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Entretien avec Georges Gastaud, Secrétaire National du PRCF

Menaces sur la paix et les droits des travailleurs, perspectives politiques.

I.C. – La situation ne cesse de se tendre autour de la péninsule coréenne. Quel est le positionnement du PRCF ?

Georges Gastaud. : Notre priorité à tous devrait être la paix mondiale, qui peut sombrer corps et biens à l’occasion d’une frappe américaine massive contre Pyongyang (la République démocratique populaire de Corée est limitrophe de la Chine et de la Russie, rappelons-le). Cela va de pair avec la défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sans ingérence étrangère. Or, c’est l’impérialisme US, fanatiquement soutenu, voire excité par Emmanuel Macron, qui est l’ennemi principal des peuples et de la paix en Extrême Orient comme ailleurs. On lira sur le site www.initiative-communiste.fr l’entretien exclusif de Robert Charvin, auteur du livre Comment peut-on être Coréen du Nord ?. Nous appelons donc les vrais progressistes, et plus encore, les communistes dignes de ce nom, à exiger ensemble que, 64 ans après la fin de la guerre de Corée, un traité de paix soit enfin signé entre les belligérants d’alors, que les EU retirent leurs troupes d’agression en Corée du sud car elles ne sont pas la solution mais le problème, que l’ONU impulse le processus diplomatique au lieu de jeter de l’huile sur le feu, que les deux Corées – comme elles l’auraient fait depuis longtemps si Washington et l’impérialisme nippon – ex-boucher génocidaire du peuple coréen – ne contrariaient pas systématiquement l’idée d’une réunification nationale sur la base du principe – qui a fonctionné en Chine avec Hong Kong – « un pays, deux régimes ».

Plus globalement, la pression des peuples doit monter partout pour que l’arme nucléaire soit universellement interdite. Enfin, il est lamentable que presque toute la « gauche » établie française se désintéresse de l’atteinte permanente aux libertés syndicales, politiques et individuelles en Corée du sud. Quand les anticommunistes sont interdits dans un pays donné au nom de la défense du socialisme, nos médias crient au « totalitarisme » ; mais quand les partis communistes sont persécutés dans un pays fasciste ou en voie de fascisation afin d’y protéger le capitalisme et l’impérialisme, comme c’est le cas en Pologne, en Corée du sud ou en Ukraine, les mêmes médias n’ont rien à redire et d’ailleurs, ils n’informent pas les Français. Il est donc urgent de réintroduire le point de vue de classe, le point de vue marxiste-léniniste, dans l’analyse des questions internationales et les vrais communistes doivent d’urgence y travailler ensemble. Il n’est que temps face à la montée des périls.

I.C. – Et que dire de la situation au Venezuela où, d’Ensemble à P. Le Hyaric, directeur de l’Huma, certains mégotent leur soutien à Maduro, voire le condamnent vertement ?

G.G. : Tout d’abord, il faut ouvrir les yeux sur l’entreprise impérialiste globale de déstabilisation de la gauche latino-américaine et des pays qui s’en réclament. En échec patent en Syrie, en Afghanistan, en Libye, voire en Ukraine, les EU se recentrent pour partie sur leur « arrière-cour » et « mettent le paquet » pour déstabiliser, non seulement le Venezuela bolivarien, mais la Bolivie d’Evo Morales et, in fine, Cuba socialiste qu’il s’agit d’isoler. A ce sujet, nous avons récemment publié un texte qui a circulé dans plusieurs langues et que nous avons intitulé Les barricades n’ont que deux côtés. Oui la déstabilisation du Venezuela provient d’abord d’une manœuvre géopolitique et géoéconomique des EU et de leurs vassaux d’Arabie saoudite, qui ont organisé l’écroulement des cours des hydrocarbures. Les communistes français qui avaient vingt ans en 1973 se souviennent que pour faire tomber l’Unité populaire chilienne, Kissinger avait organisé la baisse mondiale des cours du cuivre provoquant ainsi l’effondrement économique d’Allende. Obama, puis Trump, en ont fait autant avec le pétrole pour plomber à la fois l’économie vénézuélienne et l’économie russe. Et bien entendu, l’oligarchie vénézuélienne, qui est tellement « patriote » qu’elle appelle les EU à envahir Caracas, a emboité le pas avec des méthodes particulièrement violentes et fascistes, tout en affamant le pays puisqu’on lui a trop longtemps laissé contrôler l’import-export. Demain, si Maduro tombait, la gauche vénézuélienne pourrait subir le sort qu’ont subi les progressistes chiliens en 1973. Bien entendu, la gauche établie française pleurerait alors à chaudes larmes car ces gens-là se repaissent de révolutions écrasées et de héros morts : les révolutionnaires ont l’interdiction de gagner et notamment, de mettre en place ce que Marx appelait la « dictature du prolétariat » quand il n’y a plus d’autre choix qu’entre celle-ci et le fascisme. Or ce n’est pas quand tout va bien que l’on reconnaît ses vrais amis, c’est aujourd’hui que le pire est possible que le Venezuela a besoin de PLUS, et non de moins de solidarité.

