Unis et un gouvernement central irakien raisonnablement stable. Il est certes un leader chiite, mais aussi un nationaliste irakien. Sa base est à Bagdad et trop de fédéralisme créerait de grands problèmes pour sa survie. Mais que voudrait-il mettre en place ? Quel est son complot ?

Son complot paraît clair, dès lors que ses grandes lignes émergent si ouvertement. Il veut passer un compromis avec la résistance sunnite. Ils partagent ensemble trois intérêts : amener les troupes US à s’en aller, réduire la violence entre chiites et sunnites, qui est en train d’échapper à leur contrôle, et créer un gouvernement central relativemment fort. Ce compromis devrait comprendre une plus forte participation sunnite (même baathiste) au gouvernement. Il supposerait aussi une action commune pour débarraser l’Irak des éléments d’al-Qaïda et une défaite de la loi sur le pétrole.

Ce dernier objectif paraît facile puisque presque personne en Irak ne soutient cette loi, bien que pour des raisons différentes. Et ils s’opposeraient à des bases US à long terme. A quoi renoncerait al-Sadr ? Premièrement, à son profond antagonisme par rapport aux Baathistes. En a-t-il les moyens ? Il devrait faire face à différents obstacles internes : ses rivaux chiites, les Kurdes et les Etats-Unis, peut-être aussi les Iraniens. Mais il porterait haut la bannière du nationalisme irakien, et ceci pourrait en fin de compte raisonner profondément en Irak.

Ces deux scenarii vont commencer à entrer en collision ouvertement en 2008 et 2009. Lequel des deux va prévaloir ? Il est encore trop tôt pour le dire aujourd’hui.

Immanuel Wallerstein


- Source : solidaritéS
Commentaire no 210, du 1er juin 2007. Publiées deux fois par mois, ces chroniques sont conçues comme des réflexions sur le monde contemporain envisagé sur le long terme, au-delà des gros titres conjoncturels. Traduction française du bimensuel suisse solidaritéS (www.solidarites.ch), revue par I’auteur.
© Immanuel Wallerstein, distribué par Agence Global. Pour tous droits et autorisations, y compris de traduction et mise en ligne sur des sites non commerciaux, contacter : rights@agenceglobal.com.... Le téléchargement ou l’envoi électronique ou par courriel à des tiers est autorisé, pourvu que le texte reste intact et que la note relative au copyright soit conservée.

- Publié avec l’ autorisation de l’ auteur.




Le pétrole de l’Irak : volé ou bradé, par Fadhil Al Badrani.

Irak : après quatre années d’occupation, la santé est tout simplement catastrophique, par Bert De Belder.






URL de cet article 5205
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Enjeux politiques de l’histoire coloniale
Catherine COQUERY-VIDROVITCH
Notre patrimoine historique « national » doit-il inclure l’histoire de la colonisation et de l’esclavage colonial ? La réponse positive, de bon sens, ne fait pas l’unanimité : soit parce que parler sans tabou du domaine colonial serait « faire repentance », soit parce que l’ignorance ou la négligence entretenues depuis plusieurs générations font qu’il ne vient même pas à l’esprit de beaucoup de nos concitoyens que notre culture nationale héritée n’est pas seulement hexagonale. La culture française (que (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

L’un des plus gros mensonges officiels de notre temps est que les États-Unis et le Royaume-Uni sont en guerre contre l’islam radical. De l’Afghanistan à l’Arabie Saoudite en passant par la Syrie et la Libye, les extrémistes islamiques ont été pendant des décennies un allié vital dans leur véritable guerre : contre l’indépendance, l’unité panarabe et la souveraineté économique au Moyen-Orient.

Matt Kennard

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.