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La lutte menée par Cuba n’est pas facile

Par José Pertierra

(Jose Pertierra est un avocat d’origine cubano-américaine installé à 
Washington, D.C. )

Discours prononcé le 24 Juin 2003 lors d’une réunion à l’église All Soul’s à 
Washington et portant sur les relations Cuba-US, organisée par le mouvement
NO WAR ON CUBA.

Traduction CSP

* * * *

lettres d’ éxil

Je n’avais que neuf ans lorsque je suis arrivé aux Etats-Unis au début des
années 60 à la demande de ma mère. Pour elle, la révolution Cubaine était le
moment où jamais pour échapper... à sa belle-mère.

Nous sommes d’abord arrivés à Miami, à quelques kilomètres seulement de
Cuba. Mais c’était encore trop près pour elle. La Grand-mère menaçait de
nous rejoindre pour vivre avec nous. Puis ma mère prit connaissance d’un
programme du gouvernement qui donnait un billet d’avion aller simple aux
Cubains de Miami pour n’importe quelle autre ville des états-unis à 
condition de ne jamais retourner vivre à Miami.

Je suppose que déjà à l’époque les étatsuniennes avaient un pressentiment
sur l’importance que prendrait la Floride pour les prochaines élections
présidentielles.

Ma mère décida de profiter de l’offre de cet étrange programme
gouvernemental et se précipita - en me trainant derrière elle avec ma
soeur - pour obtenir son biller aller-simple de Miami. Elle n’avait pas ses
lunettes sur elle, alors elle m’a demandé de lui citer le nom d’une ville
située toute à gauche de la carte des Etats-Unis. Lorsqu’elle entendit Los
Angeles, ses yeux s’illuminèrent : "c’est là que nous allons". Abuela ne
nous a jamais rejoint en Californie. Trop loin, disait-elle.

Abuela m’a manqué, mais je suis reconnaissant d’avoir grandi à 4000 km de
Miami, la ville qui allait bientot devenir un monde à part.

A présent, la ville est dominée par des extrémistes de droite. La corruption
est généralisée. Les terroristes y sont traités comme des héro, on leur
donne des permis de séjour et ils se paradent de partout simplement parce
que leurs bombes et leurs balles sont destinées à Cuba et à tous ceux qui
pourraient militer pour un dialogue avec l’ile.

Il n’est pas surprenant que Miami ait accueilli récemment la plus grande
manifestation en faveur de la guerre en Irak de toutes les Etats-Unis. Les
manifestants cubano-américains ont hurlé avec enthousiasme "Aujourd’hui
l’Irak, demain Cuba" pendant leur marche.

Certains cubains de Miami sont sur le sentier de la guerre contre Cuba
depuis plus de 40 ans - généralement pour rien à l’exception de l’invasion
ratée de la Baie des Cochons de 1961.

Mais beaucoup d’extrémistes à Miami pensent que les choses ont changé. Sous
prétexte de favoriser une diversité ethnique dans l’administration Bush, le
Président a nommé plus d’une vingtaine de cubano-américains d’extreme-droite
à des positions importantes au sein du gouvernement fédéral. Enhardis par
leur participation aux plus hauts échelons du pouvoir à Washington, les
ravisseurs du petit Elian et leurs supporters fanatiques pensent que l’heure
est enfin venue pour faire tomber la révolution Cubaine.

En ce moment meme se déroule un effort coordonné pour désinformer le peuple
étatsunien sur la réalité Cubaine. Des officiels de haut rang au sein de
l’administration Bush accusent régulièrement Cuba de posséder les armes
bactériologiques ou de destruction massive, et le comble a été atteint
lorsque le Secrétaire d’Etat Colin Powell a fait une incroyable déclaration
l’autre jour dans laquelle il affirmait que Cuba tolérait la prostitution
des enfants. Tout en menaçant l’ile de nouvelles sanctions, le
Département d’Etat a accordé à Cuba un délai de 90 jours pour "corriger" une
situation que par ailleurs ils savent parfaitement bien qu’elle n’existe
pas.

L’emprise de l’embargo sur l’ile est plus forte que jamais, et l’Union
Européenne à présent semble s’etre ralliée aux efforts de Washington pour
fomenter un changement de régime à La Havane.

Pour la première fois depuis 1962, j’ai peur pour mes amis et ma famille
là -bas. La possibilité que des "bombes intelligentes" tombent bientot sur la
Vieille Havane et le Malecon existe.

