La doctrine fasciste n’attend pas d’avoir pris le pouvoir pour s’étaler un peu partout. En effet, on la retrouve au préalable sous la plume de ses grands idéologues, qui la noient dans une certaine phraséologie autoproclamée « anticapitaliste ».
Mais très clairement, la doctrine fasciste est, comme le soutient Daniel Guérin dans son Fascisme et Grand Capital, comme une soeur de la philosophie réactionnaire de l’Ancien Régime féodal, clérical et absolutiste.
Depuis nos législatives (belges) du 13 juin dernier, notre petit monde politico-médiatique est tétanisé face à la percée de la NVA qui s’est engouffrée dans le sillon creusé par son imposant leader. Ce dernier échappe en effet au cordon sanitaire généralement attribué aux fascistes grâce à l’alliance rondement menée avec le parti catholique.
Le point commun essentiel donc, entre jeune NVA et national-socialisme d’hier et d’aujourd’hui, est bel et bien la lutte contre toute forme de socialisme et d’organisations du monde du travail qui nuit à l’évolution du taux de profit par rapport à la masse salariale. Ce point commun donc, est la raison pour laquelle le patronat flamand trouve soudainement très tendance de passer le plus clair de son temps à la NVA.
Même Barroso, garant du capitalisme européen, se rend chez Mr. De Wever pour avoir confirmation de cette « politique économique ». On laisse ainsi carte blanche à la NVA sur la possibilité du démantèlement de l’Etat, sur fond maquillé de communautarisme primaire affaiblissant les organisations ouvrières pour en réduire l’impact.
Les néo-nazis du Vlaams Blok/Belang ont défriché le terrain depuis trente ans. Ces héritiers du nazisme, fers de lance de la lutte contre les organisations ouvrières, n’ont fort heureusement jamais été très loin, faute de n’avoir pu masquer intelligemment leur haine du Wallon, du Juif, de l’Arabe, de l’Africain, de l’Asiatique, de l’Indien, etc.
Avec son bagage historique, le Vlaams Belang a voulu jouer dans la continuité. Les autres partis et la bourgeoisie flamande, par la force des choses, n’ont jamais pu se compromettre en acceptant de s’allier avec un parti aussi peu fréquentable.
Le Vlaams Belang tentera alors des appels du pied pour la création d’un « syndicat » dont le but est de briser les grèves, mais en vain : Là encore, faute de stratégie et grâce à la puissance des CSC et FGTB en Flandre, le projet capotera.
Une autre tentative d’un VB décidément motivé à approcher la bourgeoisie est l’élection à sa présidence de l’ancien directeur du port d’Anvers, qui de par cette fonction entretient naturellement des relations privilégiées avec le monde patronal et financier. Un énième essai qui pour la énième fois ne réussit pas à convaincre la classe dirigeante que le Vlaams Belang serait son meilleur représentant.
La NVA porte bien son nom. Cette Nouvelle Alliance est un véritable cocktail du national-socialisme et de l’ultranationalisme, mais saupoudrée cette fois de catholicisme réactionnaire qui lui ouvrit les portes du pouvoir. Comme nous l’avons dit plus haut, le Vlaams Belang a défriché, la NVA parachève.
La NVA ou le bon qualitatif
Les deux sont d’ailleurs compères. On retrouve en effet Philip de Winter du Vlaams Belang et Bart De Wever de la NVA courtisant tous deux les mouvements de jeunes nationaux-socialistes et ultranationalistes pour un ordre nouveau flamand (sic !) (KVHS-NSV-TAK…). Au sein même de la NVA, on retrouve carrément les TAK, mais aussi les VMO (Vlaamse Militante Orden) et les Voorpost (Avant-poste). Autre exemple, l’alter ego de Mr. De Wever et président du parlement flamand, Jan Peumans, est très explicite quant à ses opinions concernant la Résistance, usant de termes tels que lâches, assassins, crapules de la rue… La bande tend vers un Etat flamand autoritaire, radical et catholique. Bart De Wever est un nostalgique militant convaincu.
Les nostalgiques de l’histoire
Déjà durant l’Occupation, le Vlaams National Verbond, séparatiste par définition, a grossi ses troupes de cent mille têtes, passant alors à cent-trente mille sympathisants. Le VNV aspirait alors à un Etat autoritaire basé sur le Gau (Région) et le Gauleiter (Chef de Région) hitlériens. Cela dans la continuité de l’organisation politique nazie qui divisait la grande Allemagne en régions dirigées chacune par un chef absolu. La NVA ne va jamais dénoncer cette histoire puisque cette dernière est pour elle une référence incontournable à sa haine du socialisme et du régime parlementaire.
