Introduction : l’idée de ce papier m’est venue suite à la lecture de magazines politiques « main-stream » sur les gilets jaunes et dont le message se ressemble à se confondre. Il s’agit de réfléchir philosophiquement à la manière dont la politique se construit aujourd’hui. En fait le message politique quel qu’il soit, passe par les médias, qui deviennent l’intermédiaire obligé. Or plus l’intermédiaire fait d’idéologie, moins le « signal d’origine » est retransmis. Le fait que 90 % des médias appartiennent à 9 milliardaires, n’est peut-être pas étranger au fait, que le message soit toujours le même… Toute ressemblance avec une situation actuelle ne serait pas qu’involontaire…
LE RAPPORT SIGNAL-BRUIT : On ‘est pas ici dans la politique, mais dans la physique dure, celle qui souvent s’exprime sous la forme d’équations et de chiffres. Cependant, y compris dans ce domaine, la philosophie est sous-jacente. Le rapport « signal bruit » est « un indicateur de la qualité de la transmission d’une information ». Le « signal » est le message et plus il y a de « bruit », plus la qualité du « signal » se réduit. Le bruit est donc « un signal parasite dont l’amplitude et la fréquence varient aléatoirement ».
Le bruit électronique est « un amas d’éléments indéfinis qui n’ont rien à voir avec le signal utile ». Plus le « bruit » est important plus il perturbe la qualité du « signal ». La conséquence du « bruit » est perverse : « Une certaine quantité d’informations sonores est perdue ou risque de l’être. »
LES CHAINES HI-FI : C’est dans le choix des chaines hi-fi de l’époque du microsillon, que cette question du rapport « signal-bruit » avait une grande importance, notamment pour le choix de l’amplificateur. Plus on amplifie le signal, plus le bruit peut venir perturber la qualité du signal. S’y rajoutait la manipulation des disques où la moindre rayure augmentait le bruit, donc la dégradation du signal.
L’APPLICATION A LA POLITIQUE : Une fois tous ces éléments en tête, on peut commencer à réfléchir sur le fonctionnement de la société. La société pour fonctionner selon des règles communes, principe de la société, doit pouvoir faire des choix, qui sont des « choix de société ».
En démocratie, la politique n’est pas autre chose que l’organisation pacifique des choix. Chaque force politique se doit donc, d’émettre un « signal » qui précise son analyse de la société et ses propositions. Les citoyens informés des différents « signaux » émis n’a plus en toute connaissance de cause, qu’à choisir le type de signal, c’est-à-dire le choix de société. Telle est la description théorique de la démocratie.
Sous l’ancien régime, le choix n’existait pas puisque le pouvoir de décision appartenait au Roy, par ailleurs, « représentant de Dieu sur Terre ». Difficile de s’attaquer, voir même de critiquer le représentant de Dieu…
UN SIGNAL UNIVERSEL : La Révolution de 1789 a envoyé un premier « signal » politique qui fit grand « bruit » de caractère universel, la « déclaration des droits de l’homme et du citoyen », « signal éblouissant » qui ébranla toute l’Europe : « De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde » [1] . Le citoyen devenait responsable de son propre avenir, à travers des lois votés par les députés, représentants élus du peuple, lois qui portaient « intérêt général »…et non « intérêt particulier » (en quoi la suppression de l’I.S.F est porteur d’intérêt général ? idem pour le CICE ?)
Observons que le « bruit » a émergé dès cette période, avec des réactions d’hostilité aux messages de la République (Eglise, Noblesse) rentrant en opposition (chouannerie et guerres) aidées par les royaumes d’Europe obligeant la République à « amplifier le signal » (Tribunaux d’exception, Guillotine, conscription).
Révolutions toujours remises en cause : Observons qu’il fallut 5 Révolutions (1789, 1830, 1848, 1871, 1944) pour que le « signal » République et démocratie s’ancre définitivement dans la conscience collective sans aucun retour en arrière possible. Précisons que pour 1944, la Résistance a été une insurrection à caractère Révolutionnaire, puisque fondée sur un programme politique « Les jours heureux » que De Gaulle, fut chargé de mettre en œuvre, Nationalisations et sécurité sociale comprise. Mais depuis la Vème République, tous les pouvoirs qui se sont succédé ont tenté de remettre en cause, les objectifs, la démarche et la profondeur du programme du C.N.R. Aujourd’hui, on assiste à une « rupture- accélération » avec notamment la remise en cause, du code du travail (inversion des normes), des communes (Taxe d’Habitation-Métropole) et de la fiscalité (CSG, I.S.F etc…).
