À l’heure où Madiba est réduit à être une icône, il semble nécessaire de réaffirmer quel a été son combat. Rendre hommage à Nelson Mandela, c’est avant tout poursuivre sa lutte : contre le régime d’apartheid, contre le racisme et pour l’égalité entre les peuples.
Sa lutte, c’est aussi un soutien avéré à celle du peuple palestinien, comme en témoignent ses paroles : « Nous savons bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. » Il est certain que les liens entre les luttes des peuples sud-africain et palestinien sont forts et nombreux.
En 2011, une session du Tribunal Russell sur la Palestine, cour formée par des personnalités, des citoyens et des associations, s’est tenue au Cap. Les conclusions ont montré l’existence, en Israël, d’un régime d’apartheid tel qu’il est défini dans le droit international, à partir de trois critères. Tout d’abord, deux groupes distincts peuvent être identifiés : juifs israéliens et Arabes palestiniens. Des actes inhumains sont commis à l’encontre du groupe dominé : blocus de Gaza, destructions d’habitations, check-points, attaques sur les civils palestiniens, mur de séparation, etc. Enfin, ces actes sont commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé de domination d’un groupe sur l’autre : statut privilégié des juifs sur les non-juifs israéliens, contrôle des check-points par l’armée, existence de deux systèmes juridiques différents en Cisjordanie, droit militaire pour les Palestiniens et droit civil pour les colons israéliens. Cette politique d’apartheid a même un nom officiel en Israël : « hafrada », « séparation » en hébreu.
Ahmed Kathrada, camarade de lutte et de détention de Mandela, est par exemple engagé dans la campagne internationale de libération de Marwan Barghouti, membre du Fatah condamné cinq fois à vie et détenu depuis 2002, et de tous les prisonniers palestiniens.
L’arme du boycott, porté par un fort mouvement de solidarité internationale, a aussi été un outil indispensable à la chute du régime raciste sud-africain. Cette action revêtait une dimension économique, contre les oranges Outspan, ou encore contre les entreprises qui collaboraient avec l’État, comme Shell et Total. Elle avait aussi une dimension académique et sportive.
Depuis 2005, plus de 170 organisations palestiniennes lancent l’appel BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) contre Israël. À l’instar des combattants sud-africains, les Palestiniens appellent à un boycott total, qui montre déjà ses résultats. Un éditorialiste du quotidien Haaretz s’inquiétait hier des premiers succès de cette campagne. « L’analogie pourrait alimenter la conviction qu’Israël aujourd’hui peut être mis à genoux de la même manière que l’Afrique du Sud hier », écrit-il.
En France, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, refuse d’abroger la circulaire visant à engager des poursuites contre les personnes participant aux actions de boycottage des produits israéliens.
Loic Dupont et Anna Bouamama, 25 ans et 23 ans