MISE À JOUR : Des suspects font l’objet d’une enquête en Espagne pour avoir tenté d’extorquer 3 millions d’euros à WikiLeaks en échange d’une énorme quantité de documents et de vidéos de surveillance d’Assange à l’ambassade de l’Equateur à Londres, notamment avec ses médecins et avocats.
Un juge espagnol enquête sur une présumée tentative d’extorsion dans laquelle des suspects à Madrid ont offert des vidéos et audios de surveillance au rédacteur en chef de WikiLeaks en échange de 3 millions d’euros, a déclaré WikiLeaks ce mercredi.
La surveillance a été effectuée l’année dernière à l’ambassade d’Equateur à Londres, où le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a obtenu l’asile politique depuis 2012, a déclaré Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef WikiLeaks, lorsd’une conférence de presse dans la capitale britannique. Le lot de documents comprenait une copie d’un document juridique concernant la stratégie de défense d’Assange qui avait été brièvement abandonnée dans une salle de conférence de l’ambassade, a déclaré M. Hrafnsson.
"C’est une grave et sérieuse préoccupation lorsque des réunions légales sont espionnées et que des documents légaux sont volés ", a-t-il dit. "C’est quelque chose que même les prisonniers n’ont pas à endurer."
Assange a également été filmé en train d’être examiné par son médecin à l’ambassade, a dit Hrafnsson. "Personne ne s’attendait à ce que cela soit enregistré et stocké et qu’il ait trouvé son chemin vers des individus douteux en Espagne", a-t-il dit.
Jennifer Robinson, l’avocate d’Assange, a qualifié cela de violation du secret professionnel. "Les documents que vous avez vus [présentés à la conférence de presse] montrent à quel point il a fait l’objet d’une surveillance et c’est un abus de confiance pour nous, ses avocats et ses médecins pour fournir des soins médicaux à l’ambassade ", a déclaré M. Robinson. "C’est une grave violation du secret professionnel et sape fondamentalement notre capacité à défendre Julian Assange."
Hrafnsson a communiqué avec les extorqueurs présumés et a reçu des échantillons de ce qu’ils possédaient. Il s’est ensuite rendu en Espagne et a filmé secrètement une rencontre avec "quatre individus" au cours de laquelle Hrafnsson a appris l’étendue du matériel qu’ils possédaient. Ils lui ont dit que 3 millions d’euros était "une bonne affaire" car ils avaient eu des offres de 9 millions d’euros pour le matériel. Hrafnsson s’est ensuite rendu à la police espagnole qui a ouvert une enquête. Il a dit qu’il connaissait l’identité de l’un des quatre qui avait déjà été condamné pour des charges similaires et que ce dernier était considéré comme le "meneur".
Piège tendu
Aitor Martinez, l’avocat d’Assange qui a dit avoir brièvement laissé le document juridique dans la salle de conférence de l’ambassade qui a été copié, a ensuite participé à une opération d’infiltration avec la police. Il portait un micro lorsqu’il a rencontré les extorqueurs présumés à Madrid, a dit M. Hrafnsson. Une enquête approfondie menée par une équipe spéciale d’extorsion de fonds a alors été ouverte et l’affaire est maintenant entre les mains d’un juge d’instruction, a-t-il dit.
« L’extorsion est une affaire grave, a dit M. Hrafnsson, mais ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’il s’agit de matériel recueilli par le gouvernement de Lenin Moreno et des fonctionnaires qui travaillent en son nom contre un individu qui a obtenu la protection diplomatique du gouvernement de l’Équateur. »
Dans une apparente référence à Moreno, Hrafnsson a dit : "Nous savons d’après les rapports que c’est l’oeuvre d’une seule personne pour servir les intérêts du gouvernement des États-Unis qui veut inculper et emprisonner un éditeur pour le crime d’avoir publié la vérité."