La Révolution réactionnaire de Macron : Son livre politique porte le nom de « Révolution », mais il s’agit d’une Révolution profondément réactionnaire tant sur le plan social (« les pauvres coutent un pognon de dingue ») et économiques (« privatisations ») Mais c’est sur le plan politique que la révolution réactionnaire est encore la plus violente, car macron se verrait bien de nouveau Roy de France. Ainsi il a déclaré : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude car elle ne se suffit pas à elle-même » [2]. Et il poursuit : « Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort » [3].
Où l’on observe donc que la République que l’on croit solidement installée est en fait en situation de fragilité permanente. Au vu des évolutions de la Vème République, qui renforce le pouvoir exécutif, nous sommes désormais dans un régime de « monarchie Républicaine », où le Président, marionnette de la finance européenne (B.C.E), que j’appelle Bastille du Capitalisme Européen, régente le Pays.
Capitalisme et libéralisme : Pour revenir à l’interrogation initiale, sur « le signal et le bruit », il nous faut réfléchir dans le cadre du système dominant actuel qui porte le nom de capitalisme. Le Capitalisme n’est pas un vilain mot, mais celui qui définit le système économique actuel. Au mot capitalisme, on trouve : « Le capitalisme désigne un système politique et économique reposant sur la propriété privée des moyens de production, du libre-échange sur des marchés et de la libre concurrence ». L’approche Marxiste confirme cette définition en lui révélant ses ressorts cachés en indiquant qu’il s’agit d’un « rapport d’exploitation du travail humain, découlant du rapport de propriété ». Le « signal » principal du mot est donc celui de « propriété ». C’est pour masquer ce rapport profond d’exploitation issu du seul fait du « rapport de propriété », que le mot « libéralisme » va être utilisé. En utilisant le terme « libéralisme » qui renvoie à liberté (autorisant toutes les ambiguïtés), il s’agit avant tout de masquer la violence réelle du capitalisme concret, qui n’est qu’une extraction de valeur découlant du rapport de propriété. Dans ce cadre, le « libéralisme » joue le rôle du « bruit » en vue de perturber le signal initial qu’est le « Capitalisme ».
Capitalisme mondialisé ou mondialisation ? Avec la découverte du monde depuis l’Europe (Christophe COLLOMB, Vasco de Gama, Magellan) la domination économique du monde fut ouverte tout d’abord sous la forme des colonisations, qui génèrent, le premier commerce triangulaire (carte de gauche), duquel découla le trafic des esclaves d’une violence absolue. L’esclave appartenant au Maître comme l’entreprise appartient au capitaliste. La seconde « mondialisation » actuelle (carte de droite) a généré là aussi une violence économique exacerbée entre les peuples (nomadisme migratoire permanent), du fait de ses fondements (compétitivité, libre échange-concurrence) pouvant aussi engendrer une destruction de l’humanité (Réchauffement climatique). Là aussi, on peut dire qu’il s’agit d’un système précis « le capitalisme mondialisé » le vrai signal, là où les « libéraux » vont parler de « mondialisation », présenté de plus comme un système inévitable. Le « capitalisme mondialisé » est le signal, « la mondialisation » est « le bruit », c’est-à-dire l’idéologie construite pour empêcher de réfléchir et nous obliger à nous adapter.
Luttes des classes ou religion : En ces temps plus que troublés, qui interrogent l’avenir de l’Humanité, nombreux sont ceux qui ne voient plus de solution autre que celle du spiritualisme et des religions. Il existe comme le disent les « communicants » un retour du « fait religieux » et notamment à l’entreprise, l’Etat vient d’édicter des règles : « Le ministère du Travail présentera le 20 octobre un guide pratique du fait religieux pour accompagner dirigeants et salariés des entreprises privées. » [4]. On ne peut là aussi analyser cette évolution en dehors des rapports sociaux dominants qui sont ceux du capitalisme, rappeler ici, qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, ce qui comptait pour le monde du travail, c’était « la lutte des classes » qui permettait au prolétariat de revendiquer collectivement ce dont chacun profitait après conflit. A l’époque la C.G.T c’était plus de 5 millions d’adhérents et le taux de syndicalisation était de 35 %. Aujourd’hui la C.G.T c’est environ 600.000 adhérents et un taux de syndicalisation d’environ 6 % % intégrant de plus l’explosion syndicale (organisations différentes), ce qui n’était pas le cas en 1945. Au-delà de ces chiffres bruts, c’est surtout une perte d’efficacité revendicative, où les revendications collectives ne débouchent pas, le système généralisant des solutions individuelles (contrats de travail- salaire au mérite individuel- promotion canapé, mobilité permanente etc…).