Nous le disons d’autant plus sereinement que, lorsque Chavez était en vie, nous avons pleinement soutenu le PC vénézuélien ; sans commettre la faute gauchiste qui eût consisté à snober Chavez sous prétexte qu’il n’était pas assez révolutionnaire, les léninistes vénézuéliens ont toujours souligné que le « socialisme du XXIe siècle » ne résulterait pas d’une simple politique redistributive, que la révolution socialiste nécessitait plus que jamais le pouvoir du peuple et la socialisation des moyens de production. Bref, tout en se situant à 200% du bon côté de la barricade, du côté des forces bolivariennes et anti-impérialistes, les communistes du PRCF, comme leurs frères du Venezuela, rappellent ce juste constat de Lénine : « on ne peut avancer d’un pas si l’on craint de marcher au socialisme ». Mais contrairement aux réformistes, qui sèment lâchement le doute sur la nécessité de soutenir Maduro à un moment critique pour la gauche latino-américaine, voire pour la gauche populaire mondiale, notre questionnement critique a pour but, non pas de mégoter notre soutien au Venezuela bolivarien, mais d’AIDER notre camp, celui de l’antifascisme et de l’anti-impérialisme, à BATTRE l’impérialisme yanqui et la réaction. En France et ailleurs, on doit discuter avec les progressistes non communistes, mais sans laisser la moindre ambiguïté sur le camp que l’on a choisi, celui des forces populaires, et jamais en faisant des ronds de jambe pseudo-démocratiques aux FASCISTES du camp d’en face. A quand donc, en France, une manif unitaire, communiste et anti-impérialiste pour soutenir le Venezuela, la Bolivie et Cuba, en se rassemblant par ex. devant la statue parisienne de Bolivar ?

Même attitude pour la Pologne, l’Ukraine, etc. On peut discuter 107 ans entre communistes sur les facteurs internes ou externes qui ont permis à la contre-révolution de défaire l’URSS et la première expérience socialiste de l’histoire ; mais quand la réaction cléricale, voire franchement pronazie comme c’est le cas à Kiev, interdit l’un après l’autre tous les PC (Pologne, Ukraine, Pays baltes...), quand, avec la complicité à peine embarrassée de l’UE, elle en profite pour réhabiliter les nostalgiques du fascisme, qu’attendent de vrais démocrates pour condamner cette fascisation de moins en moins rampante du sous-continent européen ? D’autant que cet euro-maccarthysme va de pair chez nous avec la criminalisation éhontée du syndicalisme de lutte, voire, s’agissant de la France (je pense à un numéro estival du Point au contenu ultraréactionnaire), avec la diabolisation acharnée de Robespierre et de la Révolution française (voir le récent numéro du Point !) ?

I.C. – En France, est-il possible d’arrêter Macron et sa méga-casse des acquis sociaux ?