M. Robinson a déclaré que WikiLeaks déposerait une "nouvelle plainte" auprès du Rapporteur Spécial des Nations unies sur le Droit à la Vie Privée, qui a déclaré qu’il rendrait visite à Assange le 25 avril. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer, rendra également visite à Assange le même jour, a indiqué WikiLeaks.
M. Robinson a critiqué le gouvernement britannique qui s’apprête à arrêter et extrader M. Assange vers les États-Unis. "Le fait qu’un gouvernement coopère avec un autre État pour extrader un éditeur qui publie des informations véridiques en dehors de son territoire constitue un dangereux précédent ici au Royaume-Uni et ailleurs, a-t-elle dit. "Personne ne peut nier ce risque. C’est pourquoi il a demandé l’asile à l’ambassade équatorienne."
Fidel Narváez, l’ancien consul de l’Equateur à l’ambassade qui a dit qu’il voyait Assange tous les jours pendant six ans, a déclaré à la conférence de presse : « J’espère vraiment que ce que nous avons présenté aujourd’hui brisera le bouclier que le gouvernement équatorien a actuellement construit dans mon pays... avec l’aide de la presse équatorienne qui ne fait pas ce qu’elle devrait faire pour défier et questionner le gouvernement. » Il a ajouté : "Il y a beaucoup de désinformation sur l’asile de Julian, mais une chose est claire : le nouveau gouvernement équatorien ne protège plus Julian Assange comme il le devrait ».
Diplomate congédié
Vendredi, WikiLeaks a twitté qu’une source "de haut niveau" du gouvernement équatorien a dit à WikiLeaks que l’expulsion d’Assange et son arrestation n’était plus qu’une question "d’heures ou de jours". Cela a déclenché une réaction mondiale des partisans de l’Assange ainsi que des rapporteurs spéciaux de l’ONU. Des policiers lourdement armés ont circulé autour de l’ambassade, et des personnes dans des voitures banalisées se sont garées à l’extérieur, soit comme une forme d’intimidation, soit en attente d’ordres pour pénétrer l’ambassade.
"La seule raison pour laquelle cela ne s’est pas encore produit, c’est à cause de la honte internationale qui pèsera sur l’Equateur", a déclaré M. Narváez. "A l’évidence, le gouvernement monte un dossier pour mettre fin à l’asile et ce que nous avons vu ici en est le début."
WikiLeaks a déclaré mardi que l’Equateur avait congédié un diplomate de l’ambassade, l’accusant d’être "proche" d’Assange. Le tweet laissait entendre que le diplomate était peut-être la source de WikiLeaks au sujet de l’expulsion et de l’arrestation imminente d’Assange.
La question centrale qui demeure est de savoir qui a eu accès au matériel de surveillance et qui l’a ensuite transféré aux extorqueurs présumés. "Je ne sais pas grand-chose à ce sujet, a dit M. Hrafnsson. "Je suppose que cela fera partie de l’enquête menée par les autorités policières espagnoles et par les avocats espagnols. Cependant, nous avons plus de matériel que ce que j’ai enregistré en Espagne et cela nous éclairera peut-être davantage sur le déroulement des événements - comment tout cela s’est retrouvée en Espagne. Nous le mettrons en ligne sous peu. Mais je ne veux pas spéculer sur la façon dont c’est arrivé."
Le gouvernement équatorien est le premier détenteur de la surveillance et les gouvernements britannique et américain auraient également pu l’obtenir, étant donné leurs contacts étroits avec l’Équateur en ce qui concerne Assange. Cependant, il y aurait peu de raisons apparentes pour que ces gouvernements aient fait connaître cette surveillance.
"N’oublions pas que Julian Assange ne purge pas de peine, qu’il n’est pas inculpé ", a déclaré M. Narváez. "C’est un réfugié politique. Les réfugiés politiques ne perdent pas leurs droits. Au contraire, ils devraient voir leurs droits protégés."
Voici la vidéo complète de la conférence de presse d’une heure qui s’est tenue à Londres mercredi :
Joe Lauria
Traduction "jusqu’où iront-ils ?" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles