RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Le saumon, un scandale éthique, écologique et sanitaire

Le saumon est considéré comme un produit phare des fêtes de fin d'année et une majorité de français s'apprêtent à en consommer. Pourtant, derrière son image festive et conviviale, ce produit cache une réalité bien plus glauque.

60% de la production mondiale provient de l’élevage

Il existe deux sortes de saumons : le saumon du Pacifique et le saumon d’Atlantique. Le premier est essentiellement péché en mer (Alaska, Russie, Japon ...) tandis que le second provient essentiellement de fermes d’élevage (Norvège, Chili (1), Royaume-Uni...) (2). A elle seule, la Norvège assure environ 60 % de la production mondiale (totale) et 90% de la production Atlantique. La France, elle, est le deuxième consommateur mondial (après le Japon). Elle importe environ 120 000 à 130 000 tonnes de saumon chaque année, dont 66% en provenance de Norvège.

Un poisson migrateur ... dans quelques mètres carrés

Les conditions de vie en élevage n’ont pas grand chose à voir avec celles de l’animal sauvage. Déjà, le saumon étant un animal anadrome (vivant naturellement en mer mais remontant les rivières pour pondre), il s’agit de simuler artificiellement cet environnement. Ainsi, les saumons naissent généralement sur la côte, dans une écloserie (en eau douce), avant d’être placés au bout d’un an dans une ferme de grossissement. Là, ils passeront environ deux ans, dans des enclos (en mer) ou des bassins (alimentés en eau de mer) avant d’être abattus.

Des poissons modifiés génétiquement et hormonalement

En élevage, seule la logique économique compte. Ainsi, parce qu’elles grossissent plus vite, les éleveurs font croître des femelles stériles. La stérilisation est obtenue par la technique dite de "triploïdisation", une modification génétique au stade embryonnaire permettant d’obtenir 3 chromosomes au lieu de 2. Quant à la "femellisation", elle passe par l’obtention de néomâles (en utilisant de la methyltestosterone, une hormone ayant pour effet de transformer l’ovaire en testicule), néomâles dont la descendance est ensuite 100 % femelle.

Des conditions de vie sordides

Environ 25 % des saumons d’élevage meurent avant d’avoir atteint l’âge adulte. La surpopulation notamment (entre 50 et 100 kg de poisson par m3) engendre stress, maladies et blessures. Si les cas de cannibalisme ne sont pas rares (insuffisamment nourris, certains poissons attaquent la pupille de leurs congénères), c’est surtout l’infestation par des poux rouges qui constitue le fléau des élevages. Partout sur leur corps, les saumons présentent alors de larges plaques roses (plaies ouvertes), des cloques, signe que les saumons sont littéralement rongés vivants par ces parasites (3).

Des traitements douloureux

Pour s’en débarrasser, les élevages utilisent plusieurs techniques : les jets d’eau haute pression, les bains haute température ou encore le traitement à l’eau oxygénée. Toutes ces techniques causent stress, douleurs et blessures aux saumons et nombre d’entre eux n’y survivent pas. Notons que des techniques plus douces existent (comme l’emploi de "poissons nettoyeurs" se nourrissant précisément de ces parasites) mais celles-ci restent ultra-minoritaires.

L’utilisation de produits toxiques

A cela, s’ajoute les traitements chimiques. Certains se souviennent sans doute du scandale du diflubenzuron en 2011-2012, du nom de ce pesticide interdit dans l’UE mais utilisé en Norvège (hors UE) pour lutter contre le poux rouge. Un produit "hautement toxique pour les organismes aquatiques et capable d’avoir des effets à long-terme sur l’environnement aquatique" selon sa propre notice. A l’époque, l’affaire avait fait grand bruit ... mais depuis, silence radio. Le produit est vraisemblablement toujours utilisé aujourd’hui, mais il est difficile de savoir dans quelle proportion (4).

Nourriture chimique

La nourriture, elle non plus, n’a pas grand chose de naturel. Au programme : farines animales (poissons, cochons, poulets ...), farines végétales (soja ...), huiles de poisson, huiles végétales, glucides, vitamines, minéraux ... et un pigment de synthèse, l’astaxanthine, qui permet de donner au saumon sa couleur rose (en liberté, il l’obtient naturellement en mangeant des crevettes). Plus problématique, l’utilisation d’éthoxyquine (un conservateur censé éviter l’oxydation des saumons pendant le transport), lui aussi classé toxique (5).

Contamination de l’environnement

Bien évidemment, ces substances toxiques se retrouvent dans l’environnement. A cela s’ajoute une contamination par les fèces : un élevage type (plusieurs centaines de milliers de têtes) génère autant qu’une ville moyenne (50 à 100 000 habitants) ; or, ces fèces participent à l’eutrophisation du milieu (croissance d’algues), appauvrissant ainsi la faune et la flore. Autre contamination, celle par les poux : rejets d’eau, évasions ... ces parasites finissent par toucher les populations sauvages, déjà fortement en baisse (elles ont chuté de plus de moitié en 20 ans) (6).