G.G. : Oui, c’est possible, même s’il faut pour cela construire la contre-offensive populaire, y compris sur la durée, lier les formes syndicales de lutte aux formes politiques et idéologiques, contrairement à ce que prétendent ceux qui enferment le syndicalisme dans une approche étriquée, purement « économique » et systématiquement perdante comme on le voit au moins depuis les luttes sur les retraites de 2003. N’oublions pas qu’en France comme ailleurs, le grand patronat n’a jamais cédé aux masses populaire, en 1936, en 1945, en 1968, que lorsqu’il a cru sa domination politique directement ou indirectement menacée ; Lénine qui certes, n’était pas un gauchiste hostile à toute amélioration partielle du sort des travailleurs, enseignait que « les réformes sont la retombée des luttes révolutionnaires », en conséquence, toute offensive ouvrière doit se concevoir comme une combinaison de luttes (manifs, grèves...) syndicales, politiques, d’interventions sur les libertés, etc. On est fort loin de ceux qui, hypocritement, se réclament de l’ « indépendance syndicale » mal comprise pour, en réalité, interdire aux travailleurs de contester l’UE et le capitalisme ; car ces mêmes dirigeants syndicaux soi-disant « apolitiques » ont pour la plupart appelé à voter Macron au second tour de la présidentielle puis des législatives !

La première condition pour une attaque victorieuse est de comprendre que l’offensive macroniste n’est pas « seulement » antisociale. Elle est si grave sur le plan social – c’est-à-dire sur le front principal de la contradiction capital/travail – que Macron-Thatcher ne pourra pas gagner sans détruire de plus en plus les libertés démocratiques, sans réprimer toujours plus les syndicalistes de lutte, bref sans poursuivre la fascisation du pays qu’avaient déjà largement entamée Sarkozy et Valls (dont on se souvient de l’acharnement à interdire des manifs inter-confédérales !). C’est pourquoi on attend avec intérêt l’autocritique de ceux qui, à gauche, voire à l’extrême gauche, ont appelé à voter Macron pour « faire barrage au fascisme », comme si les forces maastrichtiennes qui détruisent notre pays – et dont Macron est le chef de file actuel – n’étaient pas porteuses de fascisation et comme si ce n’était pas la complaisance d’une bonne partie de la gauche à l’égard des partis maastrichtiens (certains ont même appelé à voter LR au second tour des Régionales : Estrosi travesti en « antifasciste », on aura tout vu !) qui nourrissait en permanence le vote FN !

Il faut aussi mesurer le caractère antinational du macronisme qui, sur tous les terrains – « gouvernement de la zone euro », « défense européenne » intégrée à l’OTAN, courbettes incessantes faites à Trump et à Merkel, alignement de la vie politique nationale et socio-économique sur le « modèle » allemand (ou américain), mépris total pour la langue française sacrifiée au « globish » du futur Traité transatlantique (qui peut croire que ce projet funeste soit abandonné ?), hostilité déchaînée contre les expériences progressistes et anti-impérialistes en Amérique latine, brade et méprise l’héritage progressiste de la nation. En effet, la Révolution française, le mouvement républicain et laïque, le mouvement ouvrier, le grand et véritable PCF d’alors (Front populaire, Résistance, réformes de 45, luttes anticoloniales...) ont tellement marqué l’histoire de notre pays que la totale revanche des forces réactionnaires sur le camp progressiste ne peut se faire qu’en dénaturant totalement la nation française et qu’en sacrifiant le triptyque Communes-Etat-nation-langue française au monstrueux ensemble, qu’il faudra imposer de force au peuple français formé par les euro-métropoles, par le globish imposé jusque dans les entreprises, par les « Etats-Unis d’Europe » pilotés par Merkel, voire par le TAFTA verrouillé par l’OTAN. C’est une faute politique grave dans les manifs populaires que de refuser d’associer le drapeau rouge au drapeau tricolore, tant il est vital de remettre le monde du travail au cœur de la nation et, symétriquement, d’associer la reconquête de l’indépendance nationale au combat pour le socialisme. L’une des causes majeures de l’insuccès contre la loi dite El Khomri est que durant tout le mouvement de 2016 les états-majors syndicaux ont pratiqué l’omertà à propos des origines bruxelloises de ce texte, comme actuellement ils ne se pressent guère, pour ménager la sacro-sainte Confédération Européenne des Syndicats – de dire que l’ordonnance Macron vient de recevoir le soutien enthousiaste de l’UE, et bien entendu, du MEDEF, qui en sont les vrais corédacteurs. Pour pasticher Lénine, disons qu’on ne peut plus avancer d’un pas dans notre pays si l’on craint de dénoncer la pseudo-construction européenne !