A l’entreprise,
- « le signal » était la lutte des classes, permettant la conquête de droits sociaux qui s’appliquaient à tous les salariés.
- « le bruit » c’est la religion qui cherche à nous enfermer dans une solution individuelle : « La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple » [5]
Révolution citoyenne ou populisme ? Depuis quelques années un « tribun du peuple », puisqu’il se revendique ainsi, déclame le besoin et l’urgence de la « Révolution citoyenne ». Livres et interventions savantes sont à disposition de tout le monde et notamment des médias dominants.
Et que retiennent les médias dominants ?
Non pas l’analyse de fond, qui pourtant est « le signal » émis, mais ce qu’il y a autour, « le dégagisme » et les « colères du tribun », qui permettent ainsi de créer et d’alimenter « le bruit ». Le concept de « populisme » (bruit) est retenu, permettant ainsi de marier les programmes du F.N et de la « France-Insoumise » comme étant les mêmes. Le Pen représentant le « populisme de droite » et Mélenchon le « populisme de gauche ». Sauf que le « signal » d’origine s’intitule « Révolution citoyenne » et non « populisme ». Rappelons aussi pour les ignares, que le F.N revendique la « Révolution Nationale », les concepts sont fondamentalement différents, s’opposent, mais il faut produire du « bruit », alors il faut associer ce qui est inconciliable…écrit d’ailleurs en lettres de sang, là ou au contraire les « émetteurs de bruit », ne rappelleront pas le fait que c’est la « bourgeoisie française » qui a pactisé avec Vichy et Hitler, jusqu’à lui procurer des chars d’assaut, expliquant à la Libération sa Nationalisation-punition effectué par le « communiste » De Gaulle et sans que le MEDEF de l’époque ne souffle mot…
Et heureusement qu’il y a, pour sauver les « bonnes gens » entre ces deux « extrêmes populistes », des forces désormais appelés « progressistes », pour faire barrage à ces dangereux extrémistes, comme si la destruction du code du travail, la suppression de l’I.S.F, et la privatisation de la S.N.C.F étaient du progrès et n’étaient pas en tant quel, un extrémisme de droite… au service du seul Capital.
Politique idéologie et médias : On le voit ici, l’analyse physique, pour une fois peut s’appliquer à la vie politique. Dans une démocratie Républicaine, le débat politique se doit d’organiser de manière contradictoire (Agora) le choix entre Deux ou trois « signaux » différents (les choix de société). Le débat démocratique doit porter sur le fond. La démocratie se donc d’organiser la comparaison des « signaux » émis, et pas des distorsions des signaux, ce qui revient à produire du « bruit ».
Mais comme la politique, dans le cadre du capitalisme est le reflet des affrontements des « classes en lutte », le système a besoin, pour se reproduire, de créer du « bruit » pour empêcher les choix de société s’exprimer librement. C’est le rôle des médias que de produire en permanence du « bruit « en vue de masquer « les signaux effectivement émis ».
L’irruption sur le devant de la scène, des « gilets jaunes » perturbe ce fonctionnement, obligeant de fait à parler de leurs doléances, et donc, comme en 1789 la question centrale qui revient est celle des « taxations » et des « impôts », question centrale de la politique (quel budget, avec quels moyens et quels impôts, pour financer quoi ?). Rappelons ici, que c’est le refus de la part de Louis XVI de prendre en compte les doléances du Peuple, qui déboucha sur la Révolution, son élargissement, son approfondissement.
Or qu’observe-t-on ? : Les médias au début favorable au mouvement, du fait de sa déclamation de ne pas être récupéré par les syndicats, vu la prolongation et l’enracinement du conflit (80 % de soutien) se mirent à changer de discours, parlant comme pour la CGT lors de grands mouvements de grève de « radicalisation », ce qui évidemment ne l’était pas. Puis suite à la manifestation à Paris, se mit à parler davantage des casseurs que des gilets jaunes, reprenant ainsi son rôle de producteur de bruit.
