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La matrice des siècles (2016, pire que 2015)

LES VŒUX DE L’ILLUSION : Une nouvelle fois, le « Président monarque » Hollande a déclamé ses vœux pour 2016, comme ses prédécesseurs. Une nouvelles fois les engagements et promesses ont été annoncés et une nouvelle fois, le discours se brisera sur les murs de la réalité matérielle, d’un système en voie de décomposition [1]. L’essentiel de ce papier fut écrit le 15 janvier 2015 et anticipait la terrible année. Ne m’appelant pas Mme Irma, « voyeuse des fumisteries », Je ne pouvais « annoncer  » les attentats terroristes en tant que tel, de cette terrible année [2], mais le terrorisme contre la société elle-même, pouvait être analysé, annonçant les renoncements républicains fondamentaux dont la déchéance de Nationalité fut le dernier avatar, d’un « gouvernement aux abois » et qui se sachant condamné, utilise tous les subterfuges possibles, donc celui du Front National, qui surfe sur la promotion médiatique permanente de ses dirigeants.

LA RECRISE [3]  : Pourtant les déclamations sur le retour de la croissance, du pari de « l’investissement gagnant » en 2015, du fait des « politiques de l’offre » (Pacte de compétitivité, pacte de responsabilité, « quantitative easing  » [4] de la BCE) furent nombreuses, se brisant là encore sur le mur des réalités. De facto, la « politique de l’offre » est un échec. Pacte de compétitivité, pacte de responsabilité, loi Macron, tant de lois prise dans le même sens, au service d’un patronat mondial, qui ne cherche qu’à reprendre ce qu’il a perdu dans le cadre de la lutte des classes du XXème siècle (Seconde guerre mondiale, Programme du Conseil National de la Résistance) [5], créant la sécurité sociale, les services publics et le code du travail, protecteur des droits du salarié. La mondialisation fut le processus du contournement de ces droits, pour déboucher sur la situation actuelle de crise globale systémique, incluant, en plus des crises précédentes, les guerres sans fin (moyen et proche orient) le drame des migrants, et la crise écologique perturbateur essentiel des équilibres climatique, posant la question du devenir même de la planète des hommes.

L’ALIGNEMENT DES PLANETES : 2016 est déjà annoncée comme pire qu’avant, pas par idéologie, mais le fameux « alignement des planètes économiques (pétrole bas, taux d’intérêt et euro faible) ne suffit en aucun cas, à redonner un semblant de début de retour de développement dans nos pays. Les précarités (emplois, logements, santé, salaires) continuent de progresser au même rythme d’ailleurs que la croissance de la bourse [6]…sanctuarisant de ce fait la domination de la finance sur l’humain. Le dernier n° de Décembre, de l’Expansion, revue peu connue pour ses sympathies marxistes, s’intitulait : « La Recrise », tout un programme. Nous verrons, en fin d’article, que Christine Lagarde elle-même, ci devant, Directrice du FMI, alerte pour ce qui concerne l’avenir de la croissance [7]

Voici donc ce texte du 15 janvier 2015 que je publie maintenant, pour montrer que la dramaturgie d’une année doit se resituer dans le temps long de l’Histoire, donnant ce titre de la « matrice des siècles ». La cohérence du propos, on le verra est d’avoir écrit sur l’année 2015, avant que celle-ci n’arrive. Pas de « réveil de la force », version Disney, mais une analyse lucide des « forces en mouvement ».

LES VEUX DE L’IMPUISSANCE : Nous sommes en 2015 et Le Président Hollande a proclamé ses vœux pour la nouvelle année. S’appuyant sur des éléments conjoncturels (baisse du pétrole et de l’euro), ses incantations pour l’emploi et la France, se heurtent pourtant à la fois aux murs de la réalité [8] et de sa propre impuissance, qui résultent des choix politiques opérés auparavant [9], dont il continue la trajectoire d’asservissement.

LES INCANTATIONS AU MARCHE : Au moyen-âge, devant les catastrophes naturelles, les seigneurs demandaient aux populations de prier pour calmer la colère des dieux, et moyennant « quelques  » sacrifices humains sur l’autel, « l’ordre naturel  » des choses devait revenir... Aujourd’hui confronté à la crise des marchés (2008) l’incantation est faite au marché (Pacte de responsabilité, loi Macron, ANI [10] etc...) de sauver les populations qui subissent la crise, moyennant quelques sacrifices réclamés par le 1er ministre, Manuel Valls « « Je ne veux pas dire aux Français que d’ici deux à trois ans nous en aurons fini avec les sacrifices » [11], actions, qui permettraient de retrouver une dynamique de sortie de crise et de plein emploi apparent.

2015 PIRE QUE 2014 : Telle est la réalité prévisible, tellement le mouvement des marchés, en fin d’année 2014 [12], nous envoie le message de la Pythie. Car dans une société où le politique a transféré son pouvoir aux marchés, il ne faut plus lire l’avenir des sociétés dans les lois votées6, mais dans les informations communiquées par les marchés... Or derrière le comportement erratique des marchés, le message délivré est, « retour de crise  ». Ce qui explique d’ailleurs le comportement des banques centrales, toujours aussi disposées à soutenir l’Economie (traduisez « marchés financiers  ») par une politique de taux bas, la poursuite des rachats de dettes, et la mise à disposition de liquidité gratuite aggravant la financiarisation de l’économie (croissance maintenue par endettement), donc l’enfoncement dans leur crise.

LE 15 N’EST PAS UN BON CHIFFRE : Des historiens, obnubilés par le chiffre 15, ont cherché les références historiques, et ce n’est pas bon :

  • 1315  : le temps des ligues. La monarchie capétienne est défiée par des associations de barons, de prélats et de villes qui revendiquent le maintien de leurs privilèges et profitent du desserrement de l’emprise royale, après la mort, l’année précédente, de Philippe le Bel, le ’roi de fer’.
  • 1415 : bataille d’Azincourt : Nous sommes au début de la guerre de cent ans et, par son inconséquence tactique, la fine fleur de la chevalerie française subit face aux Anglais une saignée mémorable.
  • 1615  : Après des années de guerre, les derniers états généraux d’avant 1789 s’achèvent sur un constat d’échec.
  • 1715  : Début du règne de LOUIS XV, qui dilapidera rapidement la puissance de la France, son règne se résuma en la phrase : « Après moi le déluge  », anticipant, l’arrivée de Louis XVI, qui déboucha sur la « grande révolution  ».
  • 1815  : Bataille de Waterloo, qui mit fin à l’Empire et imposa la restauration de l’ancien régime. Il faudra attendre 1838, 1848, 1871, pour que la Révolution pointe à nouveau son drapeau.
  • 1915  : Nous sommes alors au début de la guerre de tranchée 1915-1918, dénommée grande boucherie...
    Pauvre Hollande, qui n’a pas vu venir cette année maléfique de 2015... mais en fait, l’Histoire est plus complexe qu’une suite de chiffres, il faut en comprendre la matrice.

LA PROFONDEUR DE L’HISTOIRE : Ce n’est pas la terminaison en 15, qu’il faut retenir, mais le fait qu’au-­delà des apparences de répétition, se trouve posé la nécessité d’analyser les événements historiques sur le long terme. Loin d’être linéaire, l’histoire de l’humanité est une suite ininterrompue de « ruptures positives  », d’équilibres provisoires et de régressions, dans laquelle se combinent tous les éléments d’une société donnée (système technique, démographie, rapports sociaux et politiques). Le XXème siècle, a été traversée à la fois de périodes terribles (1914-1918, 1939-1945) et aussi de périodes de développement (l’entre-deux guerres, et la période 1945-1973), dénommée d’ailleurs « les trente glorieuses  ». Observons que la crise actuelle a commencé véritablement au début des années 70, avec « l’épuisement  » du système mis en place à la fin du XIXème siècle (révolution industrielle) et l’arrivée de la « Révolution Informationnelle  » qui a fait de l’ordinateur, la « machine-outil  » de notre temps.

LES CYCLES ECONOMIQUES ET SOCIAUX : Les économistes ont montré l’existence de cycles économiques de long terme d’environ 50 ans (cycle Kondratiev), pendant lesquels la période de croissance est le résultat de la combinaison entre une révolution industrielle qui produit ses propres effets, de nouveaux rapports de production, (ex : fordisme), et un système politique (Institutions et Projets) correspondant, permettant « d’optimiser  » l’ensemble. Pour les marxistes, il s’agit donc d’observer, « avec la rigueur des sciences de la nature  » / Karl Marx, les transformations des « forces productives  » (techniques et humaines) et les enjeux que ces mutations font peser sur la société (ruptures sociales, sociétales et politiques), définissant les « rapports sociaux  », ainsi que la superstructure (formes institutionnelles juridiques et politiques).

LA REVOLUTION INFORMATIONNELLE  [13] : Cela fait de longues années que cette révolution a été analysée et anticipée par les économistes et sociologues marxistes, qui voient dans cette « révolution technologique  », le fondement poussant l’Humanité, à s’émanciper du capitalisme fondé sur l’appropriation privée : « La propriété privée nous a rendus si stupides et si bornés qu’un objet n’est nôtre que lorsque nous le possédons. » [14]. Le développement d’INTERNET, permet de mieux comprendre cet aspect. Internet, n’est pas une entreprise en tant que telle, et de ce fait n’appartient pas à une Société Anonyme. Internet appartient de fait, à ceux qui l’utilisent, lesquels de plus, peuvent s’échanger des données gratuitement (informations), donc en esquivant les fourches caudines des « rapports marchands  », d’où les tentatives dérisoires du système de chercher à protéger la propriété (loi ADOPI) et à imposer un « internet marchand  ». Il y a dans cet outil (informatique) la formalisation potentielle du communisme de Marx, ce qui ne veut pas dire que le numérique et internet c’est le communisme (pas plus que l’électricité et les soviets).