Car, voyez-vous, il faut rembourser une dette politique aux Cubains de
Miami. Bien que le président ait été désigné par la Cour Suprême, les cinq
juges qui ont pris cette décision n’en auraient pas eu l’opportunité sans un
petit coup de main de la part des amis du Parti Républicain à Miami.

Les conséquences de l’élection volée de Bush n’affectent pas seulement les
relations entre les Etats-Unis et Cuba, elles nous affectent tous.

La menace d’un état policier plane sur ce pays. Les immigrés sont perçus
comme des terroristes potentiels. Certains sont emprisonnés, jugés et
déportés lors de procés secrets et sur des preuves secretes. Les étatsuniens
d’origine moyen-orientale sont soumis à des enquetes, subissent des
harcèlements et des poursuites. Et les citoyens étatsuniens qui osent
exprimer leur désaccord avec la politique du président sont boycottés et mis
sur des listes noires. Le fantome de Joseph McCarthy s’active à la Maison
Blanche.

Notre système de protection sociale de ces 70 dernières années avec ses
mesures importantes comme EdiCare et la Sécurité Sociale risquent de
disparaitre.

Depuis que Bush junior a prononcé son discours sur l’Axe du Mal et qu’il a
déclaré que les "méchants" étaient partout, jusque dans "les coins les plus
obscurs de la planète", n’avez-vous pas remarqué que le soleil ne brille
pratiquement plus sur la Maison Blanche ?

Bush junior et ses amis extrémistes sont sur le point d’opérer un coup
d’état militaire contre le monde entier : d’abord l’Afghanistan, puis
l’Irak. Ils veulent dominer la planète. Aucun pays n’est en sécurité. Ni
l’Iran, ni la Syrie, ni la Colombie, ni les Philippines ni... et surtout pas
Cuba.

Les faucons du Pentagon et de la Maison Blanche veulent nous imposer un
nouvel ordre mondial où, comme le dit Arundhati Roy, "Bush le médiocre"
serait le roi, et nous ses loyaux serviteurs.

Ces républicains d’extreme-droite gouvernement grace au mensonge et au
controle des médias.

Ils ont menti sur les armes de destruction massive en Irak. Avec ce
mensonge, les Etats-Unis ont mené une guerre illégale et immorale contre les
Irakiens. Ils mentent lorsqu’ils disent que Cuba possède des armes de
destruction massive. Avec ce mensonge, les Etats-Unis veulent mener une
guerre illégale et immorale contre le peuple Cubain.

La vérité est que les armes de destruction massive se trouvent près de nous.
Il y a quelques semaines, ils ont découvert 100 fioles d’antrax (maladie du
charbon) et de bactéries vivantes appelées brucellis milentesis fabriquées à 
Fort Dietrick, Maryland, à 70 km seulement de Washington, DC.

Ils ont menti lorsqu’ils ont affirmé que l’invasion de l’Irak renfrocerait
notre sécurité. La vérité est que cette guerre a redonné vigueur à Al-Qaeda
qui est plus fort et encore plus déterminé.

Ils mentent lorsqu’ils affirment qu’il suffit de porter un nom de famille
latino pour représenter les intérets des latinos. Somoza et Batista étaient
des latinos. Aucun ne représentait son peuple. Les amis de Bush au
gouvernement et originaires de Miami ne nous représentant en aucun cas. Je
préfère un anglo-saxon progressiste à un "Batistiano" réactionnaire.

Ils mentent lorsqu’ils disent que la majorité des cubano-américains
soutiennent les efforts des Etats-Unis pour isoler et déstabiliser Cuba. Un
sondage récent effectué par le Miami Herald révèle la vérité : plus de la
moitié des cubano-américains du sud de la Floride sont en faveur d’un
dialogue avec les dirigeants Cubains.

Comme quoi, même à Miami et avec le temps, des changements peuvent se
produire et de nouvelles priorités s’établir...

Jusqu’à son décès, je rendais visite chaque année à mon oncle Roberto à 
Miami. Roberto était le gérant du fameux restaurant Versailles dans le
quartier de Little Havana à Miami. Il avait été aussi le quatrième en
commande à la Baie des Cochons en 1961. Chaque année Roberto m’emmenait
faire la tournée des bars à Little Havana pour parler avec ses vieux amis.
Les conversations tournaient toujours du "regreso" ("retour" - ndt), de Cuba
et bien-sur de Fidel.

Il y a cinq ans, j’ai remarqué au cours d’un après-midi passé à discuter et
à boire des mojitos dans des bars de la Calle 8, aucun de ses potes n’a
parlé de Cuba ou de Fidel. Toute la conversation tournait autour d’une
petite pilule bleue appelée Viagra qu’on pouvait acheter au marché noir pour
la moitié du prix... les priorités peuvent changer ! Miami n’est pas ce
qu’elle était.

