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La torture systématique des Palestiniens dans les prisons israéliennes

Le cas récent de Samer Arbeed met une fois de plus en lumière le recours systématique à la torture contre des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. Des soldats israéliens ont arrêté Arbeed à son domicile à Ramallah le 25 septembre 2019. Ils l’ont sévèrement tabassé avant de l’emmener au centre de détention Al Moscobiyye à Jérusalem pour un interrogatoire. Deux jours plus tard, selon son avocat, il a été hospitalisé après avoir été violemment torturé et sa vie a été en danger pendant plusieurs semaines. Une instance judiciaire avait autorisé les services secrets israéliens, le Shin Bet, à utiliser des "méthodes exceptionnelles" pour obtenir des informations dans cette affaire sans passer par les tribunaux. Cela a amené Amnesty International à condamner le traitement subi par Arbeed que l’ONG a qualifié de "torture sanctionnée par la loi". 1

En août 2019, peu avant l’arrestation d’Arbeed, les forces d’occupation israéliennes avaient lancé une opération contre la jeunesse palestinienne et arrêté plus de 40 étudiants de l’Université de Birzeit. Les arrestations se sont multipliées après la détention d’Arbeed et, comme de nombreux étudiants se sont vu refuser l’accès à un avocat, on craint que nombre d’entre eux aient également été soumis à la torture.

Ces actes de torture ne sont pas nouveaux. Depuis la création de l’État d’Israël en 1948, l’Agence de sécurité israélienne (ISA) torture systématiquement les Palestiniens en utilisant diverses techniques. De nombreux pays ont inscrit l’interdiction de la torture dans leur législation nationale (ce qui ne l’empêche pas de demeurer une pratique répandue sous couvert de sécurité de l’État), mais Israël a pris une voie différente : il n’a pas adopté de législation nationale interdisant l’usage de la torture, et ses tribunaux ont autorisé le recours à la torture en cas de "nécessité". Cela a permis à l’ISA d’avoir toute latitude pour recourir largement à la torture contre les prisonniers politiques palestiniens.

Cet article a pour objectif de décrire la pratique de la torture dans les prisons israéliennes (au moment de l’arrestation et dans les prisons), de retracer son histoire, et d’analyser ses récents développements. S’appuyant sur les travaux de diverses organisations palestiniennes, l’article montre que la pratique de la torture, dans le système pénitentiaire israélien, est systématique et inscrite dans la loi nationale. Il propose une série de mesures claires qui permettraient à la communauté internationale de demander des comptes à Israël et de mettre un terme à ces violations.

La torture et la loi

La question de la torture occupe une place importante dans les débats sur l’éthique et la morale. Beaucoup de gens soulignent que la pratique de la torture est le signe d’une société malade et corrompue. En effet, pour pratiquer la torture, il faut ne plus rien avoir d’humain, et une fois que ce processus de déshumanisation est enclenché il n’a pas de de limites. En outre, l’excuse couramment invoquée par les appareils de sécurité pour justifier la torture, à savoir qu’elle permet d’obtenir des informations vitales, est démentie par les faits. Selon de nombreux experts de premier plan, et même des responsables de la CIA, les informations obtenues sous la torture sont généralement fausses. Les détenus avouent souvent n’importe quoi pour mettre fin à leurs souffrances.

Le régime juridique international interdit la torture en vertu du droit international coutumier ainsi que de divers traités internationaux et régionaux. L’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule ce qui suit : "Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants." Le droit international humanitaire, qui régit le comportement des parties pendant un conflit, inclut également l’interdiction de la torture. Par exemple, la troisième Convention de Genève interdit les "violences contre la vie et les personnes, en particulier le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture" ainsi que les "atteintes à la dignité personnelle, en particulier les traitements humiliants et dégradants". De plus, la Quatrième Convention stipule : "Aucune contrainte physique ou morale ne peut être exercée à l’encontre des personnes protégées, en particulier pour obtenir d’elles ou de tiers des informations.

L’interdiction de la torture est tellement absolue qu’elle est considérée comme jus cogens en droit international, ce qui signifie qu’elle ne peut faire l’objet d’aucune dérogation ni être remplacée par aucune autre loi. Pourtant, la torture continue d’être utilisée par de nombreux pays dans le monde. Amnesty International parle d’une crise mondiale, étant donné que l’ONG a documenté des violations de l’interdiction de la torture dans une large majorité des États membres des Nations-Unies au cours des cinq dernières années.

La "guerre contre le terrorisme" menée par les Etats-Unis à la suite du 11 septembre 2001 a notamment conduit à des cas d’atroce torture systématique dont les victimes ont été principalement des prisonniers arabes et musulmans. Le camp de détention de Guantanamo Bay, créé par les États-Unis en 2002 pour détenir des "terroristes", a été et reste un lieu de torture. Des images de prisonniers les yeux bandés, menottés et agenouillés au sol dans des combinaisons orange ont été partagées à travers le monde.

Pourtant, les images les plus marquantes de cette époque proviennent peut-être de la prison militaire américaine d’Abu Ghraib en Irak. Des photos et des rapports militaires fuités ont révélé que la prison était le théâtre de tortures à grande échelle, y compris le viol d’hommes, de femmes et d’enfants. L’administration étasunienne de l’époque a condamné ces actes et tenté de faire croire qu’il s’agissait d’incidents isolés. Les organisations de défense des droits de l’homme, dont Human Rights Watch, ont affirmé le contraire.

En outre, des témoignages récents d’Abou Ghraib révèlent des liens sinistres entre les techniques d’interrogatoires étasuniennes et israéliennes. Dans un mémoire, un ancien interrogateur américain en Irak a affirmé que l’armée israélienne avait formé du personnel étasunien à diverses techniques d’interrogatoire et de torture, y compris ce que l’on a appelé la "chaise palestinienne", dans laquelle un détenu est attaché à une chaise basse avec les mains liées aux pieds, ce qui le maintient dans une position accroupie. Cette pratique atrocement douloureuse a été perfectionnée sur les Palestiniens - d’où son nom - et a été adoptée par les Etasuniens en Irak.

Malgré ces scandales, très peu de mesures ont été prises pour protéger les prisonniers de guerre et la torture continue d’être justifiée au nom de la sécurité. Dans sa première interview, Donald Trump, qui venait de prêter serment en tant que président américain, a dit que, dans le contexte de la "guerre contre le terrorisme", la "torture fonctionne". La culture populaire, comme les série de télévision "24" et "Homeland", normalisent également le recours à la torture, en particulier contre les Arabes et les musulmans, et soutiennent l’idée qu’elle est justifiée par l’intérêt supérieur. Il y a également eu une augmentation récente de séries télévisées et de films mettant en scène les activités du Mossad et du Shin Bet, comme Fauda, The Spy et Dead Sea Diving Resort, qui héroïsent les activités de l’ISA tout en diabolisant les Palestiniens comme terroristes. Ces séries et films présentent au monde une image d’Israël qui lui permet de justifier ses violations du droit international, y compris la torture.

Bien qu’Israël ait ratifié la Convention contre la torture (CAT) en 1991, il ne l’a pas incorporée dans sa législation nationale. De plus, malgré l’affirmation contraire du Comité des Nations Unies, Israël affirme que la Convention contre la torture ne s’applique pas au territoire palestinien occupé. Puisqu’elle est permise dans les cas de "nécessité", Israël peut prétendre qu’il n’y a pas de crime de torture en Israël, comme il l’a fait dans l’affaire Arbeed. Cette "nécessité" a pris le nom évocateur de "bombe à retardement" qui permet à des nombreux gouvernements de justifier la torture et la violence dans des situations considérées comme urgentes.

Israël a également rendu plusieurs arrêts sur la torture qui ont conforté les activités de ses services de sécurité. Par exemple, en 1987, deux Palestiniens ont détourné un bus israélien et ont ensuite été capturés, battus et exécutés par le Shin Bet. Les médias israéliens ont reçu l’ordre de ne pas en parler, mais des détails de la torture et de l’exécution ont fuité et ont conduit à la création d’une commission gouvernementale. La commission a conclu que bien que "la pression [sur les détenus] ne doive jamais prendre la forme de torture physique... une mesure modérée de pression physique ne peut être évitée". Les recommandations de la commission ont ignoré le droit international en ne définissant pas la "mesure modérée de pression physique", et ont donné en fait au Shin Bet la liberté de torturer les Palestiniens.

Plus d’une décennie plus tard, à la suite d’une requête émanant d’organisations de défense des droits de l’homme, la Cour de justice israélienne a rendu en 1999 un arrêt stipulant que les interrogateurs de l’ISA n’étaient plus autorisés à utiliser des moyens physiques dans les interrogatoires, interdisant donc le recours à la torture. La Cour a statué que quatre méthodes courantes de "pression physique" (secousses violentes, enchaînement à une chaise dans une position de stress, accroupissement prolongé en grenouille et privation de sommeil) étaient illégales. Mais le tribunal a ajouté une clause qui donnait une échappatoire aux interrogateurs, en exonérant ceux qui se rendaient coupables de pressions physiques de toute responsabilité pénale s’ils avaient agi dans une situation de bombe à retardement ou par nécessité pour la défense de l’État – autrement dit, si le détenu était considéré comme une menace immédiate pour la sécurité publique.

La torture en tant que nécessité sécuritaire a été réaffirmée en 2017 lorsque la Haute Cour de justice israélienne a statué en faveur de Shin Bet, qui avait admis avoir commis ce qu’ils ont appelé des "formes extrêmes de pression" sur le détenu palestinien Assad Abu Ghosh. Leur justification était qu’Abu Ghosh possédait des informations sur une attaque terroriste imminente. Le tribunal a considéré qu’il s’agissait d’un "interrogatoire renforcé" plutôt que de torture, et a déclaré qu’il était justifié en raison de la doctrine de la bombe à retardement. La justice a régulièrement rendu des arrêts de ce genre.

Bien que les organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme soumettent régulièrement des plaintes aux autorités israéliennes, elles reçoivent rarement une réponse, et lorsqu’elles en ont une, c’est souvent pour les informer que le dossier a été clos par manque de preuves. En fait, 1 200 plaintes ont été déposées contre les services de sécurité pour torture depuis 2001, mais aucun agent n’a jamais été poursuivi.

Le système pénitentiaire israélien : des lieux de torture systématique

Chaque année, le système pénitentiaire militaire israélien détient et incarcère des milliers de prisonniers politiques palestiniens, venant pour la plupart des territoires occupés en 1967. Depuis le début de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et de l’instauration de la loi martiale dans ces zones, Israël a détenu plus de 800 000 Palestiniens, soit 40 % de la population masculine, ou un cinquième de l’ensemble de la population.

La loi israélienne autorise également l’armée à détenir un prisonnier jusqu’à six mois sans inculpation dans le cadre d’une procédure connue sous le nom de détention administrative. Cette période peut être prolongée indéfiniment, les "charges" restant secrètes. Les détenus et leurs avocats ne savent donc pas de quoi ils sont accusés ni quelles preuves sont utilisées contre eux. Le dernier jour de la période de six mois, les personnes ainsi détenues sont informées si elles seront libérées ou si leur détention sera prolongée. Addameer, l’Association pour l’aide aux prisonniers et les droits de l’homme, a défini cette pratique comme étant en soi une forme de torture psychologique.

C’est pendant la période de détention initiale, administrative ou autre, alors que les détenus sont souvent privés de tout contact avec leur avocat et/ou les membres de leur famille, qu’ils sont soumis aux formes les plus violentes d’interrogatoire et de torture. Quand et si ils arrivent au tribunal, ils sont jugés par des militaires israéliens et se voient souvent refuser une représentation juridique adéquate. Ce système est illégal en vertu du droit international, et les groupes palestiniens et internationaux de défense des droits de l’homme ont documenté une vaste gamme de violations.

Les enfants ne sont pas épargnés par les épreuves de l’emprisonnement et de la torture dans le système militaire israélien et se voient presque toujours refuser la présence de leurs parents pendant les interrogatoires. Ce fut le cas, par exemple, en 2010, lorsque la police des frontières israélienne a arrêté Mohammed Halabiyeh, 16 ans, dans sa ville natale d’Abu Dis. Lors de son arrestation, la police lui a cassé la jambe et l’a tabassé, en lui donnant intentionnellement des coups de pied dans sa jambe blessée. Il a été interrogé pendant cinq jours consécutifs et a fait l’objet de menaces de mort et d’agression sexuelle. Il a ensuite été hospitalisé et, pendant ce temps, des agents israéliens ont continué de le maltraiter en lui enfonçant des seringues dans le corps et en lui frappant le visage. Halabiyeh a été jugé et poursuivi en tant qu’adulte, comme c’est le cas de tous les enfants palestiniens détenus de plus de 16 ans, en violation directe de la Convention relative aux droits de l’enfant 3. Israël arrête, détient et poursuit chaque année entre 500 et 700 enfants palestiniens.

Il y a actuellement 5 000 prisonniers politiques palestiniens, dont 190 enfants, 43 femmes et 425 détenus en détention administrative, dont la plupart ont été soumis à une forme de torture. Selon Addameer, les méthodes les plus couramment utilisées par le Shin Bet et les interrogateurs sont les suivantes :

 Torture positionnelle : Les détenus sont placés dans des positions de stress, souvent les mains attachées derrière le dos et les pieds enchaînés, et obligés de se plier en deux. Ils sont laissés longtemps dans cette position pendant les interrogatoires.

 Tabassage : Les détenus sont souvent battus, à la main ou à l’aide d’objets, parfois jusqu’à l’inconscience.

 Isolement cellulaire : Les détenus sont placés à l’isolement pendant de longues périodes.

 Privation de sommeil : Les détenus sont empêchés de se reposer ou de dormir et sont soumis à de longues séances d’interrogatoire.

 Torture sexuelle : Les hommes, les femmes et les enfants palestiniens sont victimes de viols, de harcèlement physique et de menaces de violence sexuelle. Le harcèlement sexuel verbal est une pratique particulièrement courante au cours de laquelle les détenus sont abreuvés de commentaires sur eux-mêmes ou sur les membres de leur famille. Ce type de torture est souvent considéré comme efficace parce que la honte qui entoure les violations sexuelles empêche les détenus de les révéler.

 Menaces sur les membres de la famille : Les interrogateurs les menacent de s’attaquer à des membres de leur famille pour les contraindre à parler. Il y a eu des cas où des membres de la famille ont été arrêtés et interrogés dans une pièce voisine pour que le détenu puisse entendre qu’on les torturait.

Les méthodes de torture ci-dessus laissent des dommages durables. Alors que la torture physique peut causer de graves dommages corporels, y compris des fractures osseuses et des douleurs musculaires et articulaires chroniques, en particulier en raison de positions de stress ou du fait d’être confiné dans un espace restreint, les dommages psychologiques peuvent être encore plus graves, et entraîner une dépression profonde et durable, des hallucinations, de l’anxiété, des insomnies et des pensées suicidaires.

De nombreux mécanismes de torture exigent la complicité des acteurs du système judiciaire militaire israélien, y compris du personnel médical qui viole ainsi le code d’éthique médicale, défini par la Déclaration de Tokyo et le Protocole d’Istanbul, qui stipule que les médecins ne doivent pas coopérer avec des interrogateurs qui pratiquent la torture, ne doivent pas partager des informations médicales avec des tortionnaires et doivent s’opposer activement à la torture. En fait, les médecins israéliens sont depuis longtemps complices de la torture des détenus et prisonniers palestiniens. Au fil des ans, les journalistes ont découvert des documents qui révèlent que des médecins ont validé des actes de torture et rédigé de fausses déclarations pour justifier des blessures causées par la torture.

Les médecins sont également complices de l’alimentation forcée – un autre mécanisme de torture, bien que moins courant, utilisé par le régime israélien. Dans le cas de l’alimentation forcée, le détenu est attaché pendant qu’on lui enfonce un tube mince dans une narine jusqu’à l’estomac. Le liquide s’écoule ensuite dans le tube pour alimenter le corps. Le personnel médical doit insérer le tube, qui peut parfois aller dans la bouche ou la trachée au lieu de l’œsophage, auquel cas il faut recommencer l’opération. Non seulement c’est très douloureux, mais cela peut aussi entraîner de graves complications médicales et même la mort.

Dans les années 1970 et 1980, plusieurs prisonniers palestiniens sont décédés des suites d’une alimentation forcée, et la Haute Cour d’Israël avait ordonné de cesser cette pratique. Mais une loi de la Knesset de 2012 a rétabli l’alimentation forcée pour briser les grèves de la faim palestiniennes. Dans une allocution prononcée devant le Premier ministre israélien en juin 2015, l’Association Médicale Mondiale a déclaré que "l’alimentation forcée est violente, souvent douloureuse, et souvent [va] à l’encontre du principe d’autonomie individuelle. C’est un traitement dégradant, inhumain, et peut équivaloir à de la torture."

Lutter contr la torture israélienne

Pour les Palestiniens, la torture n’est qu’une des facettes de la violence structurelle qu’ils subissent de la part du régime israélien, qui les enferme dans une prison en plein air et les prive de leurs droits fondamentaux. C’est aussi une question qui reçoit peu d’attention de la part de la communauté internationale, généralement parce que les autorités israéliennes utilisent l’argument de la sécurité de l’État renforcé par le discours sur la "guerre contre le terrorisme". C’est ainsi que le calvaire de Samer Arbeed, décrit par les médias israéliens comme un terroriste, a été ignoré par la plupart des États, malgré les pétitions et les pressions de nombreuses organisations palestiniennes et internationales de défense des droits humains. Comme pour les autres violations commises contre le peuple palestinien, la torture israélienne nous force à nous demander à quoi sert le droit international.

Le 13 mai 2016, le Comité contre la torture des Nations-Unies a demandé à Israël de mettre en place plus de 50 mesures à la suite d’un contrôle de son respect de la Convention contre la torture. Il a recommandé, entre autres, que tous les interrogatoires soient enregistrés et filmés, que les détenus puissent bénéficier d’examens médicaux indépendants et que la détention administrative soit levée. Il s’agit, bien entendu, de recommandations importantes, et Israël devrait être obligé de s’y conformer. Mais tout cela ne sert à rien tant que les États tiers refusent de demander des comptes à Israël pour les violations du droit international et des droits des Palestiniens.

Voici quelques mesures que pourraient prendre ceux qui œuvrent en faveur des droits des Palestiniens sur la scène internationale et nationale pour mettre fin à la nature systématique de la torture israélienne :

 Les organisations et les groupes devraient attaquer au pénal des personnes en dehors d’Israël et de la Palestine impliquées dans la torture des Palestiniens. La responsabilité peut être étendue non seulement à ceux qui commettent des actes de torture, mais aussi à ceux qui les permettent, les encouragent ou omettent de les signaler. Cela comprend les interrogateurs, les juges militaires, les gardiens de prison et les médecins. La torture étant un crime de guerre jus cogens, elle est soumise à la compétence universelle, ce qui signifie que des tiers peuvent déposer des plaintes pénales contre des individus. Si l’attaque au pénal ne résout pas nécessairement le problème de la torture systématique des Palestiniens, elle exerce une pression sur les Israéliens impliqués en limitant leurs mouvements et leurs déplacements dans d’autres pays.

 En tant que seul organe judiciaire indépendant capable de mettre fin à l’impunité concernant les violations des droits des Palestiniens, la Cour pénale internationale a la responsabilité de demander des comptes à Israël. Le Bureau du Procureur, avec toutes les informations et les rapports détaillés qui lui ont été présentés, doit ouvrir une enquête officielle sur les violations commises dans le système carcéral israélien.

 Les États signataires des Conventions de Genève et les organisations internationales de défense des droits de l’homme doivent faire pression sur le Comité international de la Croix-Rouge pour qu’il s’acquitte de son mandat de protection des détenus palestiniens et ouvre une enquête sur toute accusation de torture. 5

 La société civile et les institutions palestiniennes doivent continuer à soutenir ceux qui viennent en aide aux victimes de la torture. Elles doivent résolument s’efforcer d’accroître l’aide qui leur est apportée, et la rendre disponible dans toutes les régions de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Il faut aussi briser le tabou autour de l’agression sexuelle et des soins thérapeutiques à y apporter. Le traitement des victimes d’agression sexuelle est souvent difficile parce qu’elles ont trop honte pour en parler, et le manque de communication rend la guérison plus incertaine. Ces actions concertées permettront aux Palestiniens et à leurs alliés de limiter la pratique de la torture profondément ancrée dans le système pénitentiaire israélien et couverte par le droit israélien, tout en aidant ceux qui en ont souffert à guérir.

L’auteur tient à remercier Basil Farraj, Suhail Taha et Randa Wahbe pour leur soutien et leur expertise dans la rédaction de cet article.

Traduction : Dominique Muselet

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Notes :

1. Cet article a été rédigé avec le soutien de la Heinrich-Böll-Stiftung. Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur et ne reflètent donc pas nécessairement l’opinion de la Heinrich-Böll-Stiftung.

2. Selon B’tselem, "Israël prétend ne pas être lié par le droit international relatif aux droits de l’homme dans les territoires occupés, car ils ne sont pas officiellement un territoire israélien souverain. S’il est vrai qu’Israël n’est pas souverain dans les territoires occupés, ce fait n’enlève rien à son devoir de faire respecter les dispositions internationales relatives aux droits de l’homme. Les juristes internationaux ne sont pas d’accord avec la position d’Israël sur la question, et la Cour internationale de Justice (CIJ) et tous les comités de l’ONU qui supervisent la mise en œuvre des diverses conventions relatives aux droits de l’homme ont également rejeté la position d’Israël à plusieurs reprises. Ces organismes internationaux ont affirmé à maintes reprises que les États doivent respecter les dispositions relatives aux droits de la personne partout où ils exercent un contrôle réel."

3. En 2009, Israël a créé un tribunal militaire pour mineurs chargé de poursuivre les enfants de moins de 16 ans - le seul pays au monde à le faire. Selon l’UNICEF, il utilise les mêmes installations et le même personnel judiciaire que le tribunal militaire pour adultes.

4. Le cas de Tzipi Livni en est la preuve : Livni était la ministre israélienne des Affaires étrangères lors de l’assaut de Gaza en 2009 qui a fait plus de 1 400 morts parmi les Palestiniens. La même année, un groupe d’avocats basés au Royaume-Uni a réussi à obtenir qu’un tribunal britannique émette un mandat d’arrêt contre elle. Elle a par la suite dû annuler son voyage au Royaume-Uni et a également été contrainte d’annuler son voyage en Belgique en 2017 lorsque le Bureau du Procureur belge a annoncé son intention de l’arrêter et de l’interroger sur son rôle dans cette agression.

5. Récemment, après l’arrestation et la torture de Samer Arbeed, le CICR a publié une déclaration, mais au lieu de condamner les violations israéliennes, il a condamné les activistes qui ont manifesté et occupé le bureau du CICR à Ramallah en protestation contre le silence de l’organisation sur Arbeed.


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