Il faut donc lier le combat social au combat patriotique pour sortir la France de l’euro et de l’Europe atlantique. En effet, l’euro – en réalité la domination institutionnelle du Mark sur toute la zone euro – est indissociable de l’euro-austérité à perpètre puisque le concept même de la « monnaie unique » est d’arrimer artificiellement les monnaies plus faibles, dont le franc, au Deutsche Mark « fort » : ceux donc qui, à gauche, prétendent la main sur le cœur qu’il faut garder l’euro tout en assouplissant ou en éliminant les « critères de Maastricht », nous prennent tous pour des imbéciles, car l’euro ne fait qu’un avec ces critères. Il faut aussi agir pour sortir à temps la France de l’OTAN, cette machine à entraîner la France dans une guerre suicidaire contre la Russie. Quant à l’UE, ce n’est pas nous qui disons qu’elle est totalitaire et irréformable, mais le Traité de Maastricht qui le proclame cyniquement puisqu’il dispose que « l’UE est une économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » ; ce qui interdit, non seulement la souveraineté des nations, non seulement la (re-)construction du socialisme sur tout le territoire de l’UE, mais tout simplement, la sauvegarde des services publics, de la Sécu, du produire en France, etc.

Non seulement l’euro-rupture révolutionnaire ne nous éloignerait pas du socialisme, mais elle est indispensable pour déverrouiller la situation politique nationale, en particulier pour rendre possible de larges nationalisations démocratiques, pour planifier la relance du produire en France, pour reconstruire des services publics, des retraites, une sécu, des finances communales, une Education nationale, une Université et une Recherche publique françaises dignes de ce nom.

Quant à l’amalgame perfide qui est souvent fait par la fausse gauche entre le FN et ceux qui, à l’instar du PRCF, veulent sortir de l’UE par la voie progressiste, il est inconsistant : d’abord, parce que la classe ouvrière, qui est de loin la force la plus euro-critique du pays (79% des ouvriers ont voté non à la constitution européenne en 2005 !), est seule à même de fédérer le rassemblement pour un Frexit progressiste ; ensuite, parce que cet amalgame odieux est totalement déphasé par rapport aux réalités politiques : pressé par sa classe, la grande bourgeoisie dont ses principaux dirigeants sont membres, d’adouber l’euro et l’UE, la direction pseudo-patriotique du FN rallie de plus en plus cyniquement le camp maastrichtien... au grand dam de Philippot et consorts !

En conclusion, la sortie de l’UE se fera par la gauche, sur des bases progressistes et sans crainte de rouvrir la voie du socialisme, ou elle ne se fera pas : on voit clairement, de Kiev à Varsovie en passant par Budapest, que l’extrême droite au pouvoir dans ces pays se fiche de l’indépendance nationale, qu’elle s’accommode pleinement de l’UE (et vice-versa !), et que son « nationalisme » n’est rien d’autre en réalité qu’une resucée de la xénophobie la plus noire, qu’un exutoire raciste, clérical, voire carrément pronazi (Ukraine, pays baltes, Hongrie...) à l’euro-broyage des nations d’Europe !

