La mise en scène
En boucle nous avons vu depuis hier des individus s’agiter devant, puis dans le Capitole avec force banderoles et pancartes. En moins de quatre heures, les forces de l’ordre fédérales les évacuèrent et les tinrent en respect par un rideau de boucliers, de fusils et de matraques qui ne sont pas sans nous rappeler les scénarios bien connus dans notre propre pays ! Après des velléités de contestation des résultats électoraux (fédéraux et propres à la Géorgie), appelant à une manifestation devant le Capitole – ce temple du théâtre d’ombre de la "démocratie" yankee, Donald Trump capitula en rase-campagne et appela les troupes "à rentrer à la maison" ! Ainsi ce qui devait être un "coup d’État" (pour les opposants) et une reconquête de l’élection supposée truquée (par le camp Trump) s’est rapidement transformé en reddition sans condition au système de la "démocratie représentative" étatsunien. Et ceci à la plus grande satisfaction des "démocrates" qui ne valent pas plus que leurs homologues "républicains". L’ordre règne à Washington, Biden sera investi le 20 janvier, et le capital sera tranquille au Capitole !
Les raisons de cette pantalonnade
Le capital yankee est divisé entre deux tendances, qui ne sont pas le propre du capitalisme des Etats Unis. D’un côté les "continentalistes", qui veulent protéger les positions acquises aux Amériques (nord et sud), et qui veulent faire ce que Trump a fait, c’est-à-dire pratiquer le repli sur le continent par une politique de droits de douanes et de protectionnisme de droite, pour se préserver de la concurrence de plus en plus vive de la Chine et d’autres pays "émergents" (Inde, Brésil, Indonésie, Russie...). Cette tendance est représentée par la fraction de la bourgeoisie yankee qui a voté Trump et les "républicains" (Bien que le Grand Old Party soit désormais divisé).
De l’autre côté, les "mondialistes", représentés par les "démocrates", qui veulent reprendre la mission civilisatrice de l’impérialisme américain classique et qui veulent revenir à la domination mondiale des Etats-Unis en tant que "défenseurs de la démocratie" et de "’la liberté d’entreprendre". Autrement dit les leaders du capitalisme mondialisé, financiarisé, anti-communiste, et néo-colonialiste, et qui aimeraient bien reprendre la bonne et vieille politique des Clinton, Bush et Obama partout dans le monde, comme en Afghanistan, en Irak, en Libye ou en Syrie. Cette tendance ne se résout pas à la montée en puissance de la Chine, de l’Inde ni, dans une moindre mesure, de la Russie. Il est inutile de parler de "l’Europe" car celle-ci a été totalement subordonnée et réduite, depuis la fin du gaullisme, à une quasi-colonie des États-Unis. Rappelons aussi que Clinton avait envisagé une guerre nucléaire préventive contre la Chine au début de son mandat !
Quelles conclusions tirer de cette farce du Capitole ?
On a vu la précipitation avec laquelle tous les gouvernements de l’UE – totalement crétinisés et se complaisant en paillassons des Yankees – se sont scandalisés, au premier rang desquels l’ineffable Macron (drapeau des EU à côté du drapeau français et de celui de l’UE) et qui dénonça un complot contre la démocratie, ne manquant pas de stigmatiser indirectement tous ceux qui se risqueraient à contester son propre pouvoir en France ! On voit bien que l’Union européenne est totalement inféodée aux Etats-Unis, à l’OTAN, à "l’atlantisme", et que c’est une imposture et une plaisanterie de prétendre promouvoir une "Europe souveraine" !
En vérité, « la prise du Capitole » n’est qu’une escarmouche entre fractions divisées de la bourgeoisie yankee, toujours solidaires sur l’essentiel : la domination du capital sur les peuples. Trump a voulu montrer ses muscles, et une partie du peuple l’a suivi, mais il ne voulait pas faire un coup d’État. Cependant il y a trois leçons à tirer de cette pantalonnade.
1. Lorsqu’il s’agit de sauver les meubles, de sauvegarder l’essentiel – c’est-à-dire la domination politique et économique du capital sur le peuple des États-Unis et les peuples du monde, la bourgeoisie resserre les rangs et siffle immédiatement la fin de la récréation (les multiples coups d’État dans le monde, organisés par le Pentagone et la CIA l’illustrent, de même que l’utilisation sauvage et non justifiée de la bombe atomique sur le Japon en 1945 !).
2. Le système politique yankee n’est pas plus solide que les autres et peut très bien s’effondrer pour peu que le peuple le décide ! La Constitution des "pères fondateurs" n’est qu’un rapport de forces temporaire, institué par la bourgeoisie yankee en 1787 et consolidé par plus de deux siècles de domination bourgeoise et impérialiste. Elle peut très bien être liquidée par les forces populaires, si celles-ci se donnent les capacités politiques pour la renverser !
3. Bien que la puissance yankee ne veuille pas le reconnaître, elle est sur le déclin. Elle ne pourra pas résister longtemps à l’avancée d’autres puissances comme la Chine, l’Inde ou la Russie et elle sera contrainte de compter avec elles. Ce faisant, sa puissance extérieure déclinant, elle offre son flanc intérieur aux forces populaires nord-américaines.
Il convient de réfléchir au sens de cette image du Capitole envahi par une partie du peuple irrévérencieux, bien que sur des bases erronées. Le peuple des États-Unis, sans aucun doute, méditera sur cet épisode...
Jean-Michel TOULOUSE, membre du Bureau politique du Parti de la démondialisation
Le 7 janvier 2021.