P.G.V et haine des médias : Dans les assemblées citoyennes des « ronds-points », les gilets jaunes font de la Politique à Grande Vitesse (P.G.V) et apprennent vite. Ils se sont vite rendu compte que Jupiter ne les écoutait pas, demandant rapidement sa démission. Après la manifestation sur les « Champs Elysées », ils se sont rendus compte que les médias parlaient plus des « casseurs » infiltrés avec autorisation du pouvoir, que des manifestants et des revendications portés, au point de déclencher chez eux, une méfiance teinté de haine qui renvoie à ce que décrivait Mélenchon. « Si la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine, elle ne doit pas nous empêcher de réfléchir et de penser notre rapport à eux comme une question qui doit se traiter rationnellement dans les termes d’un combat. À chaque attaque, sa réplique particulière. Beaucoup d’amis n’ont pas encore compris que nous n’avons pas d’autre adversaire concret que le « parti médiatique ». Lui seul mène bataille sur le terrain, en inoculant chaque jour la drogue dans les cerveaux. Ce ne sont pas les autres militants politiques, ceux des autres partis. Ils sont inexistants sur le terrain et restent à portée de polémique. Le parti médiatique, je l’ai dit, est sans recours. Sa condition de survie est de le rester. D’ailleurs, le but du parti médiatique est de détruire tous les autres « émetteurs » de pensée : parti, syndicat, autorité morale de quelque nature qu’elle soit. Tout est bon alors pour atteindre ce but. Tout. C’est un pur effet de système. Le moindre journal comporte au moins chaque jour une « révélation », incontrôlable, destinée à salir quelqu’un vivant ou mort. La méthode est ample. Pas un jour une information qui donne la pêche, rend confiant dans l’humanité, fait croire au futur. La peur et le dégoût comme nourriture quotidienne, c’est le terreau du pouvoir médiatique qui vous « révèle » ce que personne ne veut que vous sachiez. Le pouvoir médiatique est d’essence complotiste. »
Les gilets jaunes avec les contradictions internes qui existent et qui se régleront avec le temps sont « Révolutionnaires En Marche » et peuvent faire dégager Jupiter de son siège de l’Olympe.
Les pensées de la classe dominante : Nous sommes confrontés à un système médiatique qui confine à l’absolutisme. Mais ceci a déjà été analysé il y a longtemps et de manière précise : « Les pensées de la classe dominante sont aussi les pensées dominantes de chaque époque, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose du même coup des moyens de la production intellectuelle [6], si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. Les pensées dominantes ne sont autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante ; autrement dit ce sont les idées de sa domination » [7].
Si en démocratie, le rôle du débat politique est de confronter les « signaux émis », le rôle des médias « libres » est de produire du « bruit », idéologie, dont l’objectif réel est de perturber le « signal émis » en vue d’empêcher toute rupture de système. Faut-il rappeler que 90 % des médias actuels sont possédés par 9 milliardaires, dont l’intérêt bien compris n’est pas de favoriser une Révolution. « L’affaire Mélenchon » comme le dossier « gilets jaunes = Casse » ne sont que des matérialisations de ce dispositif Physique.
Quand la rivière déborde de son lit, elle emporte tout sur son passage. Ouverture :
Personne ne peut dire aujourd’hui jusqu’où ira la « Révolution gilets jaunes ». Plus le Pouvoir actuel recule, le temps des décisions importantes répondant aux doléances du peuple, plus la Révolution ira en s’enracinant davantage et en s’approfondissant, véritable mimétisme de louis XVI. Il n’y a qu’à voir la manière dont le monde regarde ce qui se passe en France, pour comprendre qu’à nouveau, notre Pays, son peuple, fait trembler les puissants, car de plus, avec les connexions Internet mondiales, la visibilité de la Révolution actuelle, fait le tour du monde et derrière les images, se propage le « signal » suivant : Et si nous aussi on s’y mettait. A ce moment-là, les « producteurs de bruit », ne pourront plus que se taire. « Quand la rivière déborde de son lit, elle emporte tout sur son passage ».
Fabrice AUBERT
Le 7 Décembre 2019, du rond-point dit « Chat-noir » de Martigues