Des actes de cruauté

On peut ajouter à ce tableau (déjà bien noir), des cas de maltraitance caractérisés, filmés ici ou là par des associations animalistes. Une maltraitance provenant d’actes gratuits (poissons balancés sur le sol ou dans des poubelles tels des ballons de basket ...) (7) ou des conditions d’élevage et d’abattage elles-mêmes, induisant la plupart du temps une agonie prolongée (asphyxie dans une eau insalubre, asphyxie à l’air libre, paralysation/asphyxie au CO2, bain électrique, assommage manuel, saignée sans étourdissement préalable ...)

Les poissons, ces êtres sentients

De récentes études ont montré que les poissons ressentent la douleur, et ce, d’une manière très similaire à la nôtre. D’autres ont montré qu’ils étaient dotés d’une véritable vie intérieure, qu’il s’agisse de ressentir des émotions, mémoriser des expériences, ou encore élaborer des comportements stratégiques. Rien ne nous oblige à participer, de par notre alimentation, à la souffrance de ces êtres sentients (ni d’ailleurs à celle des autres animaux). Pour les accros, il existe de très bonnes alternatives végétales (à base d’algues etc.). Et si vous essayiez le Solmon pour Noël ?

Notes

(1) Comme sa localisation ne l’indique pas.
(2) Une ferme d’élevage contient typiquement plusieurs centaines de milliers de saumons (jusqu’à un million).
(3) D’autres maladies touchent les saumons d’élevage, parmi lesquelles des maladies virales (orthoréovirus pisciaire, alphavirus des salmonidés ...), bactériennes (vibriose, furonculose ...), parasitaires (henneguya salminicola, gyrodactylus salaris ...).
(4) Il faut ajouter à cela l’utilisation de nombreux antibiotiques pour lutter contre les infections bactériennes ; à noter qu’en Norvège, la mise en place d’une vaccination à la naissance a permis de limiter fortement leur usage.
(5) Le saumon (d’élevage et sauvage) contient en outre des quantités relativement élevées de métaux lourds, pesticides, PCB, dioxine ... Etant un prédateur (assez haut dans la chaîne alimentaire) et un poisson gras, il les accumule d’avantage que d’autres poissons.
(6) Egalement des cas de contamination virale (orthoréovirus pisciaire ...), lesquelles contribuent à décimer les populations sauvages.
(7) Généralement des poissons jugés non rentables (malades, affaiblis, déformés ...) et traités comme des déchets.

Quelques références

Le saumon
Production et consommation de saumon
Enquête sur les conditions d’élevage des saumons
Saumons, les grands migrateurs
Salmon farming in scotland
Les secrets du saumon d’élevage
Horreur dans les élevages de saumons en Écosse
Aquaculture, environnement et poissons triploïdes
Pourquoi des millions de saumons d’élevage sont-ils morts en Norvège ?
Maladies et parasites du saumon
Norvège : Saumon fumeux - L’Effet Papillon
Enquête sur l’élevage des saumons en Ecosse.
Enquête dans une ferme aux Etats-unis
Les secrets du saumon d’élevage
L’élevage de saumon au Canada : maladies, traitements, atteintes à l’environnement ...
Les élevages écossais pollués aux antibiotiques
690.000 saumons traités aux antibiotiques s’échappent d’une ferme au Chili
Un virus touchant les saumons d’élevage en Norvège se propage jusque dans l’océan Pacifique
Les fermes piscicoles du Canada transmettent des virus aux saumons sauvages
Fermes de saumons : gestion des effluents d’élevage
Enfumés par le saumon
Contaminants dans le saumon fumé
Les poissons aussi ressentent la douleur
[L’intelligence des poissons
L’intelligence des poissons
Qui sont les poissons ?

URL de cet article 37622
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Islamophobie. Comment les élites françaises construisent le "problème musulman"
A. Hajjat et M. Mohammed
Les connaissances sur l’islam produites par différents acteurs appellent généralement une action politique pour « résoudre » le « problème musulman ». En ce sens, les conditions de production des connaissances sur l’islam peuvent être déterminées par la « solution » envisagée, et cette « solution » peut varier considérablement en fonction du diagnostic que l’on fait de la réalité sociale. Les mythes propagés par les experts sécuritaires et certains intellectuels médiatiques s’accompagnent souvent d’appels au (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Il y a une idée sur laquelle chacun semble d’accord. « Vaincre Daesh », comme l’a exprimé le secrétaire d’Etat Tillerson. Laissez-moi poser juste une question : Pourquoi ? Il est temps pour Trump d’être Trump : extrêmement cynique et imprévisible. Il lui faut vaincre Daesh en Irak. Mais pourquoi en Syrie ? En Syrie, il devrait laisser Daesh être le cauchemar d’Assad, de l’Iran, de la Russie et du Hezbollah. Exactement comme nous avons encouragé les moudjahidines à saigner la Russie en Afghanistan. »

Thomas Friedman, « In Defense of ISIS », New York Times, 14 avril 2017.

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.