Il manifesto, 18 septembre 2007.
Après l’énième massacre à Bagdad par les mercenaires de Blackwater (eau noire, NdT), le gouvernement irakien vient de retirer sa licence à cette société, en annonçant qu’il allait revoir le statut de toutes les « compagnies de sécurité » étrangères qui opèrent dans le pays. Chose assez difficile : « La société Blackwater - écrit le New York Times (18 septembre)- joue un rôle central dans les opérations étasuniennes en Irak ».
Blackwater est la plus grande des sociétés « contractuelles militaires privées » qui opèrent en Irak et Afghanistan. Fondée en 1997 par un ex-commandant des Navy Seals, elle est composée de cinq compagnies spécialisées. Elle se définit comme « la compagnie militaire professionnelle la plus complète du monde », qui compte parmi ses clients, outre des sociétés multinationales, le Pentagone et le Département d’Etat. Elle est spécialisée en « imposition de la loi, maintien de la paix et opérations de stabilité ». Une fois sur le terrain, elle a pratiquement une licence pour tuer : un document du commandement Us, rendu public par le New York Times (avril 2004), autorise les compagnies militaires privées en Irak à utiliser la « force létale », en autodéfense mais aussi pour la « défense (de) propriété », et pour « arrêter, détenir et fouiller des civils ». On ne sait pas exactement à combien se monte le personnel de Blackwater en Irak : peut-être 1500 hommes mais, d’après le NYT, « il est impossible de savoir le nombre exact ».
Selon le NYT le Pentagone a cependant confirmé qu’en Irak, et aux côtés des forces étasuniennes, opèrent environ 126 mille contractors (contractuels est peut-être un terme un peu faible, on peut sans doute dire mercenaires, NdT) : un total qui est proche de l’ensemble de la force militaire étasunienne déployée ici (mais au début de juillet le Los Angeles Times parlait de 18 mille contractors parmi lesquels ceux affectés aux tâches de soutien et de sécurité, un chiffre donc supérieur aux 160 mille militaires Us en Irak). Ceci entre dans la « stratégie de l’outsourcing » (sous-traitance, NdT) adoptée par l’administration Bush en Irak comme en Afghanistan : un nombre croissant de fonctions, auparavant assumées par les militaires, est confié aux compagnies privées : y compris la « fourniture de sécurité » et l’ « interrogatoire des prisonniers ». Les contractors ne font pas qu’entraîner les forces armées locales, mais participent aux actions de combat. Nombre d’entre eux proviennent des forces spéciales et des services secrets à cause des gains : un commandant privé peut gagner plus de 300 mille euros annuels. (Vous avez bien lu ? 300.000 euros annuels, ça fait 25.000 euros mensuels, soit 163.989 de nos petits francs d’avant l’euro, PAR MOIS, pas par an, par mois. NdT). (Nourris-logés ? NdT)
L’autre grande compagnie militaire privée est DynCorp International, qui se définit comme « entreprise globale multiforme ». Avec un personnel de dizaines de milliers de spécialistes, elle opère surtout au Moyen-Orient, dans les Balkans et en Amérique latine, pour le compte de Pentagone, Cia, Fbi et Département d’Etat. Elle s’est aussi spécialisée dans les technologies de l’information, si bien que le Pentagone, la Cia et le Fbi lui ont confié la gestion de leurs archives informatiques. L’importance de la société a pris un essor depuis, en 2003, qu’elle a été achetée par la société californienne Computer Sciences Corporation, spécialisée dans les technologies de l’information, très bien placée au Pentagone. C’est ainsi que la société DynCorp accomplit sa mission, qui consiste à aider « le gouvernement étasunien à instaurer la stabilité sociale à travers un style de gouvernement démocratique ». Une photo emblématique montre (le président afghan) Karzaï prononçant son discours le « jour de l’indépendance afghane », entouré d’élégants gardes du corps de DynCorp, armés de gros fusils mitrailleurs. Mais il y a un autre secteur, pas trop vanté par la publicité, dans lequel DynCorp excelle : celui des opérations secrètes confiées par la Cia et autres agences fédérales. En Colombie, Bolivie et Pérou, elle participe aux opérations militaires dirigées officiellement contre les trafiquants de drogue. Un domaine où cette société anonyme de la guerre a acquis une riche expérience, depuis que, dans les années 80, elle a aidé Oliver North à fournir des armes aux contras nicaraguayens pour le compte de la Cia (et grâce au prix Nobel de la paix, Henri Quis’ingère, NdT). Dans les années 90, toujours pour le compte de la Cia, elle a entraîné et armé l’Uck au Kosovo (mais c’était avant que n’arrive Bernard Kouchner, peut-être futur prix Nobel de la paix ? NdT). On peut donc être sûr qu’aujourd’hui la DynCorp, comme Blackwater et les autres, conduit aussi des opérations secrètes en Irak et Afghanistan.
Manlio Dinucci
– Source : il manifesto www.ilmanifesto.it
– Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
A propos DynCorp International
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