Bref, osons braver le tabou européen des états-majors politiques et syndicaux ! Osons faire le lien entre casse sociale et casse de la nation, montrons que ceux qui brisent le Code du travail national au profit des « négociations » d’entreprise, ceux qui sapent les conventions nationales de branche, les statuts nationaux, l’Education « nationale » (que Macron veut remplacer par une concurrence aiguë entre établissements publics), l’Electricité de France, la Société Nationale des Chemins de Fer, Air France, etc., sont des ennemis de la nation. Vice-versa, on ne défendra pas la nation en unissant « tous les souverainistes » (comme y ont appelé toute honte bue certains pseudo-communistes qui ont rabattu vers Le Pen présentée comme un moindre mal face à Macron !) mais en défendant, en reconstruisant et en élargissant les acquis du CNR. “La nation, c’est le peuple”, il ne faut jamais oublier ce juste principe que le philosophe marxiste Georges Politzer a jadis payé de sa peau.

I.C. – Mais Macron n’est-il pas trop fort pour s’inquiéter de nos luttes ?

G.G. : Certes, Macron a en main l’appareil d’Etat, l’essentiel des médias, il a le total soutien du patronat, de l’UE et d’Angela Merkel. Mais il faut voir l’autre côté des choses : d’abord, la « légitimité » démocratique de Macron, même conçue de manière purement formelle – est très faible. 56% des Français sont restés chez eux au second tour des législatives, et la proportion est bien plus massive chez les ouvriers, les employés et dans la jeunesse. En outre le contenu grossièrement patronal de sa politique est propre à lui valoir la haine des couches populaires et d’une bonne partie des couches moyennes en voie de précarisation, voire d’ « ubérisation » : déjà le dévissage de Macron dans les sondages est impressionnant.

Et surtout, retournons à Macron ses propres analyses. Il nous explique que la France est « irréformable », que jamais chez nous rien de grand ne s’est opéré sans heurt majeur, sans « transformation » ? Et certes, le « dialogue social » bidon dans lequel s’est complue la girouette Mailly n’est pas une grande tradition au pays des Grandes Jacqueries, de la Fronde du peuple, de la Révolution française, de 1830, de 1848, de la Commune, du Front populaire ou de Mai 68 ! Mais la remarque de M. Macron peut se retourner contre lui : un président honni et qui accapare les pouvoirs, dont le gouvernement n’est qu’une apparence (tout se décide à l’Elysée après cadrage de Bruxelles...), dont les députés au parlement sont des godillots émanant en réalité de 23% des inscrits, dont le parti est inexistant sur le terrain, peut être massivement et rapidement délégitimé par un grand mouvement populaire, par un de ces « sursauts » de dernière minute dont le peuple français a souvent eu l’usage durant sa longue histoire alors même qu’on le croyait fini, avili, consentant à sa propre déchéance. Macron et ses amis du Point ne cessent de diffamer Robespierre et de célébrer ce qu’ils nomment le nouveau « pacte girondin » ? Eh bien que ces euro-muscadins méditent la phrase que l’Incorruptible avait introduite dans notre première constitution républicaine :

« quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, ou pour toute fraction du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

Nous communistes sommes foncièrement des gens pacifiques, mais l’infâme agression de classe qui est menée depuis des décennies, au nom de Maastricht, contre notre dignité sociale et nationale, n’a rien de pacifique, c’est une guerre civile larvée et qui brûle désormais de dire son nom puisque Macron ne parle plus de « réforme » mais de « transformation » et que la guerre de classes est désormais revendiquée, à l’initiative des dominants en file indienne derrière leur « chef », contre les conquêtes du CNR et les acquis de la Révolution jacobine ! Comment le peuple, comment la jeunesse, pourraient-ils éternellement prendre cette énorme agression en gardant le sourire aux lèvres ?

Il faut aussi prendre en compte le fait que les sacrifices financiers exigés de Macron par l’UE sont si énormes qu’ils l’amènent à s’opposer à certains secteurs qui n’ont rien de spécifiquement prolétarien, qu’il s’agisse des maires de France, mis dans l’incapacité de gérer le quotidien (baisse massive des subventions, suppression des contrats aidés, fermeture de casernes de pompiers volontaires, etc.) ou des officiers généraux qui ne peuvent sans blémir voir l’actuel « chef des armées », Macron, détruire l’idée même d’une défense nationale.

