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Les cachets des acteurs français

Au début de la semaine, les journaux télévisés de France 2 et France 3 ont dressé le palmarès des acteurs les plus payés en 2012. On trouvait donc, dans l’ordre, Dany Boon, François Cluzet, Vincent Cassel, Benoît Poelvoorde, Omar Sy, Kad Merad, Daniel Auteuil, Franck Dubosc, etc. On indiquait aussi, bien sûr, les cachets annuels des intéressés : de 7,5 millions d’euros pour Dany Boon à 380 000 euros pour Eric et Ramzy, les vingtièmes du classement.

[On notera que 380 000 euros annuels, bien que représentant un vingtième de 7,5 millions - le cachet de Dany Boon - correspondent à près de 32.000 euros par mois, soit plus de six fois le traitement d’un professeur d’université en fin de carrière. C’est aussi plus d’une fois et demie le montant du traitement du vice-président du conseil d’Etat (mes derniers chiffres indiquaient 18 000 euros par mois). Je rappelle que le vice-président du conseil d’Etat est au sommet de la hiérarchie administrative].

Ce faisant, ces journaux télévisés contribuent (peut-être sans le savoir...*), à une manoeuvre idéologique, qui vise à nous inspirer de l’envie, du respect, de l’admiration pour l’argent, pour les riches et pour la hiérarchie, c’est-à -dire à nous instiller subrepticement une mentalité de droite...

1. Admiration de l’argent. Ce classement des acteurs s’inscrit dans une série qui inclut aussi le classement des riches dans le monde et en France, et qui revient rituellement (au moins) une fois par an. Ce classement contribue à faire des plus riches des sortes de demi-dieux, dotés de qualités exceptionnelles (on suggère ainsi, de façon spécieuse, que l’argent traduit objectivement la valeur - intelligence, caractère, capacité de jugement, vertus - et qu’un Carlos Ghosn (PDG de Renault et de Nissan qui gagne 13 millions par an, "vaut" donc 216 fois plus que tel de ses anciens camarades de "maths sup/maths spé" qui, lui, a suivi une carrière universitaire, et ne gagne "que" 60.000 euros par an - et encore en fin de carrière !).

[Autrement dit, comme ces hauts revenus sont toujours versés dans le privé, un salarié du privé est donc intrinsèquement "supérieur" - et de beaucoup ! - à un salarié du public...].

1bis. Cette admiration de l’argent est aussi envie de l’argent, envie stimulée tous les jours par l’insistance sur le Loto, dont la perception du gros lot est présentée comme le comble du bonheur. [Et, là aussi, le bonheur - notion subjective - est assimilé à une donnée quantifiable, qui a une valeur intrinsèque et proportionnelle : un gagnant du gros lot de 100 millions, est donc censé être "deux fois" plus heureux qu’un gagnant d’un gros lot de 50 millions].

1ter. Au passage, cette insistance sur l’argent glisse en contrebande un autre trait de la mentalité de droite : il n’est licite d’accroître ses revenus qu’individuellement, et dans des proportions colossales. Est ainsi dévalorisée, implicitement, toute augmentation collective et modeste (à la suite de revalorisations des points d’indice pour les fonctionnaires, d’augmentation du SMIC, de hausse du RSA ou de l’heure du salaire moyen). La morale (sous-entendue) délivrée aux auditeurs est : salariés, fonctionnaires, retraités, ne vous engagez pas dans des actions collectives, dans des luttes de classe, vous n’y gagnerez que des nèfles ! Jouez plutôt au Loto, vous vivrez comme des princes. [Et non comme des minables, à l’instar des "collectivistes"...].

1quater. Une autre "leçon" est aussi sournoisement délivrée : un certain nombre de ces acteurs sont issus de milieux populaires, ils ont eu une scolarité médiocre (ou peu de scolarité)... et n’en ont pas moins réussi ! [Enfin "réussi" au sens des médias, c’est-à -dire réussi à être riches et connus]. Cette leçon est une des "scies" de la droite : en partant de très bas, "tout le monde" peut monter très haut, à condition de le vouloir ! C’est la même rengaine depuis Napoléon et ses grognards "qui avaient tous un bâton de maréchal dans leur giberne" ou des "modestes immigrants" débarqués sans le sou à New York et devenus milliardaires quarante ans plus tard. Morale de l’histoire : chacun peut arriver sur la plus haute marche et les chômeurs et les pauvres n’ont aucune excuse ! Ce sont des ratés et "on" n’a pas à payer pour eux...

2. Admiration et respect de la hiérarchie. Les médias sont friands de classements. Tous les ans, reviennent les classements des meilleurs lycées, des meilleurs hôpitaux, des meilleures cliniques. [Comme s’il était possible, pour n’importe qui, d’aller étudier ou se faire soigner n’importe où...]. Cette manie du classement revient aussi tous les ans, avec la sempiternelle liste des plus jeunes candidats au bac, des meilleurs résultats au bac, à Polytechnique ou à Normale Sup’, (et, naguère - car cela se fait un peu moins - des premiers au Concours général).

Il est significatif à cet égard que les médias n’ont pas même l’idée de penser que la "performance", ne serait pas que tel ou tel élève ait son bac à 13 ans ou soit reçu simultanément premier à Normale Sup’ et à Polytechnique, mais qu’en France les élèves sortent de l’école avec les écarts les plus petits possibles, qu’il n’y ait [à l’instar de ce qui se passe en Finlande] pas de redoublement, pas de classement et, bien entendu, qu’aucun enfant ne soit laissé au bord du chemin...

Je passe bien évidemment sur le "sport" qui n’est que classement, hiérarchie, compétition et argent et dont on est abreuvé dans tous les médias. Comment pourrait-on, en France (ou ailleurs), voir prospérer une mentalité de gauche, alors que tous les jours, les médias ne cessent de parler de "classements", de "meilleurs", de "plus riches", de "relégation" et autres termes vantant l’inégalité ?

* "Peut-être sans le savoir" : mais ce n’est "peut-être" pas un hasard si, lorsque, sur un moteur de recherche, j’ai tapé "cachets des artistes", la première référence qui s’est présentée a été celle du Figaro...

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