Mais tous ne sont pas dans le peuple-classe. Le peuple-classe c’est le peuple-nation moins la classe dominante, à savoir la bourgeoisie, les capitalistes. La « bourgeoisie d’Etat » en est exclue. Ce texte en reformule en autre plus neutre intitulé : « La structure de classe des fonctionnaires » qui critiquait la vision purement juridique largement dominante et finalement très idéologique.
I - Le « SOMMET DE L’ ETAT » EST EXCLUS DU PEUPLE-CLASSE.
A) La Haute fonction publique (HFPE) comme bourgeoisie d’ Etat.
Il s’agit d’une toute petite minorité de hauts fonctionnaires placés au sommet de l’appareil d’ Etat. C’est en quelque sorte la « bourgeoisie d’ Etat » La HFPE est surémunérée avec des « sorties de grille » alors que le haut de la grille assure un haut niveau de revenus. Elle en veut toujours plus car elle cherche à se caler sur les traitements scandaleux des hauts fonctionnaires européens ou ceux des hauts fonctionnaires internationaux comme DSK au FMI . Elle épargne et fait des placements financiers, dispose d’un gros patrimoine et surconsomme tout comme la bourgeoisie privée.
B) La Haute fonction publique à l’origine des politiques néolibérales.
La HFPE prend part très activement depuis plusieurs décennies à la « réforme néolibérale » de l’Etat et notamment à la « casse » du statut de la fonction publique. De nombreux hauts fonctionnaires ont rédigé des rapports préconisant des démantèlements de ce qui a constitué l’armature de la fonction publique et des services publics. Ce sont les ennemis de classe des fonctionnaires de base. La notion de « crise du service public » est venue de la doctrine administrative du début des années 1980. Elle a été en son sein très combattue. Lire ici Jacques Caillosse hélas dans des revues spécialisées pas sur le web.
II - DEUX CLASSES DOMINÉES FONT PARTIE DU PEUPLE-CLASSE
On trouve ici en position dominée d’une part l’encadrement intermédiaire et les fonctionnaires de base. Les premiers subissent une domination certaine mais ils l’acceptent car ils y trouvent deux compensations : une salariale, l’autre de position hiérarchique. Cette seconde caractéristique empêche de parler de « couches moyennes supérieures » pour l’encadrement intermédiaire.
A) L’ encadrement intermédiaire : la « petite-bourgeoisie d’Etat ».
Il s’agit quasiment de tous les cadres dit « A+ ». Ils sont divers - dénomination variée - tant au plan fonctionnel qu’au plan de la rémunération.
Ils forment à deux titres la « petite-bourgeoisie d’Etat »
– 1) Pouvoir face au marché : un salariat aisé.
Les cadres sont bien payés car ils reçoivent quasiment tous assez rapidement plus de 3000 euros net par mois. Ils perçoivent de très bonnes primes pour faire le « sale boulot » qui consiste à ce que les réformes néolibérales soient bien appliquées par la base qui elle résiste aux réformes.
– 2) Pouvoir face aux personnels subordonnés.
Le pouvoir hiérarchique se mêle à un pouvoir idéologique qu’il est difficile de séparer. Ils veillent à l’exploitation de la force de travail des fonctionnaires de base en terme divers : intensification, détournement de RTT vers l’allongement, gel des traitements. Tous n’apprécient pas de faire ce travail mais peu font grève ou manifestent car c’est « mal vu » par l’échelon de commandement. Comme ils défendent très souvent les réformes, leur nécessité et la forme prise pour la mise en oeuvre, l’encadrement intermédiaire est perçu comme vecteur des politiques néolibérales bien qu’ils n’en sont pas à l’origine. Ils font, avec zèle souvent, ce que l’échelon supérieur de commandement leur dit de faire.
B) Les fonctionnaires de base ou « Tiers Etat » .
l s’agit pour l’essentiel des fonctionnaires de catégorie C et B plus une fraction de A (de base). Ce sont les prolétaires publics.
– 1) Une position spécifique des ces agents : Des prolétaires.
Ils gagnent tous moins de 3000 euros net par mois. Le gros de la troupe perçoit du SMIC à 2300 euros net par mois. Certains sont contractuels. Si la HFPE surconsomme les prolétaires publics ont eux très souvent les fins de mois à « zéro » ce qui est une des modalités de définition du prolétaire face au marché des biens et services.
– 2) Une conception du service public et de la production non marchande.
Ce n’est pas les politiques qui produisent l’intérêt général. Cela n’est qu’une mystification. Ce sont les services publics. Et encore même ici il convient de préciser que le néolibéralisme a grandement modifié les modalités d’exercice des services publics qui sont devenus de plus en plus des structures qui aident plus les entreprises que les peuples-classe. La haine anti-fonctionnaires des bourgeois et des libéraux vient du fait qu’une très grande majorité d’entre eux veulent travailler pour l’intérêt général et non pour le profit via le marché. Ils produisent une richesse non marchande en principe accessible à tous . Ce qui est payant n’est pas un prix mais un tarif. Ils défendent la péréquation tarifaire sur tout le territoire national et la présence de services publics partout sur le territoire national. Les agents publics C et B et une partie des A forment le gros des manifestants et des grévistes en France. Ils sont fortement syndiqués et votent largement « à gauche » (Etude CEVIPOF 1999 de Luc Rouban) . EN 2002 une partie d’entre eux s’est prononcé en faveur de Besancenot au premier tour de la Présidentielle. Certes, certain(e)s votent FN.
– Sur les alliances et les solidarités.
Pour conclure cette note on appuiera lourdement sur le fait que les « fonctionnaires prolétaires » sont au coeur d’une transformation positive de la nation (plus d’ Etat social, plus de démocratie, etc.) . Cependant, sans appui des prolétaires du privé et de l’encadrement intermédiaire aucune grande transformation sociale d’ampleur n’aura lieu.
Christian DELARUE