Sous le titre « Nous ne serons pas complices des Pétain Palestiniens » (1), Monsieur P.Y Salingue a livré les raisons pour ne pas être complice des collaborateurs palestiniens. Mais ses raisons constituent une suite d’affirmations non démontrées et souvent contradictoires.
Il ne s’agit pas dans ce qui va suivre de répondre point par point à sa longue diatribe. Bien qu’une partie de la réponse à cette diatribe est contenue dans trois articles publiés par le site Le grand soir : « Vers l’unité du mouvement de libération national palestinien » (2), « Amalek et l’Etat d’Israël » (3) et « Liban : guerre civile ou déflagration régionale » (4).
Loin de moi, l’idée de refuser à qui que ce soit l’exercice de la liberté d’expression et de la critique mais cela ne justifie pas, pour autant, l’absence de réflexion.
Pour l’instant, je me contente dans ce texte de répondre à ce qui respire l’arrogance d’un intellectuel en mal de révolution. Il est bien clair qu’il ne s’agit nullement de défendre les dirigeants palestiniens accusés par Salingue de collaborateurs. Mais critiquer une orientation politique ou une stratégie est une chose, en faire de ses auteurs des collaborateurs en est une autre (2).
En effet, quatre expressions, Pétain palestiniens, « Son droit de retour » et « Représentant du FMI » et Territoires de l’Autonomie, traduisent des jugements à l’emporte pièce, teintés de mépris.
1°) Les Pétain palestiniens
Je me permets de répondre à cette expression par un peu d’ironie.
Durant la guerre du Canal de Suez, en 1956, les populations arabes eurent droit à un Hitler. C’est le Président égyptien Gamal Abdel Nasser qui joua ce rôle. La propagande de l’impérialisme français, britannique et du mouvement sioniste avait besoin de légitimer auprès de leurs propres populations l’agression militaire. Un autre Hitler, toujours Arabe, apparu lors de la guerre du Golfe, en la personne de Saddam Hussein. Mais jusque là , les peuples arabes n’avaient pas encore leurs Pétain. Mais aujourd’hui, c’est chose faite, pas « un seul Pétain » mais plusieurs. D’un seul coup de plume de l’intellectuel Salingue !
Donc merci au peuple palestinien de nous avoir offert, entre autres, non seulement un poète, Mahmoud Darwich mais …des Pétain. Et merci à Salingue de nous avoir éclairés.
Comme il faut bien suivre Salingue dans les méandres de ses affirmations et pousser l’analogie jusqu’au bout, il lui reste à nous faire découvrir le vis-à -vis de ses Pétain, c’est-à -dire l’Hitler et l’équivalente de l’armée allemande.
A n’en pas douter, pour l’auteur de « …les Pétain palestiniens… », comparaison vaut raison.
Toujours est-il, Salingue, par ce texte se découvre un De Gaulle appelant à la résistance contre l’impérialisme (3ième partie). Tout un programme que doivent méditer les masses arabes de la région et, en particulier, palestiniennes. Mais Salingue a oublié de mener la résistance dans son propre pays dont l’Etat est une composante de cet impérialisme qu’il fustige.
2°) Le libéral et « son droit au retour »
L’affirmation, « Salam Fayyad a mis en pratique son « droit au retour » en acceptant en 1995 la responsabilité de « représentant du FMI » dans les Territoires de l’Autonomie Palestinienne. », mérite aussi un bref commentaire.
J’attire l’attention sur les guillemets de droit au retour mises par l’intellectuel Salingue et leurs absences autour du nom Pétain. Ce qui signifie que l’emploi du nom Pétain pour Palestiniens est sans ambiguïté tandis que « droit au retour » accolé au libéral banquier, Salam Fayed, n’est pas approprié.
N’ayant aucun compte en banque chez ce « banquier », je n’ai aucune raison de le défendre mais défendre le droit au retour d’un réfugié palestinien, si ! Fût-il celui d’un banquier. En un mot, les guillemets représentent une insulte à ce droit. En effet, ou Salam Fayed n’est pas un descendant de réfugiés et alors le « droit au retour » est de trop dans le texte ou il l’est ! Dans ce cas, ceux sont les guillemets qui sont de trop.
3°) Les Territoires de l’Autonomie Palestinienne
Evoquer des Territoires de l’Autonomie Palestinienne est une aberration dans laquelle l’Autorité Palestinienne se démène depuis 1994.
C’est la sublime trouvaille des Accords d’Oslo. Ces derniers ont permis à l’Etat d’Israël de faire d’une pierre trois coups : occuper des territoires et gérer la terre à sa guise, se décharger de toute responsabilité dans la gestion du quotidien du peuple occupé (Education, Santé, Travail) et donner l’illusion d’une Autonomie Palestinienne. Pour couronner le tout, le financement de la « gestion quotidienne » est assuré par les bailleurs de fonds américains et européens qui d’une part, financent l’occupation et d’autre part, imposent à l’Autorité Palestinienne leur propre agenda politique.
Bilan de l’opération Oslo : le peuple palestinien est doté d’une Autorité, (Président et Gouvernement) sans autorité réelle si ce n’est l’obligation internationale d’assurer la sécurité de l’occupant. (2)
Une Autorité qui s’exerce dans un cadre qui ressemble à une Autonomie, qui a l’apparence d’une autonomie mais qui n’est pas une autonomie. L’intellectuel Salingue aurait pu suggérer cet état de fait en écrivant Autonomie entre guillemets. Il ne s’agit pas, pour moi, d’occulter les lourdes responsabilités des dirigeants palestiniens dans la crise que traverse le Mouvement de Libération Nationale mais les lourdes erreurs commises ne font pas d’eux des collaborateurs de l’occupant prêts à accepter un « bantoustan » comme l’affirme Salingue.
Sans doute, sont-ils des dirigeants naïfs, incompétents, sans vision stratégique etc, prisonniers d’un processus dont ils ne contrôlent plus ou difficilement les graves dérives mais les qualifier de Pétain prouve que Salingue : « ne sachant pas maîtriser la réalité moyen-orientale, théorise la maîtrise. » (Paraphrase inspirée par Régis Debray)
Mohamed El Bachir, 30 août 2010
(1) http://www.legrandsoir.info/Nous-ne-serons-pas-complices-des-Petain-palestiniens.html
(2) http://www.legrandsoir.info/Chronique-d-un-crime-de-guerre.html
(3) http://www.legrandsoir.info/Amalek-et-l-Etat-d-Israel.html
(4) http://www.legrandsoir.info/Liban-guerre-civile-ou-deflagration-regionale.html