Une nouvelle génération de cubano-américains veulent des relations normales
et respecteuses avec leur pays d’origine. Bien que le pouvoir demeure entre
les mains de quelques extrémistes agés, leur pouvoir s’effrite.... si j’ose
dire.

La lutte menée par Cuba pour le respect et la souveraineté ne date pas de la
révolution cubaine. Elle date du 19eme siècle, avec Ignacio Agramonte,
Calixto Garcia, Maximo Gomez, Antonio Maceo et Jose Marti et leur vaillant
combat contre l’Empire espagnol et au nom de l’indépendance Cubaine.

Les forces de l’ombre veulent éteindre la flamme de l’indépendance Cubaine.
Ils ne réussiront pas.

Au cours des dernières semaines, Cuba a condamné 75 personnes en tant
qu’agents du gouvernement US à de lourdes peines de prison. Des délinquants
non violents ne méritent pas de reveoir des peines aussi lourdes. Ni à Cuba
ni aux Etats-Unis.

Cuba a aussi executé trois pirates. La peine de mort est une abomination et
doit etre abolie... à Cuba comme aux Etats-Unis.

Exprimez votre désaccord sur tel ou tel aspect de la politique cubaine, si
cela vous convient, mais reconnaissez que Cuba représente les espoirs et les
aspirations des pauvres et des oubliés du monde entier.

Lors de la distribution des cartes par l’histoire, Cuba s’est retrouvé avec
beaucoup de canne à sucre, pratiquement pas de pétrole, et un puissant
voisin déterminé à controler le pays. Comme on dit à Cuba : "no es facil".
C’est pas facile.

L’objectif premier du blocus est d’affamer le peuple cuban jusqu’à sa
soumission. Et ça ce n’est qu’une partie de la politique de Washington qui
est déjà en soi immoral et en violation des lois internationales qui
interdisent l’usage de la faim comme un outil de politique étrangère.
L’autre moitié de la politique de Washington est constituée par les millions
de dollars que le gouvernement US dépense pour fomenter un changement de
régime à Cuba.

Le Président Bush a promis d’accorder plus de 6 millions de dollars d’aide
au cours de l’année fiscale 2003 aux agents US à l’intérieur comme à 
l’extérieur de Cuba (note de CSP - une petite enveloppe a surement été
prévue pour la France, croyez-pas ?). "Ce n’est pas facile" que de résister
à l’attaque en régle de Washington, et pourtant Cuba l’a fait depuis plus de
44 ans.

Les cubano-américains qui vivent aux Etats-Unis ont le choix. Nous pouvons
choisir de soutenir les riches et les puissants qui ont dicté leur politique
à Washington pour le bien de leurs intérets à Miami. Ces familles ont perdu
leurs positions et leurs biens à Cuba lorsqu’elles sont arrivées aux
Etats-Unis, on peut donc comprendre leur colère.

Nous pouvons aussi choisir de soutenir les Cubains qui, malgé leur pauvreté,
vivent dignement en se consacrant à leur prochain. Les Cubains qui ont
envoyé des médecins dans des endroits que Bush le Médiocre et les siens
appellent des "coins obscurs de la planète". Des endroits où les autres
n’osent pas aller. Les Cubains qui ont envoyé leurs enseignants à travers le
monde pour enseigner à lire et à écrire.

Les cubains qui font des enfants une priorité dans la société et qui leur
fournisse le meilleur système d’éducation au monde. Les Cubains qui ont
versé leur sang en Afrique dans la lutte contre l’Apartheid et le
colonialisme. Les Cubains qui ont versé leur sang en Bolivie aux cotés de
Che Guevara qui aurait eu 75 an il y a peu, s’il n’avait pas été assassiné
par un petit soldat Bolivien avec un fusil americano sous les ordres de la
CIA. Les Cubains qui croient à un monde meilleur pour l’humanité et qui
luttent dans ce sens.

En ce qui me concerne, je me range aux cotés de notre poète et patriote,
José Marti, et je dit avec lui : "Con los pobres de la tierra quiero yo mi
suerte echar. El arroyo de la sierra me complace mas que el mar." J’espère
que vous en ferez autant.

(FIN)

CUBA SOLIDARITY PROJECT

http://cubasolidarite.fr.st

"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n’avons rien dit,
nous n’étions pas Cubains."

Peinture : margari@wanadoo.fr.n s

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