Enfin, on ne peut ni oublier les grandes luttes dures contre la Loi Travail (printemps 2016), ni les 7 millions de voix recueillies par Mélenchon sur un programme progressiste, à défaut d’être conséquent sur la question européenne et sur les nationalisations. Mais le rôle des vrais communistes n’est pas de s’inventer un mouvement populaire idéal mais de travailler et d’ensemencer celui qui existe réellement et qui est pour partie un résultat de nos luttes antérieures. La France insoumise tourne autour du pot à propos de l’UE ? Tout à fait exact, mais à nous, vrais communistes d’interpeller fraternellement ensemble ces millions d’électeurs de Jean-Luc Mélenchon – et pas seulement eux, faut-il le dire ! – pour qu’ils érigent, avec nous, dans un dialogue aussi fraternel que possible, une France Franchement Insoumise à l’UE, à l’impérialisme américain et au capitalisme. Mélenchon parle de « mouvementisme », critique le léninisme, se trompe de camp sur la Corée du Nord et développe des attitudes hégémoniques dommageables envers les communistes ? Á nous, militants franchement communistes de nous rendre incontournables en privilégiant la présence militante aux entreprises, en reconstruisant un vrai parti communiste et en nous distinguant toujours plus clairement de la peu avenante contrefaçon de communisme que proposent depuis des décennies, les Hue, Buffet et autre Laurent. Progressons nous-mêmes, unissons-nous sur des bases 100% euro-critiques et nous ferons progresser tout le mouvement social dont les limites sont trop souvent l’envers de nos propres faiblesses !

En tous les cas, il faut moins que jamais opposer les luttes sociales aux luttes politiques et dans cet esprit, le PRCF invite les communistes, les syndicalistes de classe, les patriotes progressistes, à saisir TOUTES les occasions, manif CGT du 12 septembre, actions du Front social, manif « insoumise » du 23, pour dire « à bas les Ordonnances Macron-Merkel-MEDEF » (ce que nous appelons les OGM²), mais aussi pour faire monter « en bas », dans les luttes, l’exigence d’une rupture progressiste avec l’UE, l’euro, l’OTAN et le capitalisme.

I.C. – Comment tout cela s’articule-t-il avec l’idée d’une renaissance communiste ?

G.G. : De la manière la plus naturelle du monde ! L’offensive macro-thatchérienne actuelle n’eût pas été possible sans l’affaiblissement quantitatif, mais aussi et surtout, QUALITATIF et IDEOLOGIQUE, du PCF et, dans sa foulée, de nombre de dirigeants confédéraux ralliés à la « construction » européenne et à son « dialogue social » bidon ? Or, non seulement la direction du PCF n’infléchit pas sa ligne euro-réformiste mais elle veut l’accentuer brutalement lors du prochain congrès « extraordinaire ». Ce n’est pas seulement l’éventualité d’un renoncement au nom de parti communiste (mais à quoi servirait-il de garder ce nom s’il s’agit seulement d’occuper le terrain d’une renaissance communiste en maintenant une contrefaçon de plus en plus rosâtre ?), c’est la main tendue une nouvelle fois au PS (nom de code : « rassemblement des forces de gauche » et « refus du populisme de gauche ») à l’occasion des sénatoriales. C’est aussi le refus de toute autocritique sur la ligne désastreuse tenue lors des dernières élections où le PCF n’aura su, en définitive, ni présenter un candidat franchement communiste et 100% anti-UE, ni appeler clairement au vote Mélenchon (rappelons qu’il aura manqué 600 000 voix à Mélenchon pour être au second tour...), fût-ce sur des bases aussi critiques que nécessaire. En réalité, la direction du PCF et, hélas, la plupart de ses fédés départementales, ont mené double jeu en rabattant sur Hamon au nom de l’union de la gauche. Un Hamon qui, soit dit en passant, appelait aux frappes françaises sur la Syrie, rappelons-le. Cerise sur le gâteau, la direction de l’Humanité laisse tomber le Venezuela ; en outre elle ne mène aucune campagne de masse pour dénoncer l’impérialisme américain en Corée ou pour contrer la honteuse persécution du PC polonais par les autorités de Varsovie.

Dans ces conditions, qui ne voit qu’en l’absence d’un vrai parti communiste, notre peuple est désarmé et condamné à la défensive alors qu’il faudrait au minimum, pour passer à la contre-offensive gagnante, offrir aux luttes sociales l’appui d’une stratégie nouvelle en totale rupture avec l’ « union de la gauche » européiste. Et pour cela, il faut un parti ancré dans le monde du travail, un parti démocratique mais fortement discipliné (un parti qui tire à hue et à dia à tout propos n’effraie plus les capitalistes !), un parti rassembleur, capable de soutenir tout mouvement progressiste dans le pays tout en portant SON propre programme communiste de nationalisations démocratiques et de marche au socialisme ; bref, un parti marxiste-léniniste et de combat tel que l’avaient forgé nos anciens une fois qu’ils se furent séparés du PS et qu’ils se furent rassemblés – révolutionnaires issus du PS, mais aussi syndicalistes de classe et militants organisés hors du vieux PS dans le Comité pour la Troisième Internationale – dans une seule et même organisation de combat.

IC – Comment regardes-tu le prochain congrès du PCF ?

G.G. : Pendant des décennies, les fondateurs du PRCF, qui jouèrent un rôle moteur dans la mise en place de la première Coordination communiste du PCF à l’automne 91 – se sont eux-mêmes durement battus à l’interne contre les dérives révisionnistes du PCF. Des dérives, déjà bien entrées dans l’ADN de l’actuel PCF (cela s’appelle la « mutation »), et dont il faut rappeler qu’elles n’ont nullement débuté au « congrès de Martigues » (2002) comme il est de mode de l’affirmer : en fait, l’abandon de fait du marxisme-léninisme date déjà de 1976 (22ème congrès, confirmation officielle au 23ème congrès de 1979). Et depuis cette époque, le PCF a participé à deux gouvernements ultra-atlantistes et maastrichtiens (81-84, puis 96-2002), il a renié – hélas ! – son emblème ouvrier et paysan et il est devenu l’axe du Parti de la Gauche Européenne (PGE), qui paralyse le mouvement communiste européen et que co-préside encore aujourd’hui Pierre Laurent.

Pour autant nous souhaitons bon vent aux camarades qui, à l’interne, vont à nouveau tenter de « remettre le PCF sur les rails de la lutte des classes », même si toute l’expérience montre que c’est un objectif utopique, presque autant qu’il est depuis longtemps devenu utopique de prétendre rendre le PS pro-UE à ses origines jaurésiennes. Nous ajoutons que, face à l’urgence de la riposte populaire (l’Etat nation, les acquis sociaux, le cadre laïque et républicains, les libertés, l’appareil industriel et agricole français, la langue nationale elle-même, tout cela recule à vue d’œil !), il faut au plus tôt une renaissance franchement communiste, en clair, marxiste-léniniste et 100% euro-critique. Et surtout, il faut dès aujourd’hui marquer un point d’arrêt aux dérives sans redire à chaque congrès : nous avons gagné 1 % (dans un parti qui perd des milliers d’adhérents d’un congrès à l’autre !) et nous ferons mieux la prochaine fois... Comme s’il y avait cinquante ans devant nous pour stopper la casse DU PAYS ! Imaginons que la direction du PCF-PGE, rompue aux manœuvres d’appareil, sorte à nouveau victorieuse du congrès, fût-ce avec une progression des opposants internes : notre peuple n’en resterait pas moins politiquement désarmé, privé de son parti de combat ; c’est-à-dire en dernière analyse, sans moyen pour la classe travailleuse de redevenir le moteur du rassemblement populaire. Alors que la fascisation galope, que notre pays se délite, que la mondialisation des guerres impérialistes frappe à la porte, c’est dès maintenant qu’il faudrait, en réalité, reconstruire ensemble un grand Parti communiste de France et c’est à quoi nous travaillons en permanence.

