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Les vieux chevaux de la Françafrique de retour

Les grands-messes franco-africaines baptisées « sommets » n’ont d’autre but que de resserrer les liens immémoriaux de la Françafrique et de donner l’occasion à tous ces diplomates de faire renouveler leurs vaccins…

Les grands-messes franco-africaines baptisées « sommets » n’ont d’autre but que de resserrer les liens immémoriaux de la Françafrique et de donner l’occasion à tous ces diplomates de faire renouveler leurs vaccins… Une certitude, le thème choisi pour ce colloque des colloques qui se tient les 6 et 7 décembre à Paris, « La paix et la sécurité en Afrique », va accoucher avant terme d’un monstre mort-né. Ni la paix ni la sécurité ne vont s’améliorer demain sur ce continent déchiré. Dès le lendemain du sommet, les belles paroles seront oubliées. Comment sérieusement discuter « paix et sécurité » avec des experts de la dimension de Déby, Sassou-Nguesso, Kabila, Aziz et compagnie, des dictateurs qui oppriment aussi bien « leurs » peuples que ceux des voisins ? Avec un aussi large « casting », il aurait été mieux venu de faire un sommet sur la torture et la corruption. Sur ces dossiers, les experts ne manquent pas.

En réalité François Hollande est victime du syndrome de Tomboctou, où il a vécu « le plus beau jour de sa vie ». Soudain, le nid de vipères de la Françafrique, à ses yeux haïssable, est devenu un club d’amis, de présidents estimables et tellement efficaces, comme le chien de meute pour chasser le djihadiste. Oubliés les crimes de Déby, Sassou, Aziz ou Kabila, on ne dévore pas une omelette de salafistes sans casser les œufs de la démocratie.

En matière de coopération les idées du Président de la République fonctionnent selon le principe du « tout est dans tout et inversement ». Hollande n’a-t-il pas déclaré le 1er mars 2013 : « Il n’y a pas de développement sans sécurité et pas de sécurité sans développement ». Rien sur l’absence de priorités géographiques de la France en Afrique, rien sur l’éparpillement des responsabilités ministérielles à Paris. Quand ils parlent de ce continent si riche, nos deux derniers Présidents sont aussi opportuns et compétents que Coluche au Collège de France, l’un n’a pas vu « l’Afrique entrer dans l’histoire », et l’autre ne connaît rien à l’histoire de l’Afrique.

Mais alors, pourquoi s’agiter soudain autour de ceux-là qui sont le plus souvent des potentats et présidents à vie ? Pour deux raisons, la chasse aux djihadistes déjà évoquée, mais aussi rattraper, si faire se peut, la fuite des richesses et du commerce africain qui tournent les yeux vers l’Asie. Sur un continent dont la croissance pousse de 10 % chaque année, la part des échanges France-Afrique a dégringolé de plus de 50 % en 11 ans, passant de 10 % à 4,7 %...

Pendant des lustres, dans une Afrique francophone faussement décolonisée, les commerçants et ingénieurs français ont imaginé que, pour l’éternité, l’Africain allait rouler français. Ces maîtres blancs du bazar savaient ce qui était bon pour l’indigène, la « 404 » et la Mobylette bleue. Puis les Japonais sont arrivés avec des Honda et des Toyota, et aujourd’hui les Coréens et les Chinois… Et les hommes d’affaires français, trop habitués à des marchés « réservés » et vérolés par la corruption, n’y comprennent plus rien. Eux qui se régalaient dans le pillage des ressources naturelles et l’aménagement d’infrastructures payées par la Communauté internationale. Au Quai d’Orsay, les experts trouvent ces indigènes francophones si injustes envers le colonisateur, et si imprévisibles, qu’un lobby diplomatique pousse Hollande à se pencher plutôt vers l’est du continent, où l’herbe est forcément plus verte…

Pour régler l’horloge de la France-Afrique nouvelle, Hollande a mandé un expert qui ignore tout du sujet : Hubert Védrine. Avec ce fonctionnaire qui pantoufle chez LVMH, le commerce n’a qu’à bien se tenir. Las, des témoins atterrés ont assisté à l’enquête de savoir-faire économique de l’ancien ministre des Affaires étrangères. Ils ont constaté que l’homme du luxe n’a questionné que les représentants de trusts industriels et bancaires et de grandes organisations internationales. Et les entrepreneurs africains sont restés sur le banc, leur avis n’ayant pas de sens pour Védrine et son rapport.

Jacob Zuma, le président d’Afrique du Sud, qui a décidé de boycotter la grand-messe de Paris, a une opinion très rude sur la politique française. Dans un propos tenu en « off », mais dont la teneur a néanmoins été divulguée, Zuma estime que « la France n’encourage pas une démocratie pourtant souhaitée par les peuples de ses ex-colonies. Au contraire, Paris renforce et consolide ses intérêts dans ses mêmes pays. Et, s’il le faut elle n’hésite pas à déstabiliser les nationalistes qui trouvent inadmissible que les richesses du colonisé continuent de nourrir le colonisateur. Nous, nous voulons une Afrique forte qui interdise le pillage de ses ressources. » On comprend pourquoi Hubert Védrine n’a pas consommé de carbone pour se rendre à Pretoria.

Jacques Marie Bourget

Source : http://www.librafrique.org/lire/editos/lheritage-de-mandela#a-les-vieux-chevaux-de-la-francafrique-de-retour

Mondafrique.com

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