Ce que Bart De Wever ne dira pas non plus, c’est qu’Adolf Hitler a longtemps hésité à donner à la Flandre ce statut de Gau. Et pourquoi ? Simplement parce qu’un autre prétendant au pouvoir absolu, Léopold III, proposait avec sa cour un pouvoir belge absolutiste et corporatiste, et ce avec la bénédiction du Cardinal Van Roey. Pressé par les évènements du 6 juin 1944, Hitler donnera finalement à la Flandre (incluant alors le nord de la France) son statut de Gau par l’intervention d’Himmler qui nommera un Gauleiter allemand, qui fort heureusement n’aura guère le temps de prendre ses fonctions, au vu de la percée alliée. Ceux qui ne purent suivre les nazis dans leur fuite furent naturellement arrêtés. D’où la haine de Jan Peumans à l’égard des résistants, ces empêcheurs de tourner en Reich !
Tactiques et stratégie de la NVA
Avec l’aide du VB mais aussi du CD&V, la NVA a pu s’étendre et se déployer. Le Vlaams Belang a perdu beaucoup de voix et de sièges. Mais peu importe, il peut applaudir sans retenue l’élément électoral de masse qui lui manquait et qui s’est donné à la NVA. Celle-ci a passé le cordon sanitaire, et peut mener à bien sa politique - commune avec le VB - de démantèlement de l’Etat Belge et du mouvement ouvrier. Historien, Bart de Wever connaît bien la manière utilisée par le national-socialisme pour s’approprier le pouvoir : Courbettes, soumission et alliances avec le Grand Capital, « populisme » pour s’appuyer sur une masse électorale importante...
Ce avant d’être à même de faire son coup d’Etat sans contrainte. Nous voyons ainsi sous nos yeux se dérouler en Belgique ce qu’il s’est passé en Allemagne dans les années 1920-1930.Le second point tactique de la NVA, à savoir la prise de distance par rapport au racisme virulent du Vlaams Belang, lui a conféré les voix d’un large électorat catholique een beetje humaniste.
Il est paradoxal de constater que les organisations nationales-socialistes se montrent dans les champs politiques et idéologiques, mais elles visent en fait à un changement économique radical. Le but des NVA et Vlaams Belang est de casser les reins des organisations ouvrières et du monde du travail en général. Et de fait, que ce soit le patronat flamand, la classe moyenne opulente ou la FEB, tous voient en la NVA la possibilité de réduire la masse salariale et la sécurité sociale pour augmenter le taux de profit.
La plus grotesque de ces salivations vient du patron de la FEB, Rudy Thomas, qui veut fusionner les dix-neuf communes bruxelloises, pour des contrats plus juteux par concentration des adjudications : Thomas reconnaît même la position « délicate » de sa proposition. En effet, c’était un principe nazi de 1941 qui visait à mieux contrôler la population…
Maintenant Bart De Wever enrage du réflexe de classe qu’ont les travailleurs Wallons et Bruxellois. D’où le fait qu’il commence à lorgner sur le VLD et le MR pour faire « front » contre le monde du travail. A suivre…En Flandre cependant, l’ultra-nationalisme a porté ses fruits et détruit par paliers la conscience de classe. Et historiquement, le poids du syndicat catholique et des organisations catholiques a toujours freiné les luttes contre le national-socialisme et l’ultranationalisme. La scission vers un Etat Flamand afin d’écarter la partie la plus combattive du monde du travail est dès lors pour le Vlaams Belang et la NVA l’un des objectifs centraux, et il est en phase d’être atteint.
De Wever de De Winter peuvent mener "à bien" cette politique national-socialiste sur la base d’un pouvoir fort et au service du capital. Tout dépendra d’un rapport de force dont nous ne pouvons connaître l’évolution…
Alors oui, la NVA fait dans la continuité du Vlaams Belang.
Oui, Bart De Wever a régulièrement été présent aux manifestations nationales-socialistes, qu’elles soient conférences, enterrements, réunions ou mouvements de jeunesse.
Oui encore, il use de ses connaissances militantes pour continuer le national-socialisme.
Oui toujours, il exprime une certaine amertume lorsque la ville d’Anvers présente des excuses officielles concernant la déportation des Juifs.
Oui enfin, il joue sur la note « d’abord être flamand avant d’être travailleur ».
Par Willy Van Hecke & Christine Pay
pour le Front Anti-Fasciste/Belgique
(* Terme premier du fascisme et du nazisme)
Pour le FAF,Willy Van Hecke, président ; Christine Pay, secrétaire politique.
L’ensemble de cet article a comme références principales les livres suivants :
– L’Ordre Nouveau, de Maurice De Wilde, Ed. Duculot.
– Le Chagrin des Flamands, de Hugo Gijstel et Jos Vander Velpen, Ed. EPO.
– Le Vlaams Blok, de Hugo Gijstel, Ed. Luc Pire.