Alors, sans tomber à nouveau dans le piège de privilégier le congrès du PCF-PGE, où l’appareil socialo-dépendant a forcément plusieurs longueurs d’avance sur ses opposants, ces derniers ne s’honoreraient-ils pas s’ils s’associaient sans préalable aux communistes organisés indépendamment du PCF pour aller aux manifs de l’automne avec un tract appelant au retrait des ordonnances et à la rupture totale avec l’UE ? Ne créeraient-ils pas l’évènement si, avec les communistes déjà organisés hors du PCF, ils annonçaient que si la fameuse « réorientation révolutionnaire » du PCF ne sort pas du prochain congrès extraordinaire (et pour nous PRCF, cela ne fait pas de doute !), les communistes fidèles à l’esprit du léninisme travailleront ensemble à un congrès reproduisant, dans les formes d’aujourd’hui, le geste émancipateur de Tours : unir les communistes dans un seul parti tout en les séparant des naufrageurs réformistes ? Cette clarification, digne du 100ème anniversaire de la Révolution d’Octobre, donnerait aux communistes de France, mais aussi aux travailleurs en lutte, le signal fort que les vrais communistes repartent à l’offensive au lieu de subir les évènements et le calendrier des réformistes. A chacun de méditer cette proposition. Ne faut-il pas au moins discuter sérieusement, fraternellement, sans crispation, une telle proposition ?

Pour autant le PRCF n’attend personne pour préparer dès aujourd’hui, et autant que cela dépend de lui, les conditions de la renaissance communiste. A la fête de l’Huma, avec de riches débats déjà programmés, avec une forte présence internationale, intellectuelle et syndicale, avec la parution de plusieurs nouveaux livres, avec l’élan prometteur des Jeunes pour la renaissance communiste, avec de nouveaux tracts de lutte et la sortie prochaine d’I.C. et d’EtincelleS, le stand du PRCF portera une offre politique claire, rassembleuse et innovante.

Le PRCF, qui recevra à cette occasion près de vingt Partis communistes venus des cinq continents, organisera un meeting le 4 novembre à Paris pour commémorer le 100ème anniversaire d’Octobre 17. Laissons aux blasés de la révolution et aux accros de la « mutation » les questions déprimantes du style « Que reste-t-il d’Octobre 17 ? ». Laissons-les débattre sans fin avec les anticommunistes de choc à la Werth ; laissons-les dénigrer sans fin Lénine et le pays de Stalingrad, auxquels ils n’arriveront jamais à la cheville. Ensemble, avec optimisme, nous dirons avec Georges Dimitrov, le vainqueur de Goering et l’ultime secrétaire de l’Internationale communiste : « Les contre-révolutions sont des parenthèses de l’histoire, l’avenir appartient aux révolutionnaires ». Et nous ajoutons avec Marcel Paul, l’ouvrier communiste, le syndicaliste CGT de l’Energie, le déporté-résistant et le grand ministre communiste qui créa EDF à la Libération : « il existe en France un noyau révolutionnaire irréductible » !

Georges Gastaud

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« Cremada » de Maïté Pinero
Bernard Revel
Prix Odette Coste des Vendanges littéraires 2017 Maïté Pinero est née à Ille-sur-Têt. Journaliste, elle a été correspondante de presse en Amérique Latine dans les années quatre-vingts. Elle a couvert la révolution sandiniste au Nicaragua, les guérillas au Salvador et en Colombie, la chute des dictatures chiliennes et haïtiennes. Elle a écrit plusieurs romans et recueils de nouvelles dont « Le trouble des eaux » (Julliard, 1995). Les huit nouvelles de « Cremada », rééditées par Philippe (…)
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La misère ne rassemble pas, elle détruit la réciprocité.

Wolfgang Sofsky

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