LA REVOLUTION CONSERVATRICE : Face aux potentiels de libération du travail que pourrait permettre la « Révolution Informationnelle  », le capitalisme cherche la mise en place de solutions de travail qui datent du XIX ème siècle. Insécurité de l’emploi, allongement de la durée du travail (Réforme des Retraites) précarité de l’avenir, flexibilité imposée au travail, individualisation du management, (alors que le travail demande de plus en plus de travail collectif et coopératif), recherche de situations de monopoles (brevets), financiarisation de l’économie, mondialisation productive pour contourner les règles du travail et l’impôt etc... Tout ceci va à rebours du sens de l’Histoire humaine... et de sa recherche d’émancipation.

ON NE REGLE PAS UN PROBLEME AVEC LE SYSTEME DE PENSEE QUI L’A ENGENDRE : Cette phrase et cette idée sont de Albert Einstein. Elles s’appliquent à notre période comme jamais. On n’a jamais autant fait de libéralisme qu’aujourd’hui, allant jusqu’à remettre en cause l’Etat social, et pour quelle efficacité ? Aucune... pire, ces actions (libéralisation, rigueur, austérité) aggravent la situation et contribuent à fracturer encore plus la société, le voisin sous prétexte d’une couleur de peau différente devient l’ennemi à abattre.. « On ne réglera donc pas la crise, avec le libéralisme  ». Ce constat doit nous faire revenir à l’interrogation initiale sur la « matrice des siècles »…

LA MATRICE DES SIECLES : Nous sommes aujourd’hui, au bout du bout, d’un système bloqué par son idéologie du « marché libre et non faussé  », d’où la nécessité de penser l’avenir en termes de ruptures. La bonne nouvelle de 2015, c’est le retour du besoin d’émancipation, donc de Révolutions.

Fabrice AUBERT

Post-scriptum du 1er Janvier 2016 : Christine Lagarde, Directrice Général du FMI, peu suspecte elle aussi de sympathie marxiste, a déclaré : « La croissance va décevoir en 2016, avertit le FMI » [15]. La chute des cours du pétrole et de l’ensemble des matières premières (fer, nickel, blé, riz, café etc.) sont des indicateurs avancés et convergents d’un retour de crise [16]. Quand surviendra le prochain krach, et sa crise récessive qui lui est lié, impossible à prédire, mais n’en doutons pas, à l’image de la lave des volcans, celui-ci est dans les tuyaux, d’où le titre de l’Expansion et les alertes de Christine Lagarde.

Post-scriptum 2 : Le graphique ci-dessous [17] représente l’évolution des échanges internationaux depuis 1900. On observe que le niveau actuel renvoie au niveau des échanges qui existaient avant la guerre de 1914. Voilà ce qu’est une matrice historique. On ne peut continuer à prendre des décisions aveugles, sans tenir compte de ce graphique. Marx écrivait : « celui qui ne connait pas l’histoire est condamné à la revivre ». Et souvent dans ce cadre, l’Histoire ne fait pas que se répéter à l’identique, elle bégaie (répétition en pire). Que chacun réfléchisse à la portée de ces éléments assemblés et de ces phrases, qui représente la matérialité de la matrice des siècles.

Post-scriptum écrit le 3 Janvier 2016, Fabrice

15 Janvier 2015

[1Celui du « capitalisme mondialisé », qui impose au monde les règles du marché de la compétitivité, au-dessus des règles de la société.

[2N’oublions pas l’accident de « GermanWigs  », le drame des migrants, et les précarités sociales qui continuent.

[3Titre de l’Expansion du numéro de Décembre 2015

[4Rachat des titres de dettes publiques des Etats, auprès des marchés.

[5CGT avec 6 millions d’adhérents en 1945.

[68, 6 % en 2015, après plus de 10 % en 2014 et 2015

[7Pris au sens capitaliste du terme, et non « réponse à des besoins humains ».

[8Chômage de masse, précarité, pauvreté, poursuite des déficits, panne de croissance et d’investissement, insécurité, corruption etc...

[9Ce sont les privatisations industrielles et de la monnaie qui rendent la parole politique « impuissante  »

[10Accord National Interprofessionnel signé par la CFDT, la CFTC, la CGC et l’UNSA

[11Interview publié par El Moundo, journal espagnol, Pays Européen ayant subi le plus de sacrifices avec la Grèce.

[12Baisse des bourses (« La Bourse de Paris dévisse de 7%, pire semaine en trois ans  »/ La Tribune 12 Décembre 2014), baisse du pétrole et de l’or, stagnation économique mondiale.

[13L’ordinateur est une extension des fonctions du cerveau, comme la machine-outil était un prolongement de la main.

[14Karl Marx / Manuscrits de 1844

[15Le Figaro du 30 Décembre 2015

[16D’où le titre de l’Expansion : « La recrise ».

[17Paru dans « la Tribune » du 28 Septembre 2007


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